Breakpoint: Nereis, de Alison Sinclair (SF)
Alison Sinclair
Breakpoint: Nereis
Ottawa, Bundoran Press, 2014, 284 p.
L’humanité a colonisé les étoiles, mais une grande épidémie a ravagé tous les mondes habités. Il n’est parfois resté qu’une personne sur dix ou moins. Les survivants ont perdu les moyens d’entretenir l’infrastructure technique de leur civilisation interstellaire. Des générations plus tard, les colons de Demeter sont enfin parvenus à lancer des vaisseaux spatiaux capables de voyager d’un système à l’autre. La mission de l’équipage de l’un de ces astronefs, le Waiora, est subordonnée à une seule priorité : en apprendre le plus possible sur la nature de la maladie qui a décimé l’humanité.
Quand le Waiora débarque deux équipes d’investigation sur le monde de Nereis, les colons accueillent ces visiteurs avec réserve. Au sentiment d’abandon se mêlent des luttes intestines au sein d’un monde de castes fondées en partie sur des modifications biologiques destinées à faciliter l’adaptation humaine à un environnement étranger. Ce qui apparaît également mais plus lentement, c’est l’existence de factions au sein même de l’équipage du Waiora. Malgré ces conflits ouverts ou larvés, les chercheurs du Waiora se mettent au travail, mais ils constatent trop tard que les adversaires en présence ont d’autres intentions. Leur présence précipite les événements et entraîne des affrontements dramatiques.
Des romans récents de science-fiction de Bundoran Press que j’ai pu lire, celui-ci est le plus moderne et le plus scientifique. Le cadre peut sembler familier, mais Sinclair l’agrémente d’une complexité réelle sur le plan psychologique, social et politique. Les dirigeants des colons de Nereis sont les héritiers de cultures distinctes et de contextes familiaux spécifiques. Le personnage de Creon McIntyre, chef mutilé d’une bande d’exilés, se détache plus particulièrement du lot. Sa détermination lui permet non seulement de survivre et de l’emporter sur ses ennemis, mais aussi de mettre en garde les émissaires de Demeter contre les traîtres en leur sein.
Sinclair signe une intrigue que le grand nombre de personnages complique à outrance. Le chassé-croisé qui résulte de leurs projets propres confère beaucoup de vraisemblance à l’histoire tandis que la formation scientifique de Sinclair sous-tend à merveille tout le détail des investigations biologiques des chercheurs et de la terraformation de Nereis. Ce n’est jamais du prémâché, mais l’abondance de personnages empêche le lecteur d’apprendre à les connaître et dilue l’intensité de la narration. Dans l’ensemble, toutefois, les amateurs d’une science-fiction sans concession devraient apprécier ce premier volume d’une série annoncée.
Jean-Louis TRUDEL