Yellowstone, de Ludovic Albar (SF)
Ludovic Albar
Yellowstone
Saint-Laurent-d’Oingt, Mnémos (Thriller), 2014, 362 p.
Plus qu’un immense parc naturel protégé et la grande attraction touristique du Wyoming, Yellowstone est la caldeira d’un volcan d’une trentaine de kilomètres de diamètre, assoupi mais non éteint. Siège d’une grande activité il y a des millénaires, il peut se réveiller à tout moment, couvrir de cendres tous les États-Unis et y mettre fin en tant que nation organisée et impérialiste. Ainsi se conclut ce roman où, de surcroît, la côte ouest vacille sous les séismes et les éruptions pendant que la partie est croule sous les réfugiés. Et les retombées traversent l’Atlantique pour ravager l’Europe, interceptant la lumière solaire, promettant au moins un hiver de plusieurs années pour la Terre entière, interrompant provisoirement le réchauffement climatique mais assénant le coup de grâce à une situation écologique, économique et sociale terriblement dégradée. Car, l’avoue un des personnages, la planète est condamnée à long terme. Malgré les soubresauts et les pénuries d’une économie défaillante, se construit une base énorme lunaire, tremplin pour une émigration vers Mars, du moins pour les riches, les politiciens et les personnels dont ils ont l’usage.
En attendant la mise à feu de ce fatal détonateur, la Terre de 2052 peine depuis une décennie à s’organiser en un embryon de gouvernement mondial sous lequel les grandes puissances restantes continuent à empiéter sur leurs attributions, à rivaliser pour tirer les derniers avantages de la situation et se placer le mieux possible pour l’émigration. Les États-Unis sont sous la coupe des fondamentalistes religieux et se sont isolés du sud défaillant. L’Union Panasiatique est dominée par la Chine. Le conflit israélo-iranien se poursuit après l’atomisation d’une partie du Proche-Orient. L’Europe divisée assure à peine ses besoins alimentaires et croule sous les réfugiés climatiques des péninsules ibérique et italienne, des Balkans et du sud. Dans son ensemble se sont instaurées les Zones, des ghettos ethniques, religieux, raciaux et politiques autonomes de fait. En France, un parti fasciste leur réserve un sort analogue aux Roms, récemment victimes d’un pogrom continental. L’Afrique retourne à la barbarie. L’auteur évoque bien une Amérique du Sud fédérée mais est plutôt évasif sur l’état de la Russie. Sa fresque d’un globe en pleine déglingue est un peu incomplète.
Ce type de littérature, surtout français, gagne le reste de l’Europe. Il exprime le pessimisme et la déception devant l’impuissance d’un Euroland bancal, relais d’une mondialisation opposée aux aspirations de ses peuples, et le resserrement autour de lui d’un nœud coulant de pays en guerre, prédateurs ou instables. Parvenue au stade final, cette désolation défile sous les yeux de Vlad, mi-policier mi-agent secret, envoyé à son retour de la Lune à Paris infiltrer les organisations clandestines qui gangrènent le pays. Il appartient à un corps d’élite et sa chair est bourrée d’implants biologiques et électroniques, dont une bille qui enregistre ses pensées et ses actes et a déjà permis d’injecter sa personnalité dans un de ses clones, puis dans plusieurs, un aspect de la moralité de cette société. Inquiétant mais victime rachetée, il trouvera pourtant l’amour et deux billets pour Mars. Écrit à la première personne dans un style entre San Antonio pour le vocabulaire et Maurice Dantec pour l’ambiance, les longueurs et les dérapages grammaticaux, ce thriller assumé comme tel devient un peu lassant. Quoique lisible, il décevra ceux qui ont aimé sa série Quantex et sa vision globale du Système Solaire.
Jean-Pierre LAIGLE