Jean-Guillaume Lanuque (dir.), À l’assaut du ciel, anthologie d’imaginaire communard (SF)
Jean-Guillaume Lanuque (dir.)
À l’assaut du ciel, anthologie d’imaginaire communard
Dijon, La Clef d’argent, 2021, 370 p.
La Commune de Paris est un événement marquant du XIXe siècle : pendant quelques semaines, au printemps 1871, le peuple a pris le contrôle de la ville et a voulu se gouverner par lui-même. Révolte écrasée dans le sang dès la fin de mai, elle a par contre laissé des traces dans l’histoire et dans la psyché collective. Dans ce recueil, publié à l’occasion du 150e anniversaire des événements, des auteurs des genres de l’imaginaire s’amusent avec la Commune, ses deux mois riches en Histoire, ses personnages célèbres, ses élans patriotiques et son inexorable fin que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Semaine sanglante.
Qui dit Anthologie dit forcément que les textes sont inégaux et ce recueil ne fait pas exception. Par contre, on peut saluer les choix faits par Jean-Guillaume Lanuque : toutes les nouvelles explorent la Commune, autant son histoire et ses événements que l’esprit qui l’habitait, soit celle du peuple qui prend le pouvoir pour lui-même. Certains personnages plus célèbres, comme Louise Michel et Auguste Blanqui, reviennent dans plusieurs des textes, mais on y fait des pas de côtés pour retrouver d’autres personnalités qui étaient vivantes à l’époque de la Commune.
Le recueil explore tous les genres de l’imaginaire, même si la science-fiction domine. Ainsi les barricades de la Commune peuvent être autant le décor de voyages temporels que des luttes épiques entre clans de magiciens rivaux. Chaque nouvelle trouve un moyen de se réapproprier un angle inédit de l’histoire, même si leur sujet commun finit par donner une impression de redite à la longue. La plongée dans le XIXe siècle, avec tous ses codes particuliers de classe, est d’ailleurs pleinement assumée par la plupart des auteurs. Leur imagination réinvente chaque fois un aspect de cette sombre page du passé en lui ajoutant des éléments clairement décalés.
Parmi les autres nouvelles qui se démarquent, celle de Maël Garnotel, qui avec « Un crachat rouge et noir » invente un futur où les idéaux de la Commune sont devenus une forme de dictature dans un univers où les rarissimes ressources obligent la plupart des humains restants à passer leur vie en stase, ne sortant que pour des votes pratiquement décidés d’avance. Une autre, celle de Céline Maltère, « Pipistrelle commune », joue avec une touche d’onirisme sur le thème de l’amour entre deux personnes de classes sociales opposées dans le contexte oppressant du siège prussien qui a précédé la Commune, mais aussi au courant de celle-ci.
La très amusante nouvelle « Chapitre 46 » de Pierre Gévart prétend être un chapitre perdu du Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, où se mêlent joyeusement quelques personnages issus de l’imaginaire vernien, mais en lançant des perches vers d’autres personnages plus contemporains. Dont un certain M. Spielberg prenant des notes sur des créatures préhistoriques survolant Paris en se disant que l’un de ses descendants y trouverait sans doute l’inspiration un jour…
Seule contribution de notre côté de l’Atlantique, la nouvelle de Jean-Louis Trudel « Les feux du futur » présente le personnage de Simon Newcomb, un astronome plus préoccupé de science que des progrès de l’armée versaillaise. C’est l’une des nouvelles très réussie du recueil, tant par son mélange entre la Commune et les genres de l’imaginaire que par l’angle adopté.
L’héritage de la Commune de Paris de 1871 a marqué les imaginaires et a su triompher de l’oubli malgré son échec. Utiliser la créativité des auteurs pour garder sa mémoire vivante est une idée brillante et le recueil de nouvelles, une bonne façon de se rappeler que l’Histoire aurait pu s’écrire autrement.
Mariane CAYER