Yannick Chazareng, Le Guide Stephen King
Yanick Chazareng
Le Guide Stephen King
Chambéry, ActuSF, 2022, 293 p.
Contrairement à Robert Sheckley, auquel je consacre une critique ailleurs dans ce même numéro de Solaris, on ne présente plus Stephen King, le Maître de l’horreur américain. Celui qui a suscité une renaissance de l’épouvante et du fantastique au tournant des années 1970-1980 ; celui dont les histoires rôdent toujours au seuil de l’inconscient collectif ; celui qui ne laisse personne indifférent tant pour l’épaisseur variable de ses pavés, pondus à une vitesse folle, que leur contenu. Très peu de gens n’ont pas frissonné à la lecture ou au visionnement de Shining, ou été terrifiés par les apparitions du clown Pennywise ou les colères d’Annie Wilkes, splendidement interprétée par l’incomparable Kathy Bates… Rendre compte de l’œuvre de Stephen King, avec tous ses thèmes, ses cycles, ses périodes, est pour le moins hasardeux : si l’on peut accomplir une tâche semblable pour Alfred Hitchcock avec de volumineux ouvrages de 600 pages (par exemple le splendide Hitchcock : la Totale), il en va autrement pour King, dont l’œuvre est plus abondante et toujours en production. Un ouvrage exhaustif sur Stephen King irait forcément dans les 1000 pages… et serait périmé dans l’année !
C’est avec ces considérations en tête que je me suis attaqué au Guide Stephen King proposé récemment chez ActuSF, dont j’avais bien apprécié le Guide Alan Moore. Verdict : c’est un petit ouvrage bien fait, mais je crois qu’il s’adresse à un autre type de lecteur que moi.
Je m’explique : j’ai eu mon déclic pour Stephen King en lisant ses romans, mais aussi par d’autres ouvrages comme Stephen King de A à Z, Stephen King : 30 ans de terreur ou Stephen King, Clive Barker : les Maîtres de la terreur. Si je suis à des années-lumière d’être un expert, je n’ai pas eu l’impression d’apprendre grand-chose de nouveau dans ce Guide Stephen King, en dehors de la description de romans et de recueils récents que je n’ai pas lus. Le lectorat néophyte y trouvera plus son compte : comme je l’ai dit, c’est un petit ouvrage bien fait. Il présente clairement et succinctement les œuvres phares de King, sans négliger les liens de ce dernier avec d’autres médias tels le cinéma, les séries… Les cycles majeurs de King sont bien décrits et identifiés (que ce soit le cycle de la Tour Sombre, ou la « trilogie féministe » – Jessie, Dolores Claiborne et Rose Madder). Il y a aussi une intéressante analyse des thèmes récurrents de l’écrivain et une biographie étoffée. Mais j’ai personnellement eu la sensation de rester sur ma faim : ce Guide Stephen King repose essentiellement sur d’autres ouvrages publiés, que j’ai lus pour la plupart, et il m’arrivait parfois de me rappeler où j’avais déjà vu telle ou telle information.
En fait, l’originalité du Guide Stephen King repose sur les nombreuses interviews avec des traducteurs et des traductrices, des fans, des érudits, des webmestres, des auteurs et des auteures, et d’autres personnalités françaises qui nous parlent de leur travail en lien avec l’œuvre de King, ou de l’influence de celui-ci sur eux. S’il s’agit incontestablement d’un matériau inédit et riche en informations (chapeau à l’auteur pour le travail qu’impliquent la collecte et la mise en forme de ces propos), elles ont moins suscité mon intérêt puisque je lisais avant tout le guide pour en apprendre sur Stephen King lui-même, et non sur la relation entre lui et d’autres (cela dit, j’ai trouvé fascinantes les interviews avec Jean-Daniel Brèque et Marie de Prémonville). Encore là, j’estime ne pas être le lecteur ciblé : à mon sens, le Guide Stephen King s’adresse avant tout à un public français intéressé par la relation entre King et leur pays, un angle d’attaque qui pourrait moins rejoindre le lecteur nord-américain.
Le lecteur chevronné appréciera sûrement la bibliographie, la filmographie et les ressources qui complètent l’ouvrage, et qui en justifieront la possession pour consultations ultérieures. Le Guide Stephen King n’est donc certes pas une lecture que je regrette : je crois juste qu’il s’adresse en priorité au public néophyte et au lectorat français, et qu’il faut avoir ce biais à l’esprit au moment de l’entamer.
Philippe-Aubert CÔTÉ