Daniel Coulombe, Le Fantastique religieux et l’adolescence
Daniel Coulombe
Le Fantastique religieux et l’adolescence
Montréal, Fides, 2003, 163 p.
Même si j’ai la nette impression de prêcher à des convaincus, je trouverais dommage de ne pas signaler à nos lecteurs la publication de ce fort intéressant essai qui se donne pour but de jeter un éclairage sur l’univers mystérieux et protéiforme du fantastique religieux et de son impact sur les adolescents.
Daniel Coulombe, rappelons-le, est lui-même professeur d’enseignement moral et religieux au collège Notre-Dame, une école internationale ; et connaît bien ces sujets comme le savent ceux qui ont lu ses articles dans Solaris [citons « Symbolisme sexuel et tabous dans trois contes fantastiques traditionnels » (no 134) ou « Bilbo le hobbit : un livre d’enfant pour adultes » dans le volet internet du no 135 (disponible gratuitement sur notre site)]. On peut mentionner aussi, pour les connaisseurs, sa chronique « Pierre Tombale » dans le fanzine Horrifique.
Non seulement il s’intéresse à ces sujets, mais il les aborde avec un mélange de passion, d’érudition et d’un sain esprit critique. Il suffit de lire la quatrième de couverture de ce livre pour comprendre, comme je le suggérais au début de cette lecture, que ce n’est pas à un lectorat spécialisé dans le domaine que l’auteur s’adresse – même si certains chapitres, comme celui sur le satanisme philosophique, m’ont fait prendre conscience que j’étais loin de connaître le sujet autant que je le pensais – non, le livre se présente sous la forme d’un guide et s’adresse surtout aux parents, aux éducateurs et autres intervenants qui travaillent auprès des jeunes et qui peuvent s’inquiéter devant la fascination que de nombreux adolescents montrent envers le ouija, la magie, le satanisme, le gothisme et tout ce qui touche de près ou de loin au « paranormal », surtout lorsque ce fantastique est associé, à tort ou à raison, à des événements tragiques, à des comportements violents ou à des problèmes de santé mentale.
Le panorama embrassé par l’auteur est assez complet. Le premier chapitre brosse un rapide tableau de la situation religieuse au Québec en ce début du nouveau millénaire, comment depuis les années 60 la mise au rancard du catholicisme dominant a créé une sorte de vide religieux vite rempli par un autre « langage symbolique », le fantastique dans toutes ses dimensions et manifestations. Le second chapitre dresse donc une carte des genres – merveilleux, fantastique épique, horreur, gore, sans oublier, comme on le fait trop souvent, le fantastique folklorique qui continue tout de même à influencer l’imaginaire. Les chapitres qui suivent s’intéressent tour à tour aux rapports du fantastique avec la violence, le paranormal, les jeux, le symbolisme vestimentaire, la magie féminine (ou sorcellerie), pour finir avec ce qui est certainement l’aspect du fantastique le plus inquiétant pour la plupart des parents : le satanisme. L’auteur en est conscient, car c’est le sujet qui se mérite le plus de pages, dans lesquelles il tente de faire la part de la légende, de la réalité, du jeu, de la morale et des considérations esthétiques. Il rappelle, exemple parmi d’autres, qu’un assassin comme Charles Manson ne revendiquait au départ aucune appartenance à un mouvement satanique quelconque. Que son image de prince des ténèbres est venue plus tard suite à la nature particulière de ses crimes et de la fascination que ceux-ci ont exercé autant sur ceux qui se réclament de Satan, que sur ceux qui s’inquiètent de son « emprise » sur le monde actuel.
Un guide bien écrit et bien documenté que je n’hésiterais pas à le recommander à toute personne se cherchant un livre de référence sur le sujet.
Joël CHAMPETIER