Héloïse Côté, Les Conseillers du Roi (Fy)
Héloïse Côté
Les Conseillers du Roi
Lévis, Alire (Romans 081), 2004, 305 p.
Ce premier tome d’une série annoncée, les Chroniques de l’Hudres, sous la plume d’une nouvelle auteure de fantasy, ne manque ni d’ambition ni de péripéties – pour tout dire, en faire un résumé est difficile tant les personnages et les retournements sont nombreux. Contentons-nous d’une mise en situation. Au royaume de l’Hudres, on vénère deux divinités : Shir, le dieu mâle, et Shirana, la déesse. La veille d’une bataille décisive contre l’armée du Namarre, royaume situé au sud de l’Hudres, Léonte, jeune stratège prodige, repousse les avances amoureuses de Léane, la grande prêtresse de Shirana, qui couchera avec un autre par dépit. Bien que l’Hudres gagne la guerre, le roi et son fils meurent bientôt de la peste, laissant le royaume aux mains de la reine Lyntas, une Damasienne mariée de force obligée de vivre dans un pays qu’elle n’aime pas. Les Hudresiens subissent le joug de cette reine étrangère jusqu’au jour où les Osges, des barbares sanguinaires, descendent de leurs montagnes pour menacer l’Hudres, obligeant la reine à demander de l’aide aux anciens conseillers du roi dispersés aux quatre vents. Ceux-ci répondront à l’appel avec plus ou moins de bonne volonté ; les alliances se feront et se déferont, alimentées par les rancunes et les intérêts de chacun. La guerre avec les Osjes aura bien lieu, mais accompagnée de plusieurs retournements… en attendant les suites.
Les Conseillers du Roi n’est pas seulement un premier roman – il est donc difficile de se prononcer sur ce qui n’est encore qu’une œuvre incomplète –, mais c’est aussi une première œuvre, un cas de figure très différent d’un livre comme L’Ange Écarlate de Natasha Beaulieu – j’aurais pu prendre un autre exemple –, premier roman aussi, mais écrit par une auteure plus âgée, qui avait fait ses classes en publiant de nombreuses nouvelles. Héloïse Côté n’a que 25 ans. C’est certainement remarquable pour une auteure de cet âge de publier chez un éditeur de calibre professionnel comme Alire ; or un critique soucieux de faire œuvre utile doit évidemment ajuster son registre à ces conditions particulières. Si certains aspects de l’œuvre pourraient être qualifiés de faiblesses sous la plume d’un écrivain d’expérience, il faut ici les accepter comme des caractéristiques normales. Souligner qu’une auteure de cet âge reproduit un univers fantasy un peu trop classique, un peu convenu, c’est souligner une évidence. On ne se surprendra pas non plus qu’elle ne contrôle encore qu’imparfaitement la gestion du point de vue en « il » : les écrivains de 25 ans qui maîtrisent bien le « il » sont rarissimes. C’est un art subtil qui vient avec l’expérience. Et convenons aussi qu’Héloïse Côté ne s’est pas simplifié la vie en brossant une fresque aussi mouvementée et peuplée d’autant de personnages.
Ce roman m’a beaucoup rappelé, avec ses qualités mais aussi ses scories d’apprentissage, la série Les Guerres d’Éghantik que Julie Martel a publiée de 1996 à 2000 dans la collection Jeunesse-pop – une autre œuvre de fantasy relativement ambitieuse sous la plume, tiens tiens, d’une jeune auteure d’à peu près 25 ans. Je ne dis pas que ces deux auteures sont interchangeables, le ton général du roman d’Héloïse Côté étant certainement plus noir, plus violent. Tant qu’à jouer le jeu des comparaisons, ce premier tome n’a pas non plus à rougir d’être placé sur le même rayon que les livres de la série d’Anne Robillard, Les Chevaliers d’Émeraude, un succès populaire qui ne se dément pas. En souhaitant à Héloïse Côté et à Alire de rallier eux aussi ce public avide de fantasy qui apprécie une action menée à fond, des complots et du suspense, on attendra impatiemment la suite des Chroniques de l’Hudres pour voir ce qui va se passer. Je songe non seulement à l’intrigue, mais à la manière avec laquelle l’auteure va la traiter. J’allais oublier : la couverture de Guy England est une des plus belles de la collection de romans d’Alire. Ça fait partie aussi des plaisirs de la lecture.
Joël CHAMPETIER