Jacques Diamant, Le Transmetteur (SF)
Jacques Diamant
Le Transmetteur
Outremont, Stanké, 2004, 380 p.
Curieux roman que ce livre intitulé Le Transmetteur, qui mélange les genres (et le critique !), qui m’inspire des sentiments mitigés et que j’ai pourtant lu jusqu’au bout malgré les irritants.
Le Transmetteur est d’abord un médiocre roman de science-fiction qui ressemble à un épisode vieillot des Aventures futuristes de deux savants canadiens-français. Un savant un peu fou (naturellement) a mis au point une « zapette » à clone, baptisée « le transmetteur », ce qui permet au personnage principal de faire une incursion dans l’esprit, la conscience et la mémoire de deux de ses clones génétiques. On appuie sur un bouton et hop, on change de vie comme on change de poste à la télé. Du coup, le récit bascule, passant de la science-fiction à une intrigue criminelle.
Le premier transfert de personnalité amène Simon Lacourse, un vicaire de Québec mal dans sa peau, dans celle d’un avocat montréalais qui écrit pour la télévision. Il est aussi mêlé à des affaires plutôt louches, ce qui incite finalement le héros à « déménager ». Par la suite, il se retrouve dans la peau d’un homme du village de Saint-Pacôme qui est soupçonné du meurtre prémédité de sa femme. J’ignore si l’auteur est un amateur de science-fiction, s’il est au courant du fait que le thème du clone n’est pas exactement une nouveauté dans le genre et qu’il a déjà été traité de façon magistrale à maintes reprises. Ici, c’est vraiment la partie la plus faible du récit. Elle fera sourire les amateurs indulgents et rager les vrais fans.
Il ne fait nul doute que Jacques Diamant sait écrire et raconter une histoire. L’homme a du métier et pratique l’écriture sous diverses formes : fiction, scénario, théâtre (sept pièces). Mais comme le disent bien des animateurs d’ateliers d’écriture : il faut écrire à propos de ce que l’on connaît le mieux. Diamant est avocat et procureur de la couronne, et cela transparaît dans la partie la plus intéressante de son histoire, celle où notre vicaire, enfermé en attente de procès, partage la carcasse d’un minable assassin. Dans ces pages, l’action et les relations interpersonnelles se corsent, la tension est à son meilleur, les dialogues sonnent juste et le lecteur se sent entraîné. C’est dans le thriller judiciaire que le néo-romancier semble le plus à l’aise, une veine qu’il devrait exploiter davantage.
Il y a de la place au Québec pour les émules de Grisham et compagnie. Contrairement au roman d’espionnage, au roman noir ou de détection, le thriller judiciaire, sans être inexistant, n’est pas encore un genre très pratiqué. Dans cette veine, j’en suis persuadé, Jacques Diamant a tout pour nous surprendre, mais de grâce, qu’il lâche la zapette !
Et pendant que j’y suis, je puis suggérer quelques noms d’illustrateurs doués à son éditeur : la couverture du livre est plutôt moche (de vieux cadrans électriques, quelle trouvaille !) et ne laisse rien deviner du contenu de ce curieux roman. Le mot « thriller », par exemple, mis bien en évidence, n’aurait pas nui. Après tout, c’est bien de ça dont parle la 4e de couverture, non ?
Norbert SPEHNER