Élisabeth Vonarburg, Sang de pierre (SF)
Élisabeth Vonarburg
Sang de pierre
Lévis, Alire (Nouvelles 128), 2009, 373 p.
Après La Maison au bord de la mer (2000) et Le Jeu des coquilles de Nautilus (2003), Sang de pierre est le troisième recueil de nouvelles d’Élisabeth Vonarburg à paraître aux éditions Alire. Parler de l’écrivaine comme d’une figure marquante de la SFQ constitue, à n’en pas douter, un euphémisme, et ce nouvel opus, même s’il ne comporte qu’un seul texte inédit – mais quel texte ! –, témoigne une fois de plus de l’étendue de son talent.
Sang de pierre est composé de six récits de longueur variée (de la courte novelette à la novella de plus de cent pages) dont plusieurs ont été originalement publiés dans des revues spécialisées, des recueils depuis longtemps épuisés ou des collectifs européens devenus quasi introuvables. Aussi les admirateurs de Vonarburg se feront-ils une joie de (re)lire ces textes, certains ayant été rédigés il y a plus de trente ans !
La nouvelle intitulée « Éon » met en scène Hilsh, l’un des nombreux passagers d’un vaisseau organique – vaste créature de l’espace – lancé vers un but si lointain qu’il lui faudra plusieurs générations de clones pour l’atteindre. Lorsque l’ordinateur de bord du vaisseau, soudainement doté d’une conscience, se met à éliminer tous les embryons présentant une mystérieuse forme de mutation, Hilsh a brusquement l’impression d’être un corps étranger dans cet organisme à la dérive. Il en découle une réflexion toute poétique sur les dualités masculin/féminin et individuel/commun. Dans « Le Langage de la nuit », un scout en mission de colonisation est en proie à des rêves pour le moins étranges qui pourraient bien être dus aux nuages de spores qui recouvrent la planète et semblent ensemencer cette dernière. La novella « Le Début du cercle », récipiendaire du Prix Boréal 1997, est à mon avis la plus réussie du recueil. On y suit le périple de Saul Jordan, un professeur de linguistique tentant désespérément de rassembler les pièces de son identité fragmentée afin de faire le point sur la mort de sa dernière conquête. Il s’agit d’un récit foudroyant recelant une fine réflexion sur la moralité des manipulations génétiques, et qui n’est pas sans rappeler le Frankenstein de Mary Shelley. La nouvelle ayant pour titre « Celles qui vivent au-dessus des nuages » constitue quant à elle une superbe réécriture du mythe de Danaë, personnage de la mythologie grecque qui fut imprégné par Zeus sous la forme d’une pluie d’or. La nouvelle-titre du recueil, « Sang de pierre », nous fait partager les interrogations de Manuelle, une généticienne ayant toujours cru que les sirènes, résultat d’un ancien projet d’hybridation, représentaient l’avenir de l’humanité. C’était avant qu’elle ne fasse la rencontre de Spark… Enfin, la nouvelle « Terminus », inédite, en surprendra plus d’un(e) puisqu’elle clôt le cycle du Pont et des Voyageurs, bien connu des fans de Vonarburg. En révéler davantage serait risqué. Qu’il suffise de mentionner que cette finale, absolument bouleversante, fait figure de révélation.
Soulignons en terminant que chaque récit est précédé d’un court texte de présentation dans lequel l’auteure traite de la réflexion ou de l’idée maîtresse qui en est à l’origine. Ces préambules sont si fascinants qu’ils nous font regretter leur absence dans les autres recueils de l’auteure ! Cela dit, c’est avec un plaisir soutenu que l’on (re)découvrira chacun de ces récits d’Élisabeth Vonarburg. Ce captivant recueil aidera assurément plusieurs lecteurs assidus à patienter jusqu’à la publication de son prochain roman, qui inaugurera une nouvelle saga de fantasy historique.
François MARTIN