Josette Saint-Laurent, Station expérimentale (SF)
Josette Saint-Laurent
Station expérimentale
Nice, Bénévent, 2011, 354 p.
Jacques Goimard, dans son incontournable Critique de la science-fiction, insiste sur le fait que « [l]a S.-F. est une forme de narration dont la finalité ultime est la description », avant de préciser : « le problème de la description a toujours été un écueil menaçant sur le trajet des romanciers. À la grande époque d’Astounding, dans les années 40, le lecteur se voyait imposer des pages d’explications, le plus souvent concentrées dans la première partie du récit. L’apprentissage de l’élégance commença chez l’équipe Kuttner-Moore et aboutit au style Galaxy des années 50 : le problème était résolu par le fait qu’il n’y avait plus d’explications et, dans les cas limites – chez Matheson ou chez Sheckley –, ce n’était plus tout à fait de la science-fiction au sens technique du terme. » (Goimard, 2002, p. 281-282)
Si Josette Saint-Laurent, écrivaine québécoise et membre du cercle des écrivains de l’Abitibi-Témiscamingue dont Station expérimentale, publié chez Bénévent, est le second roman, a lu et mis en pratique cette observation du directeur de collection chez Pocket, elle n’en a toutefois pas saisi la subtilité dans la révélation des éléments de l’intrigue qu’appelle une telle entreprise d’épuration stylistique auquel elle convie pourtant le lecteur.
Son roman repose exclusivement sur le dialogue. Mais là où le dialogue épuré et dénué de descriptions d’une Marguerite Duras, par exemple, joue sur le temps du roman afin de montrer la vacuité du discours (pensons à Moderato Cantabile), les dialogues de Station expérimentale sont d’un tout autre ordre, et procèdent ainsi d’une sorte d’urgence frénétique qui, malheureusement, tombe trop souvent dans le cliché de mauvais goût, ce qui aurait pourtant pu être évité par l’insertion de descriptions dosées. Le style de ces conversations est tantôt inutilement ampoulé, accumulant les adverbes et les adjectifs (et ce, de la bouche d’une protagoniste manifestement québécoise, ce qui paraît plutôt étrange), et tantôt totalement vidé de sa substance langagière, comme si l’auteur n’arrivait pas à trouver un juste milieu dans ces dialogues somme toute mal ficelés.
Le roman possède pourtant des prémisses intéressantes : les humains sont des descendants d’aliens télépathes qui ont colonisé la Terre afin d’en faire une planète-prison, y parquant leurs éléments dangereux, désormais isolés du reste de l’univers, où ils se sont reproduits entre eux, causant une régression génétique qui leur a fait perdre leurs dons de télépathie. Sauf que la Terre, plusieurs siècles plus tard, avec ses incessantes guerres et son chaos rampant, est devenue une épine dans la logique religieuse du gouvernement quelque peu théocratique régissant l’univers, religion fondée sur… « l’Amour Infini ». Les hautes instances de ce gouvernement ont alors décidé d’envoyer un ultimatum aux humains : se convertir aux préceptes de l’Amour Infini ou être anéanti, le véhicule de cet ultimatum étant une archéologue québécoise du nom de Samantha Sauriol.
Le discours de ladite Samantha Sauriol, comme pour l’ensemble des personnages d’ailleurs, apparaît ridicule, sans profondeur, absolument hystérique et surtout, surtout, moralisateur. En fait, le roman respire une morale plus ou moins judéo-chrétienne ma foi plutôt fumeuse, et qui agace au plus haut point – la chose étant omniprésente et constituant le fondement du discours. Les personnages sont ainsi à l’image de cette morale : univoques, sans nuances, que transpose un dialogue – je l’ai dit – mal ficelé, où l’on note des erreurs syntaxiques flagrantes. À chaque page, on en vient à se demander si l’éditeur a « oublié » d’effectuer un véritable travail de direction littéraire tellement l’ensemble est d’une facture à l’amateurisme désolant, en font foi ces longs dialogues en italiques entre télépathes, où quelques (très) courtes descriptions en focalisation externe viennent parfois s’insérer – toujours en italique, brisant la logique même de l’effet désiré par ce changement de police…
C’est malheureux, mais le lecteur en vient à anticiper le moment où celui-ci va déposer le roman, question de mieux l’oublier dans le recoin le plus poussiéreux de sa bibliothèque. Bref : une lecture à éviter.
Marc Ross GAUDREAULT