Alix Renaud, La Femme avant Ève (Hy)
Alix Renaud
La Femme avant Ève
Québec, GID (Fiction), 2011, 176 p.
Même s’il est au Québec depuis 1968, Alix Renaud, qui a publié plus d’une vingtaine d’ouvrages ici et en France (poésie, romans, nouvelles et dictionnaires spécialisés) n’est pas un pilier de la SFQ, mais pas un parfait inconnu non puisque Claude Janelle a présenté au moins trois de ses ouvrages dans le numéro 57, ce qui ne nous rajeunit pas…
Voici comment l’auteur introduit La Femme avant Ève : « L’ouvrage que je présente aujourd’hui au lecteur – qu’il soit amateur d’anecdotes ou fervent d’ésotérisme – n’est pas autre chose que le résultat d’une réécriture : en effet, la vieille légende de Lilith méritait d’être rafraîchie. Il ne s’agit évidemment pas d’un thriller, mais d’une histoire que je voulais belle : celle d’un âge mythique où les dieux savaient encore déchoir, celle d’un amour charnel, donc sacré, que les religions n’avaient pas encore souillé ». Quand j’ai commencé à lire cette histoire, qui tient à la fois de la science-fiction et de la fantasy, du poème en prose, de la mythologie et de l’ésotérisme, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à cet éditeur américain des années soixante-dix qui, dans les pages d’une revue de l’époque racontait ceci. Recevant des centaines de manuscrits, il en avait fait deux piles : ceux qu’il se réservait le droit de lire pour sélection et publication éventuelle, et tous les autres qui racontaient la même histoire : Adam et Ève sont des êtres créés dans un laboratoire que l’on nomme l’Éden, par des créatures extraterrestres venues d’une lointaine planète. Or c’est exactement de ça qu’il s’agit ici : des dieux, qui sont en fait des aliens venus du fin fond de l’espace, créent ces créatures étranges qui seront la race humaine. À une nuance près, l’histoire de Renaud est centrée sur le personnage de Lilith que l’on connaît soit comme démon succube tueuse d’enfants, comme femme fatale à la sensualité débridée, ou comme la première femme d’Adam. Ceci dit, on est loin d’un space opera classique. Le beau texte de Renaud tint plus du poème élégiaque en prose que du roman d’action, car de l’action, à vrai dire, il y en a fort peu. Tout est dans le ton, dans les dialogues, dans cette réécriture d’un mythe ancien, celui de la vraie première femme qui prend brutalement conscience de sa nature et ne tarde pas à se rebeller. Éprise de son amant Lucifer, elle tient tête à l’orgueilleux Yahvé et fera l’apprentissage douloureux de la liberté. C’est aussi l’histoire de nos premiers lointains ancêtres et de leur création par des êtres venus d’ailleurs. Avant Renaud, Lilith a été chantée, célébrée ou damnée par des auteurs aussi prestigieux que Rémy de Gourmont (Lilith, 1892), George MacDonald (Lilith, 1895), John Erskine (Adam & Eve, 1927), David H. Keller (The Homonculus, 1949) – où elle est la sœur jumelle de Pan – avant d’être récupérée comme femme fatale ou démon dans nombre d’histoires révisionnistes contemporaines de vampires qui poussent l’audace jusqu’à en faire une fille de Dracula (c.f. Marvel Comics).
Signalons en terminant dans le cadre des Prix d’excellence des arts et de la culture, L’Institut Canadien de Québec a décerné le Prix de la personnalité littéraire de L’Institut Canadien de Québec à l’écrivain, poète, linguiste et journaliste Alix Renaud pour son engagement et sa contribution dans le milieu littéraire depuis plus de 40 ans. Ce pour quoi nous le félicitons.
Norbert SPEHNER