Daniel Sernine, Petits Démons (Fa)
Daniel Sernine
Petits Démons
Drummondville, Les Six Brumes (Brumes de légende), 2014, 256 p.
Daniel Sernine fait partie du paysage de la SFFQ depuis près de quarante ans, ce qui en fait un auteur incontournable. Depuis ses débuts, il a écrit plus d’une trentaine de romans et plus de 80 nouvelles, publiées dans diverses publications. À ce palmarès déjà impressionnant, il peut maintenant ajouter Petits Démons, un recueil de ses meilleures nouvelles « démoniaques », publiées entre 1983 et 1997, qui constitue le premier numéro de la nouvelle collection Brumes de légendes des éditions Les Six Brumes. Le sommaire compte huit nouvelles qui ont en commun, outre la thématique, de se dérouler dans les régions de Québec, Neubourg et Granverger, en plus de mettre en scène des personnages récurrents, dont des descendants des familles Vignal et Davard, que les habitués de Sernine connaissent bien.
L’intérêt principal de ce recueil se trouve dans la présentation des textes qui sont ordonnés non pas selon leur ordre de publication, mais plutôt en respectant la chronologie interne des nouvelles. Ainsi, « Rumeurs », texte d’abord publié en 1997 est placé en ouverture de recueil, alors que « Petit démon », qui, mis au pluriel, donne son titre à l’ouvrage, fut publiée en 1983, mais se retrouve plutôt vers la fin. Ce choix éditorial permet d’obtenir une trame narrative très forte, puisqu’on suit dans le temps les membres des familles Vignal et Davard, ainsi que l’essor de Neubourg et Granverger, en plus de faire la connaissance d’autres personnages qui s’avéreront récurrents. Ajoutons à cela que cette disposition permet de revenir sur des événements qui se sont déroulés dans des nouvelles qui mettent en scène une époque plus ancienne, mais qui chronologiquement, ont été publiées beaucoup plus tard. Bref, la logique interne du recueil fait en sorte que le lecteur qui ignore tout de l’univers de Sernine s’y sente parfaitement à son aise, et que le lecteur averti, pour sa part, puisse anticiper certains événements pour son plus grand bonheur.
Mentionnons également la plume si particulière de Daniel Sernine, qui conserve toute sa force, malgré les années. On se plonge avec délectation dans cette écriture fine qui met en scène un fantastique qui se fait tantôt subtil et discret, au point où on se demande s’il s’agit bien d’une nouvelle appartenant aux canons du genre, et tantôt beaucoup plus présent, pour le malheur des personnages qui sont mis en scène.
S’il me fallait déterminer la nouvelle la plus intéressante du recueil, la lutte serait chaude, mais au final, « Petit démon » m’apparaît comme la nouvelle la plus aboutie, en plus de mettre en scène de nombreux personnages qu’on retrouve dans d’autres textes du recueil. De plus, sa position au centre de l’ouvrage lui donne une force supplémentaire, puisqu’elle sert ainsi de transition entre deux « périodes », ainsi qu’un changement de ton, qui donne à la deuxième moitié du recueil un ton beaucoup plus sombre, plus près de l’horreur surnaturelle, contrairement aux premiers textes où prévalait plutôt le fantastique merveilleux.
Bref, je ne peux que saluer l’immense talent de conteur et d’écrivain de Daniel Sernine qui se donne à lire tout au long de son recueil. Une mention spéciale également aux Six Brumes pour avoir créé une collection dédiée à la réédition de morceaux d’anthologie de la SFFQ des années 1970 à 1990. Il s’agit là non seulement d’une initiative louable, mais aussi d’un projet porteur qui ouvre la porte à la (re)découverte des plus grands auteurs de science-fiction et de fantastique dont certains textes ne sont plus accessibles.
Pierre-Alexandre BONIN