Alain Chaperon, Cédric (SF)
Alain Chaperon
Cédric (Cobayes -7)
Boucherville, De Mortagne, 2016, 315 p.
Lancée à l’automne 2014, la série Cobayes réunie sept auteurs qui avaient pour mission d’écrire chacun un roman à partir d’une même mise en contexte. Chaque livre s’attache aux pas d’un (ou deux) personnage qui accepte de tester la Chlorolanfaxine, un nouveau produit développé par les Laboratoires AlphaLab. Seulement, ce médicament censé aider ceux qui souffrent de troubles anxieux et de dépendance, entraîne des effets secondaires insoupçonnés qui mèneront les patients dans l’horreur. Alain Chaperon signe avec Cédric le septième et dernier bouquin de la série. Toutefois, on peut aborder sans problème les romans dans l’ordre ou le désordre puisqu’ils couvrent tous la même période chronologique avec quelques variantes près.
Cédric Labonté est un type sans ambition dont les occupations se limitent à lire des livres, écouter des films, fumer des joints et passer du temps avec son chat. Sa seule activité productive est la tenue d’un blogue, Le blogue du Cobaye dont des extraits viennent ponctuer certains chapitres. Pour amasser un peu d’argent, il teste des produits pour différentes compagnies pharmaceutiques. Quand il découvre qu’Alphalab offre 8 000 $ pour une étude clinique, il veut absolument en faire partie, quitte à mentir sur ses motivations réelles. Il va même jusqu’à dire qu’il souhaite se défaire de sa dépendance à la marijuana, même s’il n’en a nullement l’intention. Seulement, la Chlorolanfaxine aura un effet insoupçonné sur lui : il développe de l’ambition. Dans un premier temps, ce changement est positif dans sa vie puisqu’il sort de sa coquille, se trouve un emploi et amorce une relation amoureuse avec une vedette d’émission jeunesse qui a marqué son enfance (bonjour Passe-Partout). Même son écriture connaît un regain d’énergie. Plus mordant, Le blogue du Cobaye va devenir de plus en plus populaire, comme son auteur.
D’entrée de jeu, je dois dire que je n’étais pas convaincu par le ton de ce livre. Un seul autre tome de la série s’était essayé à l’humour, Yannick, et le résultat a été catastrophique. Même si je persiste à croire que la légèreté ne se mélange pas bien à l’univers mis en place dans Cobayes, Alain Chaperon s’en tire mieux. En effet, l’auteur a du métier et cela paraît dans son écriture. Il possède un style fluide et beaucoup de verve alors il demeure agréable à lire. De plus, les chapitres, très courts, se dévorent d’une traite.
N’empêche que j’ai eu l’impression que l’accord tacite avec le lecteur n’a pas été respecté. Avec Cobayes, on nous vend de l’angoisse, du suspense et même de l’horreur… Seulement, on n’en trouve pas – ou si peu – dans Cédric. Oui, il y a des meurtres, mais ils sont présentés avec beaucoup de retenue, presque de la pudeur. Ce n’est pas grave en soi, mais après les scènes marquantes qu’on a pu voir dans Elliott, Olivier, Benoit et Anita, c’est décevant. De plus, l’aspect suspense (qui jouait beaucoup dans le succès de Sarah et Sid, mon tome préféré de la série) est relégué au second rang derrière la critique sociale que l’auteur voulait brosser.
Si la caricature est souvent réussie, les ficelles auraient gagné à être plus subtiles pour le bien de l’histoire. C’est trop gros et on ne peut croire à la démesure autour de Cédric. Il est difficile de s’intéresser à quelqu’un dont le caractère se résume à la paresse et à l’absence d’ambition. Et quand il commence le traitement, les changements se font trop rapidement pour le transformer en arriviste égocentrique. Entre les deux extrêmes, il nous manque une progression qui nous permettrait de s’attacher au personnage. La prise de médicaments le rend de plus en plus narcissique. Ça, je peux l’acheter. Seulement, tout est trop facile dans la route du succès de Cédric qui devient une vedette internationale en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « Star Académie ».
Comme Cédric vient mettre fin à l’aventure Cobayes, je n’ai pas le choix de revenir sur la série qui, malgré ses qualités, comporte quelques faiblesses. En premier lieu, le caractère redondant de la formule qui se répète d’un livre à l’autre (le personnage a besoin d’argent, il voit l’annonce, il commence à avoir ses injections, sa vie s’améliore, puis il connaît une descente aux enfers) fait en sorte qu’il est préférable de ne pas en lire deux de façons consécutives. Seul Elliot venait prendre le canevas à contrepied. De plus, dans la plupart des cas (ce n’est pas un défaut de Cédric), on ne développe pas assez le quotidien des patients en dehors de l’étude et de ses effets.
Cependant, mon plus gros reproche, c’est que la série n’est pas meilleure que la somme de ses parties. Il y a plusieurs bons moments, plusieurs scènes d’anthologie pour les amateurs d’horreur et de gore, toutefois, il manque de liens entre les livres et d’explication sur cette expérience. Je croyais que cela viendrait avec le chapitre final, d’autant plus qu’en l’annonçant à la conclusion de chaque tome, cela a créé des attentes. Seulement, il s’agit d’un pétard mouillé. Le fameux chapitre final apporte peu à l’aventure et les justifications sont non seulement évidentes, mais elles semblent cousues de fils blancs. Dommage… Cela dit, tout n’est pas à jeter dans ce projet, bien au contraire. Plusieurs des livres, pris individuellement, sont de bons suspenses et certains sont même très bons.
Pierre-Luc LAFRANCE