Véronique Drouin, La Guillotine (Fa)
Véronique Drouin
La Guillotine
Montréal, Québec Amérique (Magellan), 2016, 253 p.
Depuis une dizaine d’années, Véronique Drouin fait sa place dans le domaine des littératures de l’imaginaire. Elle a été finaliste du prix jeunesse des univers parallèles en 2006 pour Aurélie et l’Île de Zachary (le deuxième tome de la série L’Archipel des rêves). Elle a aussi écrit la série jeunesse Robin et Sylvestre. Enfin, sous le nom de M. V. Fontaine, elle a publié une tétralogie de science-fiction pour adultes, Amblystome. La Guillotine est son premier passage du côté de la littérature horrifique. Petite note en passant, bien que le livre soit publié dans une collection 14 ans et plus, il s’adresse autant aux adultes qu’aux adolescents (comme plusieurs autres titres de la collection Magellan d’ailleurs).
L’Halloween approche à grands pas et l’équipe du journal étudiant du département de communication est à la recherche de nouveaux sujets pour intéresser les lecteurs. C’est alors que Marilou propose, à la blague, d’écrire une série d’articles sur la Guillotine, une maison abandonnée à la réputation sordide. En effet, tous les anciens occupants des lieux ont été victimes de crimes atroces. À sa grande surprise, le sujet est accepté. Avec ses collègues William, Jonathan et Lydia, elle devra donc squatter la maison pendant une semaine en quête d’un bon papier. Très tôt, des signes inquiétants viendront troubler les quatre compagnons : un voisin qui surveille la demeure d’un peu trop près, un étrange chien famélique au pelage brûlé qui montre des signes d’agressivité, une poupée abandonnée, des vêtements tachés de sang témoignant des drames passés, mais aussi un journal intime abandonné qui relate à la première personne un des épisodes marquants de cette demeure maudite. Par-dessus tout, les quatre étudiants seront confrontés à leurs propres démons.
Le livre commence fort avec une scène-choc dès le début alors qu’on découvre par les yeux d’un enfant le sort funeste des derniers occupants. Malheureusement, par la suite, il manque un petit quelque chose pour que l’ensemble soit mémorable. Entendons-nous, c’est loin d’être mauvais. L’auteure a du métier et cela paraît. L’écriture est fluide et précise, les dialogues sonnent vrais, le rapport entre les personnages, particulièrement l’amitié entre Marilou et Lydia, sont bien rendus. Quant à la finale, elle est sombre à souhait et comporte une bonne dose d’horreur.
Ce qui empêche ce livre d’être mémorable, c’est que certains éléments ne sont pas au rendez-vous. Véronique mise beaucoup sur la psychologie de ses personnages pour créer une tension dramatique, ce qui est un excellent choix pour un roman d’horreur. Toutefois, il manque un peu de profondeur. Il y a trop de choses qui sont dites et non montrées, particulièrement en ce qui concerne le passé de chacun des personnages. Cela crée une distance entre le lecteur et le protagoniste. Conséquemment, le crescendo qui mène vers la conclusion sanglante manque de gradation. L’auteure a doté chacun de ses personnages d’une histoire au potentiel intéressant, il aurait juste fallu les faire vivre davantage au lecteur pour que le tout soit pleinement efficace.
Cela dit, l’ambiance demeure intéressante et il y a plusieurs scènes réussies. De plus, l’auteure parvient à éviter de sombrer dans les clichés. Et Dieu sait que la situation de départ invitait à cela. Dès la lecture de la quatrième de couverture, je m’attendais à l’histoire classique de maison hantée avec tous les poncifs qui viennent avec. Sans réinventer le genre, l’auteure nous amène ailleurs, dans une histoire où les monstres sont beaucoup plus personnels.
Au final, on ressort de ce livre avec l’impression d’avoir lu une histoire intéressante qui ne va pas au bout de son potentiel. Avec un peu plus de finesse dans le portrait dressé des personnages et une tension dramatique un peu plus forte, ce livre aurait pu atteindre un autre niveau.
Pierre-Luc LAFRANCE