Jean Bédard, Le Dernier Chant des premiers peuples (SF)
Jean Bédard
Le Dernier Chant des premiers peuples
Montréal, VLB, 2016, 237 pages.
Le Dernier Chant des premiers peuples de Jean Bédard se situe dans un futur proche. La nature est condamnée. La pollution des villes empoisonne ses habitants à petit feu. Yänariskwa dite Yäna, une Amérindienne dont le nom signifie loup en langue wendat, vit dans l’une de ces villes, Montréal. Cette jeune femme moderne, éduquée a mis au point une invention qui pourrait sauver la planète et l’humanité qui y vit. Mais l’invention lui est arrachée. Éperdue de colère, Yäna saute sur son vélo et file dans les rues montréalaises. Elle chute et, en se relevant, secouée, elle décide d’aller rejoindre son grand-père, loin dans le nord, là où le vieil homme cultive des plantes ancestrales et vit en harmonie avec la nature, hors du temps. Cependant, une fois arrivée auprès de son grand-père, elle constate que quelque chose ne va pas. Elle ne contrôle pas son corps, sa mémoire s’égare sur de curieux chemin et son esprit s’élance dans un curieux voyage initiatique, sur les traces d’une ancienne légende wendat…
Jean Bédard, docteur en philosophie et professeur de travail social, n’en est pas à son premier roman, ni à sa première incursion dans l’univers des Amérindiens. Par contre, c’est la première fois qu’il se retrouvait dans ma pile de lectures. De temps à autre, j’aime explorer ce qui se fait dans les genres chez les éditeurs généralistes et ce bouquin-ci était présenté comme un conte fantastique, alors je m’y suis aventurée.
Je m’attendais, maison d’édition oblige, à découvrir une écriture soignée. La plume de Jean Bédard, magnifique, somptueuse, poétique, est allée bien au-delà de mes attentes. Un exemple, tiré de la page 24 : Un autre matin s’était levé avec ses chaussons jaunes qui sentaient la rose. Plaqués sur la vitre de la porte, des sapins baumiers complètement édentés et gris me regardaient vaguement. Des bavures vertes et roses déchiraient les troncs : le bruit des couleurs griffait les yeux. D’autres passages étaient tellement chargés de symbolisme que… ben que j’ai perdu un peu le fil, me laissant porter par la musique des phrases et attendant, plus ou moins patiemment, que le récit pointe à nouveau la tête à travers les mots.
Car, comme souvent dans les bouquins de genre publiés chez des éditeurs généralistes, c’est sur le plan du récit lui-même, du fond et non de la forme, que le bât blesse. Jean Bédard connaît visiblement son sujet et le portrait qu’il dresse de la vie des Amérindiens modernes, où spiritualité et violence s’affrontent, est d’une justesse parlante. Cependant, le lecteur aguerri verra venir de loin les petites surprises ménagées par l’auteur et l’élément fantastique, qui n’est qu’un prétexte à une réflexion philosophique, lui semblera faible.
Cela n’enlève pas tout son intérêt au texte, loin de là, mais j’avoue avoir terminé le livre davantage pour en savourer l’écriture que pour en connaître la conclusion. Je le recommande donc aux amateurs de symbolisme, de philosophie et de poésie.
Geneviève BLOUIN