Joseph Elfassi, Le Prix de la chose (SF)
Joseph Elfassi
Le Prix de la chose
Montréal, Stanké, 2016, 115 pages.
Louis est un obsédé sexuel qui consacre la majeure partie de son temps libre à baiser avec des femmes de tout âge. De son point de vue, il est un maître de la chose. Alors quand l’une de ses amantes lui réclame deux cents dollars après une relation sexuelle, il croit à une blague. Cependant, il découvre bientôt que, sous l’influence d’une organisation nommée F., toutes les femmes du Québec se sont mises à exiger de l’argent en échange des relations sexuelles.
La prémisse du livre de Joseph Elfassi m’a d’abord amusée. En cette ère où on dénonce la culture du viol, décider de monnayer toutes les relations sexuelles pourrait peut-être enlever à certains hommes le goût d’insister trop lourdement pour avoir leur dose de sexe… Malheureusement, au fil de ma lecture, j’ai été un peu déçue, car l’auteur reste centré sur le point de vue de Louis et de ses semblables, pour qui la situation est uniquement frustrante. Pour Louis, toutes les femmes sont devenues des putes, transformant tous les hommes en fils de pute. Le récit n’offre pas de vision opposée ou de contre-exemple. Pire, la majorité des hommes semble réagir encore plus agressivement que Louis, car l’organisation F. doit s’empresser de mettre au point le liquide, une substance qui tue les violeurs, afin de sauvegarder la liberté des femmes. Ce n’est qu’aux trois quarts du récit qu’on découvre que les initiatives de F. rencontrent une certaine résistance et que les hommes n’ont pas le monopole de l’agression et de la violence.
Bref, j’attendais un peu plus, côté intrigue, à partir de cette idée somme toute prometteuse, toutefois, le format très court (il s’agit d’une novella) peut expliquer, et excuser, ces lacunes. De plus, sur le plan de l’écriture et du style, j’ai été comblée ! Elfassi a une plume vive, dynamique et férocement imagée. Entre un personnage qui n’est pas du genre à vous interrompre quand vous l’applaudissez et des scènes de sexe racontées crûment, mais sans tomber dans la vulgarité ou le manuel technique, j’ai passé un excellent moment de lecture.
Je ne recommanderais pas nécessairement cette œuvre à ceux qui cherchent une histoire de science-fiction féministe, mais si vous avez envie de découvrir une nouvelle voix littéraire, celle d’Elfassi vaut le détour. Je serai à l’affût de ses prochaines publications.
Geneviève BLOUIN