Zidara9 no.10
Zidara9 (#10)
Québec, Rémi Paradis, 2016, 32 p.
Seul magazine québécois de bandes dessinées de science-fiction, Zidara9 a atteint le cap des dix numéros en 2016. En réaction ou non à la controverse autour de la place des créatrices au festival d’Angoulême, la couverture proclame que ce numéro unique en son genre est « entièrement illustré par des femmes ». Si la rareté du fait permet de le claironner, son caractère d’exception justifierait sans doute quelques interrogations sur l’ouverture du milieu aux créatrices.
Outre quatre histoires complètes, le numéro comporte aussi de courtes entrevues avec les bédéistes québécoises Stéphanie Leduc (Titi Krapouti & cie, Terre sans dieux, Dryade) et Dee-D. Mathieu Cassendo (La Petite Suceuse).
Si la couverture est l’œuvre de Marie-Hélène Morin Fafard (alias Fafard), qui nous offre une jeune extraterrestre badass mais amie des chats, les fictions du numéro font quand même appel aux collaborations de deux hommes, soit Frank Fournier comme coloriste de la BD de Michèle Laframboise – écrivaine bien connue des lecteurs de Solaris – et Yann Brouillette comme scénariste de la BD « Liberté » illustrée par Brandy Woods.
Les fictions comptent quelques hardiesses. Deux des quatre BD sont essentiellement sans paroles. Dans « Attention ! » de Em (Marlène Blanchette), les seules paroles tiennent lieu de case finale et de punch. Dans « Négociations » de Laframboise, les dialogues passent par des pictogrammes et le seul texte apparaît également à la fin pour nous apprendre que l’histoire est dédicacée à Clifford Simak, l’auteur de Demain, les chiens. De plus, la BD de Brouillette et Woods entremêle pensées et dialogues pour ménager un retournement final amusant, mais qui aurait été plus impressionnant si les accords grammaticaux avaient été mieux gérés.
L’audace ne paie pas toujours. J’ai dû m’y reprendre à deux fois pour bien comprendre ce qui se passait dans « Attention ! ». La BD de Laframboise arrive à être compréhensible du premier coup, la simplicité du concept engendrant a contrario ma seule hésitation puisque je me suis demandé (à tort) si je n’avais pas raté une subtilité supplémentaire. Malicieuse, « Liberté » joue sur les clichés pour nous prendre au dépourvu : la chute n’est pas neuve, mais elle est bien amenée.
Enfin, « Riders in the Stars » d’Arielle est un hommage aux Doors (Riders on the Storm) et, sur le plan graphique, à la BD de la contre-culture des années soixante et soixante-dix. Babe et Lisa sont deux étudiants d’une académie de Bételgeuse qui se rendent sur Terre en voyage d’étude, mais ils ont emprunté leurs références culturelles terriennes à des émissions diffusées en 1963, d’où un décalage certain quand ils débarquent en 2016. Le ton de la narration rappelle un peu la désinvolture des Motel Galaktik, mais en plus sombre.
Le projet de Zidara9 demeure réellement unique en son genre et le magazine reste un excellent moyen de découvrir les créateurs de BD de science-fiction du Canada francophone.
Jean-Louis TRUDEL