J. D. Kurtness, Aquariums (SF)
J. D. Kurtness
Aquariums
Longueuil, L’Instant même, 2019, 157 p.
J’ai toujours trouvé les aquariums fascinants, surtout les très grands. On voit passer un joli poisson, qui vit un moment de sa vie sous nos yeux, puis s’éloigne sans se soucier de nous. Ensuite un second nageur nous croise. Et revoilà le premier poisson. Ou est-ce le même ? Il semble identique, mais comment être certain ? Ce pourrait être un parent…
Le roman Aquariums de J. D. Kurtness provoque, et ce n’est pas un hasard, exactement cette impression, cet envoûtant mélange de familiarité et d’incertitude. Entre les sections où la narratrice, une spécialiste de la biologie marine, nous raconte son histoire, on nous présente de courtes vignettes concernant d’autres êtres : des baleines, des requins, un homme primitif, quelques-uns des ancêtres de la narratrice… Au début, on ne comprend pas trop comment ces scènes s’articulent autour du récit central, on regarde ces personnages colorés évoluer, on s’intéresse brièvement à leur existence, avant de les voir disparaître… Soudain, revoici la baleine (ou est-ce une autre ?). Revoilà Léon l’enfant trouvé. La narratrice croise le chemin du requin. Et pendant ce temps, en arrière-plan, toute une humanité gigote et barbote.
Le lecteur observe le tout, l’œil collé à la paroi des Aquariums. Il suit la narratrice, petite fille au stéthoscope, puis adolescente au microscope, puis étudiante ressuscitant des récifs de coraux, puis biologiste de renom embarquée sur une mission d’étude des écosystèmes marins de l’Arctique. Nous sommes dans un futur proche, la première mission martienne est en route. Un virus frappe l’humanité. Les scientifiques, cloîtrés sur leur bateau, observent de loin la destruction de la majorité de l’espèce humaine.
Pourtant, malgré ce propos qui pourrait sembler sombre, Aquariums est un roman lumineux, encourageant, touchant, porté par une plume limpide. Nous y rencontrons des personnages passionnés – un enfant trouvé, une sorcière, une chanteuse, un informaticien allergique au soleil – qui tirent leur épingle du jeu malgré leur marginalité. Une petite fille qui tombe en amour avec la science. Des voitures intelligentes qui deviennent les compagnons de vie de leur propriétaire, au même titre que les chevaux de jadis. Un monde aquatique qui parvient à se maintenir en équilibre malgré les changements climatiques. Une humanité décimée, mais pourtant encore loin de l’extinction et décidée à se reconstruire. Bref, c’est une lecture qui fait du bien ! Et sa brièveté permet de la parcourir d’une traite, puis d’y revenir en cas de vague à l’âme.
Mon seul reproche au roman serait le résumé, en quatrième de couverture, qui donne l’impression que le récit se centre sur l’épidémie et ses suites, alors qu’il n’en est rien. On y dépeint plutôt l’écosystème de la narratrice, un milieu grouillant de vie. Un lecteur qui y plongerait en cherchant une dystopie serait fort déçu du contenu des Aquariums. Pour ma part, j’en suis ressortie charmée !
Geneviève BLOUIN