Jim Cornu, L’Homme extensible (SF)
Jim Cornu
L’Homme extensible
Rosemère, Joey Cornu (Joey & Jim), 2022, 326 p.
Le récit signé par Claudie Bugnon sous le nom de Jim Cornu hésite longtemps entre la science-fiction et un insolite ouvert sur le fantastique. Fondatrice de Joey Cornu Éditeur et traductrice de Charles Fort, Bugnon raconte l’histoire de Jules Forêt, un jeune publiciste qui se met à grandir du jour au lendemain sans que la science puisse l’expliquer. Le caractère incongru du phénomène pourrait le rattacher effectivement aux incidents singuliers dont raffolait Charles Fort (1874-1932) pour ses compilations de l’étrange… Néanmoins, l’autrice se concentre avant tout sur les conséquences quotidiennes de cette poussée de croissance pour l’infortuné Jules Forêt, qui en perd son emploi, sa blonde et son moral.
Des personnages plus ou moins sympathiques gravitent autour de Jules. Si certains souhaitent exploiter sa singularité, d’autres l’aident plutôt à profiter de l’intérêt du public pour son allongement vertical qui ne cesse de s’aggraver. Publiciste de métier, Jules trouve assez naturel de révéler ce qui lui arrive et d’assumer sa différence. Sa transformation physique est inexorable, à raison d’un centimètre supplémentaire ou deux par nuit, et elle a des conséquences pour sa santé et sa condition physique. Sa peau distendue se crevasse et ses organes ont du mal à suivre. S’il arrive à trouver de l’aide pour emménager dans un logis plus spacieux, il cherche en vain un sens à la fin soudaine de son existence routinière. Intervention divine ? Manigances extraterrestres ? Mutation ?
L’autrice finit par trancher pour une explication science-fictive. Elle a d’excellentes références dans le domaine et mentionne même L’Homme élastique (1938) de Jacques Spitz auquel j’avais pensé en abordant son roman. Son dénouement rend hommage à Heinlein et elle cite d’autres auteurs ainsi que des scientifiques.
Néanmoins, le roman donne parfois l’impression d’avancer au petit bonheur, comme le personnage principal qui ne comprend pas ce qui lui arrive. Il est vrai que Jules vit une situation inédite et qu’il est incapable de prévoir l’évolution de son cas. Toutefois, lorsqu’il entre en contact avec d’autres « géants » à la fin du livre, il faut admettre soit que ses recherches effrénées en ligne au début de sa folle croissance ne lui avaient pas indiqué leur existence, soit qu’il n’avait eu ni l’envie ni même l’idée de leur parler. Si l’heureuse conclusion des aventures de Jules apparaît comme assez arbitraire, c’est le thème inusité du roman qui en fait l’intérêt. À défaut de signer une narration palpitante, Bugnon offre un portrait d’une grande humanité, qui peut convenir à des lecteurs de tous les âges.
Jean-Louis TRUDEL