Étienne Barillier et Cécile Duquenne, Les Brigades du Steam (SF)
Étienne Barillier et Cécile Duquenne
Les Brigades du Steam
Chambéry, ActuSF, 2022, 307 p.
Aix-en-Provence, 1910. Solange Chardon du Tonnerre, membre des Brigades Mobiles et ancienne espionne, se réveille dans un lit d’hôpital. Elle est en état de choc, sa mémoire lui fait défaut au cours des premiers jours, puis elle se souvient : l’attentat au Quai d’Orsay, son partenaire, Pierre, tué sous ses yeux… Et surtout, son bras gauche. Alors qu’elle était inconsciente, on lui a greffé un bras mécanique, sans la prévenir.
De son côté, Auguste Genovesi est un enfant du coin qui rentre au bercail après son entraînement à Paris. Désireux de faire ses preuves, atteint du syndrome de l’imposteur, il n’a qu’un désir : devenir un mobilard exemplaire. Cependant, pour sa première mission, on lui demande de prendre soin d’une autre mobilarde récemment blessée, une certaine Mademoiselle Chardon.
Un steampunk planté en pleine Belle époque, se passant dans le milieu des mythiques Brigades mobiles françaises ? Que oui ! L’époque et le contexte s’y prêtent bien. C’est donc dans un univers où la vapeur fait rouler les voitures et où les zeppelins occupent la place des avions. Mais pour le reste, on joue sur la politique et la géopolitique de l’époque : les Prussiens sont les éternels ennemis, le grand-banditisme n’est pas loin et on sent les joutes de pouvoir ayant lieu à Paris avoir un fort impact sur la vie quotidienne. D’autant plus que les auteurs ont pris la peine de faire leurs devoirs et de fournir un cadre historique solide à leur histoire : Clémenceau, homme politique à l’origine des Brigades mobiles, y apparaît et on y croise même une certaine mademoiselle Chanel ! L’intrigue se déroule à Aix-en-Provence, loin de la capitale, mais c’est justement un contrepoids intéressant aux clichés et permet aux auteurs de livrer un chant d’amour à cette ville qu’ils aiment visiblement beaucoup.
Les deux personnages principaux, Solange et Auguste, sont les archétypes du mentor au caractère parfois exécrable et de l’ingénu nouvellement arrivé. Mais ça fonctionne parfaitement bien dans le cadre de l’intrigue. Solange est une ancienne espionne passée mobilarde, qui connaît tous les trucs et toutes les astuces du métier. Elle est la combattante du duo, mais aussi celle qui comprend qu’elle doit faire l’éducation de celui qu’on lui a imposé comme nouveau partenaire. Auguste de son côté est encore naïf, croit qu’il a tout appris à l’école et n’a pas encore l’instinct qui vient avec le métier. Il n’est pas pour autant dépourvu de talents : c’est pratique que votre partenaire s’y connaisse en boulons et en écrous quand vous avez un bras mécanique… Le fait qu’il y a une inversion des genres traditionnels (ici, c’est Solange qui est plus âgée et plus expérimentée) ajoute au sentiment de dépaysement. Mais surtout, ce sont deux personnalités finement dessinées. On croit à ces deux personnages tellement ils sont bien campés. Donc, quand arrivent les éléments plus steampunk de l’intrigue, il n’y a pas de dissonance, car pour Solange et Auguste, ce sont des éléments de la vie quotidienne.
L’intrigue est bien menée. Il y a quelques facilités dans la troisième partie qui m’ont fait sourciller, mais rien de sérieux. Les scènes de combat sont nombreuses, mais pas toutes heureuses dans leurs descriptions. Le style de l’écriture est fluide et va droit au but, comme Solange, personnage qui ne fait pas dans la dentelle. Ce qui convient parfaitement au récit que les auteurs écrivent, qui avance à un rythme rapide, aussi rapide que leurs voitures à vapeur. Un très bon steampunk, situé dans un contexte peu exploré et qui laisse des portes ouvertes vers de nouvelles aventures. Une très bonne excursion dans le genre !
Mariane CAYER