Claude Janelle et Marc Ross Gaudreault (dir.), Les Années d’éclosion (1970-1978)
Claude Janelle et Marc Ross Gaudreault (dir.)
Les Années d’éclosion (1970-1978)
Lévis, Alire (Essais), 2021, 476 p.
Les Années d’éclosion (1970-1978) est le dix-huitième essai de Claude Janelle consacré à l’histoire de la science-fiction et du fantastique québécois, qu’on retrouve habituellement sous l’acronyme « ASFFQ » (Année de la Science-Fiction et du Fantastique Québécois), mais le troisième consacré à une période complète plutôt qu’à une année spécifique, après Le XIXe siècle fantastique en Amérique française et La Décennie charnière, qui s’intéressait aux années 1960. Pour la première fois, Janelle est accompagné à la direction de cet essai par Marc Ross Gaudreault, qui a consacré sa maîtrise et son doctorat à la science dans Dune, de Frank Herbert, et que les habitués de la SFFQ connaissent comme un chercheur et un enthousiaste de la science-fiction.
Mais pourquoi parler des années d’éclosion et pourquoi arrêter la période couverte à 1978, alors qu’ils auraient pu conclure la décennie en incluant 1979 ?
Pour Claude Janelle, « […] il fallait prendre la mesure de cette période intermédiaire (1970-1983). Ayant envisagé la publication de trois ou quatre tomes pour couvrir la production de ces 14 années, il nous est apparu finalement que la seule date historique valable pour aborder cette période était 1979. Il y a en effet un avant-1979 et un après-1979. Premier congrès Boréal, naissance de deux revues spécialisées, imagine… et Pour ta belle gueule d’ahuri, métamorphose de Requiem en Solaris, l’année 1979 reflète l’effervescence qui agite le petit milieu de la science-fiction et du fantastique au Québec, une effervescence annonciatrice de la formidable explosion de ces deux genres au cours de la décennie suivante. […] L’éclosion des littératures de l’imaginaire dans les lettres québécoises revêt assurément une signification positive et constitue l’aboutissement heureux de plusieurs années de gestation. Ainsi, pour la période 1970-1978, par rapport à la décennie 1960, il faut multiplier par trois les chiffres de la production, tant pour les romans que pour les recueils et les nouvelles. »
Ce dix-huitième tome est effectivement costaud, avec, comme l’indique la couverture, « 21 recueils, 56 romans, 401 nouvelles résumés et commentés… » Heureusement, les deux directeurs ont pu compter sur une équipe de collaborateurs provenant du milieu de la SFFQ, qu’ils soient critiques, universitaires, auteurs, ou un savant mélange de tout ça. Et Claude Janelle ne ment pas lorsqu’il parle d’une éclosion positive et un aboutissement de plusieurs années de gestation. On retrouve des auteurs et des œuvres qui, encore aujourd’hui, occupent une place centrale dans l’histoire de la SFFQ.
Bien que ce ne soit normalement pas le genre d’essai qu’on lit d’une couverture à l’autre, je n’ai pu m’empêcher de faire exactement cela. Malgré les nombreux collaborateurs, incluant Claude Janelle et Marc Ross Gaudreault, il y a une certaine continuité, ne serait-ce que formelle, qui crée un rythme de lecture agréable. Au fil de la lecture, on peut même s’amuser à tenter de deviner l’identité du collaborateur ou de la collaboratrice en fonction du résumé et de la critique qui est faite de chaque œuvre analysée.
C’est un travail de longue haleine auquel se prêtent les deux directeurs, mais ils peuvent être satisfaits du travail accompli, parce qu’il est très bien fait. C’est le genre d’essai que toute personne qui s’intéresse sérieusement à la SFFQ et son histoire voudra posséder dans sa bibliothèque personnelle. Et c’est un complément indispensable à un cours universitaire sur la science-fiction ou le fantastique, du moins pour le corpus québécois.
On sent l’amour des littératures de l’imaginaire de la part de tous les collaborateurs, même lorsque la critique est particulièrement dévastatrice. Leur érudition est aussi régulièrement mise à profit, alors qu’ils font des liens entre d’autres œuvres publiées avant ou après, ou encore avec la période de publication et les événements sociaux politiques qui secouent alors la société québécoise.
Au-delà de la simple recension critique, Les Années d’éclosion est un véritable portrait d’une période importante de l’histoire de la SFFQ. Pour ceux et celles qui, comme moi, sont nés dans la décennie suivante, c’est un fascinant voyage dans le passé qui montre le bouillonnement qui animait la SFFQ de l’époque.
Que dire d’autre pour conclure que… Vivement le second tome du diptyque !
Pierre-Alexandre BONIN