Maxime Plamondon, Les Oiseaux des temps présents (Hy)
Maxime Plamondon
Les Oiseaux des temps présents
Montréal, Tête Première (Tête ailleurs), 2021, 320 p.
L’être humain peut-il continuer à rêver dans un monde où les oiseaux ont disparu ?
Dans le futur, le Québec a conquis les étoiles avant de voir sa population s’évanouir mystérieusement. Télémaque, fils du directeur du Centre Spatial de Blanc-Sablon, est peut-être le dernier homme encore debout. Accompagné de Tipitte, une tourte voyageuse mécanique venue directement de la Lune, il erre dans les ruines de la province en quête de réponses. Sur son chemin, il sera poursuivi par un terrible Oiseau-Amiral et ses troupes, rencontrera Héraclèsse, donnera vie à un vieux pêcheur, sera manipulé par un curé aquatique, avant d’affronter la colère des dieux eux-mêmes.
À la frontière de la littérature orale, de la réécriture du mythe, du roman post-apocalyptique et de l’essai, Les Oiseaux des temps présents est, sans doute possible, un ovni littéraire. Déjà, en ouvrant le roman, je me suis retrouvée devant une table des matières invraisemblable, où l’on passe de la page 385 à la page MXI et où l’on découvre des titres farfelus comme « La Baleine à ailes » et « Le Goéland à bec cerclé et l’État-Providence ». C’est que dans le récit de Télémaque s’intercale un essai sur l’oisellerie mécanique écrit par un certain Vim Commodore, intitulé, bien évidemment, Les Oiseaux des temps présents. Si, au premier abord, ce mélange des genres détonne, j’ai rapidement pris un réel plaisir à en apprendre plus sur les oiseaux mécaniques et sur leurs impacts essentiels sur l’Histoire future du Québec.
Qu’il s’agisse de la colonie de fous de Bassan artificiels qui permet de relancer l’économie de la Gaspésie ou ces fameuses outardes en téflon, dont certains chasseurs apprécient la chair de métal, chaque oiseau recréé incarne une facette de l’identité québécoise. Comme l’écrit Commodore : « La colonie artificielle de fous de Bassan ne fait pas que reproduire à la perfection le comportement des oiseaux d’antan : elle métabolise, en quelques sortes, les souvenirs et les fantasmes de ses créateurs. » Pour combler la perte des oiseaux de chair, l’être humain n’a eu d’autre choix que d’utiliser la technologie pour les faire renaître et lever à nouveau les yeux vers le ciel, et recommencer à rêver. Sa création n’est cependant pas une reproduction fidèle de la nature. L’oiseau mécanique doit autant à la robotique, aux comportements de ses ancêtres qu’aux mythes. Il est la superposition d’un passé onirique, d’un futur légendaire et d’un présent insalissable.
Le roman de Maxime Plamondon est à l’image de ses oiseaux. Les dieux grecs se québécisent et sont mis à mal par des curées séditieux, tandis que l’Atlantide renaît dans le Saint-Laurent avant d’être encore une fois engloutie par la fureur de Poséidon. Télémaque est Jean-Guy, mais aussi une divinité et un animal. Il n’existe plus aucune distinction entre les époques, les genres, les hiérarchies, la réalité et la fiction. C’est absurde, c’est fou, ça n’a aucun sens. Et pourtant, j’y ai cru. Que demander de plus ?
Anaïs PAQUIN