Marjorie Bouchard, Entre l’arbre et le roc (Fy)
Marjorie Bouchard
Entre l’arbre et le roc
Chicoutimi, JCL (Jeunesse), 1998, 192 p.
Trois histoires se chevauchent dans ce roman pour adolescents. Celle de Thomas, d’abord. La maison du jeune garçon vient d’être emportée par l’inondation du Saguenay et il doit renoncer à son entraînement estival en natation pour aller travailler chez son oncle à planter des arbres. La deuxième en importance concerne une fille bizarre, Jeanne, avec de bizarres bosses dans le dos, une bizarre histoire de famille et surtout, une bizarre obsession pour les chauves-souris. Jusque-là, Entre l’arbre et le roc pourrait être un roman d’aventure ordinaire. Mais il y a la troisième histoire, celle qui lie les deux autres : la mésaventure des nymphes Oréades, prisonnières d’un mauvais sort jeté par les gnomes il y a mille ans. « Intéressant ! » se dit-on dès qu’on découvre cette trame. Après tout, il n’y a pas tant de récits qui concernent les fées… Du moins, pas pour un public de plus de six ans ! Malheureusement, l’auteure a préféré orienter son roman sur les aventures de deux adolescents – peut-être pour ne pas sembler prendre ses lecteurs pour des bébés encore en âge de croire aux fées ?
Une amitié se noue très vite entre Thomas et la petite Jeanne, après que le garçon ait cru la surprendre en pleine tentative de suicide. En réalité, la jeune fille essayait de s’introduire dans une mine engloutie sous l’eau pour s’acquitter d’une mission très mystérieuse. Malgré son emploi du temps fort chargé (dû à tous les arbres qu’il doit planter pour reboiser les environs de l’ancienne mine), Thomas décide de venir en aide à Jeanne, en lui apprenant d’abord à nager. Mais rapidement, à mesure qu’il découvrira l’ampleur de cette mission dont son amie semble chargée, le garçon deviendra ni plus ni moins son coéquipier. Tout cela pour sauver les Oréades. Ah oui. On les oubliait, celles-là…
Ce roman, comme beaucoup de récits de fantasy, n’est ni plus ni moins que la quête d’un joyau magique destiné à sauver un peuple, puni depuis une éternité par un second peuple jaloux. Et comme dans beaucoup d’autres histoires semblables, seule l’Élue aura le pouvoir de réaliser ce miracle, lorsque le délai sera écoulé. Cette histoire-ci, cependant, se trouve entremêlée de morceaux contemporains qui, hélas, gâchent tout. Pas que ce soit nécessairement désagréable d’être constamment rappelé à notre quotidien, non. Peut-être que si l’auteure avait été un peu plus habile, l’alternance entre la fantasy et le roman d’aventure aurait créé un contraste efficace.
Mais dans ce cas-ci, un lecteur familier du genre sera déçu : les nymphes Oréades justifient la trame du roman, certes, mais elles demeurent à moitié effacées jusqu’à la fin – et même après. Il aurait été intéressant que l’auteure développe davantage cet aspect imaginatif plutôt que de nous glisser des bribes explicatives ici et là, laissant l’impression au lecteur qu’elle a péché par paresse. Ou qu’elle n’a pas osé aller jusqu’au bout de son idée.
Un peu plus de recherche sur le sujet des fées aurait également été souhaitable. En effet, le seul clin d’œil au folklore de la féérie reste ce cercle de champignons, dit le Cercle des Fées, dans lequel il ne faut pas marcher… Mais dont on peut très bien faire de la soupe ! D’autres détails auraient enrichi le roman.
Malgré ces déceptions et malgré ses inégalités, Entre l’arbre et le roc est une histoire assez agréable à lire, qu’on apprécie surtout si l’on réussit à devenir la magie, saupoudrée entre les lignes. Et aussi pour la fin, qui retourne (enfin !) le roman d’aventure en vrai roman de fantasy – qu’on n’attendait plus, avouons-le.
Julie MARTEL