Hugues Morin (dir.), Stephen King : Trente ans de terreur
Hugues Morin et al.
Stephen King : Trente ans de terreur
Beauport, Alire, 1997, 316 p.
Il s’est publié et se publiera sans doute encore bien des livres consacrés à Stephen King et son œuvre, mais jusqu’à tout récemment l’essentiel de cette littérature était anglo-saxonne. Le seul essai francophone un peu consistant que l’amateur de King pouvait se mettre sous la dent était le numéro spécial de la revue belge Phénix consacré au maître de Bangor, daté de 1991 et réédité avec une mise à jour en 1995 par les éditions Lefrancq. Comme c’est souvent le cas chez Phénix, l’enthousiasme et l’abondance s’accompagnaient d’un manque de coordination résultant en un petit côté brouillon. Et puis, les années ont passé, ce qui dans le cas d’un écrivain prolifique comme King signifie que tout essai, toute bibliographie, deviennent rapidement périmés.
Les éditions Alire nous offrent donc ce premier livre écrit explicitement pour le public général francophone. Public général car il s’agit d’un livre concis et bien structuré, à l’écriture sobre et claire, et public francophone car Hugues Morin et ses collaborateurs ont tenu compte du fait que la majorité des lecteurs de la francophonie ont lu King en traduction, quand ils ne connaissent pas son œuvre que par les adaptations cinématographiques. Le but avoué est d’offrir un livre intéressant à lire et utile pour consultation. Mon avis est qu’il réussit sur les deux plans.
Il est intéressant à lire par sa première partie, constituée d’essais de bonne tenue. Pas de prose universitaire ici – les amateurs du genre préféreront peut-être l’essai de Philippe Hemsen examiné dans les « Lectures » de ce numéro – mais un style journalistique qui n’exclut pas l’érudition et la réflexion. C’est vrai que l’excellent essai d’Alain Bergeron, « L’Art de la peur », originellement publié dans Solaris 120, mais aussi de « Un baiser dans le noir – Quand Stephen King se fait nouvelliste » de Guy Sirois, où Sirois se révèle encore une fois un guide érudit et généreux qui nous donne envie d’aller lire et relire. Daniel Conrad nous parle de Richard Bachman, l’alter ego de King, tandis que Laurine Spehner dresse une cartographie des méandres de la série de La Tour sombre. Les autres essais sont tous de la plume de Morin, et portent sur les sujets les plus variés, depuis un survol des pièces de collection jusqu’aux rapports entre King et Dickens, en passant par le groupe de rock Rock Bottom Remainders, dont un des guitaristes et chanteur n’est nul autre que… bon, je crois que vous avez deviné.
Utile pour consultation ensuite, car la seconde partie de ce livre est consacrée à un examen (souvent commenté) de tous les aspects imaginables de l’œuvre de King : les livres disponibles en français, les livres non traduits, une bibliographie complète de King (en anglais et en français), une filmographie des adaptations cinématographiques et, finalement, une bibliographie sélective des écrits sur King, une compilation offerte par Norbert Spehner, spécialiste de la chose. Ai-je mentionné la liste des romans non publiés ? Car c’est un fait qui surprendra peut-être certains lecteurs : on ne publie pas automatiquement tous les romans de King !
De passage au salon du livre de Montréal au kiosque des éditions Alire, j’ai pu constater qu’il n’était absolument pas essentiel d’être un inconditionnel de King pour s’intéresser à Stephen King : Trente ans de terreur. Au contraire, certains acheteurs connaissaient mal son œuvre et se sont procuré le livre comme guide d’achat. À cet égard, la bibliographie commentée de Morin est certainement un article utile. Si je me fie à mes lectures personnelles, je dirais que les commentaires de Morin sur chacun des romans et des recueils de nouvelles de King sont raisonnables, sans condamnation spectaculaire ni à plat ventrisme.
Joël CHAMPETIER