Michel Dufour, Circuit fermé (Hy)
Michel Dufour
Circuit fermé
Québec, L’Instant Même, 1989, 101 p.
Composé de 21 nouvelles d’environ 3 ou 4 pages en moyenne, Circuit fermé s’inscrit dans une récente tendance de la littérature québécoise qui favorise les nouvelles très courtes comme celles que l’on retrouve ici. Une telle approche a ses bons et mauvais côtés, puisque si un texte de deux pages permet à l’écrivain de se concentrer exclusivement sur la création d’atmosphère ou l’évocation d’images fortes, sans avoir à justifier leur présence comme il le faudrait dans un texte plus long, il court aussi le risque d’égarer inutilement le lecteur, décontenancé par ce qui parfois semble n’être qu’un obscur exercice de style de la part d’un écrivain qui prend plaisir à être incompréhensible. Quelques textes souffrent ici de ce mal, mais heureusement la grande majorité d’entre eux sont plutôt bien réussis et compensent amplement ces quatre ou cinq cas isolés.
En premier lieu, il me faut préciser que si Michel Dufour est quelqu’un de bien dans sa peau et plein de joie de vivre, ce n’est pas en le lisant qu’on le devinerait ! En effet, de la première à la dernière page, l’atmosphère décidément morbide, les paysages sombres et menaçants et les personnages insolites font régner un climat malsain sur l’ensemble du livre. On a intérêt à ne pas lire ce livre en une seule fois car, même s’il se lit très vite, la grande parenté d’esprit entre les nouvelles finit par les rendre lassantes, alors que, prises séparément, certaines sont vraiment fascinantes. C’est d’ailleurs là un reproche qui pourrait s’appliquer à de nombreux recueils de nouvelles ou anthologies : si la présence d’un même thème, du début à la fin, peut parfois donner des résultats envoûtants, il est également très facile d’ennuyer le lecteur en reprenant sensiblement les mêmes idées et les mêmes phrases, mais dans un décor différent.
Malgré ces quelques reproches, Michel Dufour réussit avec brio le test du premier livre. Ainsi, des textes comme « Ils étaient passés », « Tour de ville » ou « Avant la nuit » sont autant de parfaits exemples de concision et d’intensité des sentiments, exacerbés par le peu d’espace et de temps (de pages) qu’on leur donne pour s’exprimer. D’autres, tels « Dernier recours », « Là-haut » ou « État de choc » glacent le sang par l’impudeur des émotions qu’on y retrouve, et laissent derrière eux une impression de malaise qui persiste tout au long du recueil. Enfin, quelques exercices de style plutôt amusants donnent une petite touche surréaliste à l’ensemble. À ce niveau, « Le Thé au désert » et « Sortir de l’ombre » sont sans doute les plus intéressants. Et puis, finalement, un très beau texte, qui me semble être le plus émouvant du recueil et le plus achevé quant à l’expression d’émotions toutes simples, sans surabondance de détails insolites : « Aller retour ».
Un livre comme Circuit fermé témoigne de la vitalité de la nouvelle comme forme d’expression littéraire, particulièrement dans le domaine de la science-fiction et du fantastique. En évitant de nombreux pièges, dont la fâcheuse tendance à être compliqué pour le seul plaisir de l’être, Michel Dufour nous présente vraiment un bon premier livre, qui mérite incontestablement d’être lu par vous tous.
Jean-Philippe GERVAIS