Maurice Fournier, La Maison du diable (Fa)
Maurice Fournier
La Maison du diable
Québec, du Beffroi, 1989, 185 p.
Il est toujours désagréable d’avoir à déconseiller l’achat ou même la lecture d’un livre, mais dans ce cas-ci, il n’existe vraiment aucune autre alternative. En deux mots, La Maison du diable est un recueil aux idées éculées, qui ressasse des thèmes déjà usés à l’époque de Lovecraft, et qui le fait d’ailleurs de très mauvaise façon, ce qui en bout de ligne est son défaut le plus fondamental.
En effet, il me faut préciser d’emblée qu’il existe à mon avis une mince frontière entre l’horreur ou le fantastique réussit efficacement, et le plus simple sentiment de dégoût provoqué par une surabondance de sang et de cruauté. Malheureusement, c’est à cette dernière situation que nous sommes confrontés ici. Ainsi, dès les premières lignes de la nouvelle-titre, qui débute le recueil, on devine les efforts déployés par l’auteur dans le but de créer une atmosphère angoissante et lourde de mystère. Cependant, très rapidement, l’absence de toute forme d’originalité au niveau de la trame et de la structure narratives sabote la tentative de Maurice Fournier, dont le style indûment archaïque rappelle les excès les plus insupportables de Lovecraft. De plus, comme je l’ai déjà mentionné, l’auteur semble se complaire dans la description détaillée d’actes de sadisme particulièrement cruels, ce qui, pour le lecteur moindrement balancé, est loin d’avoir l’effet escompté. D’ailleurs, les personnages et situations qui nous sont présentés dans des nouvelles comme « Cochlea saginare », « Au salon » ou « Diététique » sont à ce point répugnants qu’il devient impossible pour le lecteur de se laisser envoûter par le récit, condition essentielle, à mes yeux, pour la réussite de tout texte fantastique ou horrifique.
Seuls deux textes retiennent ma faveur, soit « La Corne d’abondance » et surtout « Des fruits de la révolution », seul texte où l’on sent vraiment que l’auteur a eu du plaisir à écrire, plaisir qui se transmet alors au lecteur. Cette dernière nouvelle procure un bref instant une bouffée de fraîcheur que l’on attendait depuis déjà longtemps, mais qui est malheureusement trop peu trop tard pour sauver un recueil qui, je dois l’avouer, m’a profondément ennuyé et agacé. Je ne peux que vous recommander d’éviter La Maison du diable, en espérant que l’auteur fera mieux la prochaine fois, tant au niveau de l’écriture que de l’originalité des histoires racontées.
Jean-Philippe GERVAIS