Pierre Villemure, Quand le diable s’en mêle (Hy)
Pierre Villemure
Quand le diable s’en mêle
Charlesbourg, Les Presses Laurentiennes, 1988, 124 p.
La Loi sur la protection du consommateur interdit toute publicité mensongère, mais cela inclut-il le domaine de la littérature, plus exactement la couverture d’un livre ? J’aimerais bien le savoir, car je connais un auteur qui aurait quelques ennuis. Villemure, qui se nomme en page de garde « Mage et seigneur de l’île d’Orléans » nous propose un recueil « empoisonné » dont la couverture rouge montre un diable mamelu à tête de bouc. Rien de tout cela n’est justifié par le contenu : pas de diablerie dans ces textes, rien que de la mesquinerie. À une exception près : si l’on en croit Villemure, le diable doit effectivement être une femme, car ses personnages féminins sont les êtres les plus inintelligents et les plus roués qu’il m’ait été donné de rencontrer en littérature. Cependant, avec son avertissement au lecteur, l’auteur abat son jeu trop vite : il s’agira pour lui de se venger de ses contemporains qui ont eu le malheur de ne pas reconnaître son génie. Les récits sont répétitifs, sans couleurs, et certaines de ces histoires ont déjà été lues ailleurs : dans « Le Meilleur Ami de l’homme » par exemple, un petit village est progressivement dominé par sa population canine ; dans « Le Septième Ciel », un homme envoie des rats régler ses comptes, mais ceux-ci reviennent et ils ont encore faim…
Le soi-disant humour de ces nouvelles tombe plutôt à plat, comme dans « Une confession générale » où un accusé avoue tous les crimes de la planète pour finalement trucider le juge, ou comme « Le Grand Dérangement » qui raconte le poignant destin d’une vieille lampe. Dans « L’Épouse attentionnée », on assiste au festin mortel[lement ennuyeux] d’un homme que sa femme soigne dans un but évidemment intéressé. « La Bataille que l’on n’a jamais racontée » qui clôt le recueil, se veut une revisite de l’histoire, en l’occurrence de la bataille des plaines d’Abraham, et se veut surtout iconoclaste, mais s’avère aussi léger qu’un fer à repasser du XVIIIe siècle.
Certains textes contiennent pourtant de petits traits qui auraient pu être géniaux si l’auteur ne nous les assénait avec une plus subtile massue. Ainsi, dans « L’Héritage » deux fils indignes cherchent le secret d’un trésor que leur vieille mère portait tatoué sur une fesse ; le lecteur attend vainement de voir décoller cette histoire qui n’a pas d’ailes et qui demeure au ras du sol. Dans « Le Petit Homme rouge de l’île d’Orléans » le personnage principal doit torturer un lutin pour que celui-ci exauce ses vœux ; évidemment, le personnage se retrouve à la fin dans la peau du petit homme rouge… Voilà une histoire des « trois vœux » qui possède une audace nouvelle, mais ni les désirs exprimés, ni le personnage mis en scène n’ont le moindre relief. Les textes ne sont pourtant pas mal écrits, Villemure a une plume incisive qu’il cherche à envelopper de trop de venin. Par exemple, « Une visite haute en couleurs » montre une féministe radicale qui ravage l’intérieur de l’auteur et lui flanque une râclée (yé !) ; cependant le règlement de comptes est si évident que le texte en perd tout intérêt.
Pour finir, si vous n’êtes pas dégoûté (ou pire : si vous êtes maso), je vous conseille de lire « L’Homme qui soufflait », que je sous-titrerais « Don Quichotte du pet puant ». Un homme découvre que son souffle (issu de tous les orifices) est assez puissant pour déraciner les arbres. Il fera évidemment mauvais usage de son don et en périra, car Villemure est sans pitié pour la race humaine et encore moins pour ses personnages envers lesquels il n’a aucune tendresse et qu’il manipule en ricanant avant de s’amuser à les décapiter comme des poupées de son.
Je crains, hélas, que ma vigueur à le décrier ne suscite de l’intérêt pour ce recueil, ce qui serait un grand tort causé à la littérature. Je voudrais donc trouver un bon mot à dire pour vous désintéresser de cette œuvre. J’y suis : le recueil ne fait que 124 pages et les textes sont brefs.
Francine PELLETIER