Yvon-H. Couture, Le Voyage de Zomlok (SF)
Yvon-H. Couture
Le Voyage de Zomlok
Hull, Asticou, 1988, 123 p.
Les écrivains abitibiens ont assurément du succès auprès de l’éditeur hullois. Après Claude Boisvert et Jean Ferguson, voici Yvon-H. Couture, qui propose un roman rattachable, pour nous, plus à la science-fiction qu’au fantastique.
Fondateur des éditions Hyperborée, inactives aujourd’hui, l’auteur du Lexique français-algonquin se lance dans l’écriture d’imagination avec ce roman.
L’ouvrage se compose de neuf sections titrées, oscillant entre cinq et seize pages de texte dense. Le paragraphe descriptif y abonde alors que le dialogue se fait beaucoup plus rare : il est même absent de plusieurs chapitres. La phrase s’avère hélas parfois lourde et longue, et la réplique manque occasionnellement de naturel. Le récit est cependant mené à la troisième personne, ce qui donne un bon point à l’auteur.
On peut aussi apprécier la création d’un univers sans références directes à la Terre. Notre planète se sert pas de paramètre comparatif, d’étalon, comme dans beaucoup de récits du genre. Bien sûr, nos travers humains y sont quand même dénoncés, symboliquement, à travers les mondes que le héros parcourt Tabagisme, racisme, violence, guerre, destruction de l’environnement, nucléaire y passent et l’auteur ne manque pas sa chance de laisser son message « vert ». Subtilement, ou avec moins de finesse.
Un autre élément caractérise cette fiction : il n’y a qu’un seul personnage majeur, Zomlok. Tous les autres figurants demeurent secondaires et n’apparaissent qu’un moment dans le récit.
C’est sur Zoomia, planète verdoyante, que vit Zomlok. Deux races humanoïdes se partagent l’unique continent. L’une, sédentaire, au teint d’albâtre, de nature belliqueuse ; ce sont les Stépaniens. L’autre, nomade et pacifique, à la peau rouge, est menacée d’extinction tant les premiers les pourchassent ; ce sont les Sylvaniens. Existent aussi des métis issus des deux races ; ils sont asservis par les habitants des steppes et des bourgs méridionaux.
Zomlok au teint ambré, lui, n’appartient à aucun de ces groupes. Trouvé bébé par un couple stépanien qui l’adopte, il fuira vers ses dix ans le foyer devenu inhospitalier et violent. C’est le début d’une longue quête pour retrouver ses origines.
Un grand amour de la Nature, « allié à une solide débrouillardise et à un esprit d’observation poussé » (p. 14), nous explique l’auteur, permet à l’enfant de survivre dans les bois jusqu’à sa maturité. Voilà qui nous rassure.
Super-scout ou Tarzan zoomien, Zomlok en vieillissant se découvre des pouvoirs paranormaux, « manifestations des lois naturelles, mal comprises ou même tout à fait incomprises, par la majorité de la population » (p. 14), ajoute l’écrivain, rationalisant ainsi l’aspect fantastique de l’œuvre.
Les facultés singulières de Zomlok lui attirent l’agressivité des Stépaniens. C’est pour sa survie et sa sécurité qu’il devra finalement migrer. C’est à ce tournant que s’enclenche une seconde étape de la quête d’identité du sujet, soit le prétexte principal du roman : le voyage.
Celui-ci se déroule à travers divers univers parallèles, un passage entraînant vers un autre monde et subséquemment, jusqu’au retour sur Zoomia. Mais en bout de périple, avoue l’auteur, le héros « n’en savait pas plus long qu’avant son départ sur ses propres origines » (p. 107).
On s’interroge aussi un moment sur la pertinence du séjour de Zomlok dans certains milieux « cosmiques ». L’enseignement à retenir n’est pas très explicite et la mise à l’épreuve du personnage pas toujours concluante. Du moins pour le déroulement de l’histoire. Le prêche écologique soutenu semble alors plus s’adresser au lecteur qu’à servir le récit.
Dans ses pérégrinations, Zomlok aura été en contact avec quelques facettes de l’évolution humaine, depuis les dégénérés jusqu’aux mutants. Certaines des sociétés décrites démontrent ou ont démontré un développement technologique, artistique ou spirituel, d’où notre rapprochement initial avec la SF. Fusées, dématérialisations, télépathie, etc., ne paraissent pas heurter culturellement notre surdoué qui s’adapte sans traumatisme à toutes ces nouveautés.
On prétend que les voyages sont formateurs. Celui de Zomlok l’est également. Il aura appris, en contrepartie, que c’est « dans ses rêves que seraient contenues les informations dont il aurait besoin tout au long de sa quête » (p. 76).
Ce n’est qu’à la toute fin du récit que Zomlok apprendra la vérité sur sa naissance et sur son rôle sur Zoomia. Le lecteur ou la lectrice aura probablement compris bien avant Zomlok de quoi il retourne.
Malgré ses carences, Le Voyage de Zomlok demeure un roman honnête, qu’on aura intérêt à parcourir. Le volume captivera sans doute davantage les jeunes qui, eux, se questionneront moins sur l’utilité patente des « précieux petits fruits verts » (p. 73) et « magiques » (p. 36) que l’auteur a vraisemblablement perdue en cours de rédaction.
Georges-Henri CLOUTIER