Jean-Marc Cormier, La Symphonie déconcerte (Fa)
À la recherche de l’identité perdue: La Symphonie déconcertante, de Jean Marc Cormier
Cinquième livre d’un écrivain de Rimouski, c’est un recueil de nouvelles ayant pour thème principal l’éclatement de l’identité, la tentation de la schizophrénie, le malaise existentiel. L’auteur se réclame de la tradition des poètes maudits qui ont traduit le mal de vivre au 19e et 20e siècles. Son recueil est une tentative pour exorciser ces angoisses, et réconcilier les diverses tendances du Moi déchiré par les contradictions. Dans un registre tantôt fantastique, tantôt réaliste, il explore les motivations de personnages mal à l’aise dans leur peau. Le narrateur de la première nouvelle est exemplaire de ce malaise télépathe vivant des fragments d’existence appartenant à des personnes qu’il ne connaît pas, il entre successivement dans la peau d’un enfant au berceau, d’un artiste-peintre, d’un homme de main minable de la mafia montréalaise. Son univers mental se disloque et le lecteur se perd avec lui… La narration nous transporte d’un univers intérieur à un autre dans des raccourcis assez saisissants ; le personnage du jeune enfant est des plus troublants un double du narrateur ? Plusieurs indices laissent penser que la fragilité de l’univers mental du narrateur trouve une explication dans une enfance traumatisée. L’enfance acquiert d’ailleurs dans le recueil de Cormier une grande importance ; elle est à la fois le refuge mythique pour l’adulte incapable d’assumer son existence, et la source des difficultés qu’il doit vivre. Aussi les personnages des autres nouvelles cherchent-ils à retrouver lieux et temps de leur enfance c’est à ce moment qu’il faut essayer de consolider l’unité de l’être.
Les trois autres nouvelles participent dans une moindre mesure à cette démarche de réconciliation entre le Moi et son double. Tout au plus expriment-elles un malaise qui serait dû à la société où vivent les personnages plutôt qu’à leur personnalité même.
Il faut saluer le talent de Cormier qui passe d’un style à l’autre avec aisance, exception faite de quelques dérapages surréalistes s’intégrant mal à l’ensemble. L’intérêt de ses nouvelles réside également dans le fait qu’elles peuvent être reçues comme des cauchemars ou des rêves éveillés. En somme, bien qu’inégal parfois, le recueil de Cormier n’est pas banal et présente une approche métaphysique du fantastique peu explorée au Québec. Il rappelle à cet égard le Roch Carrier de Les Fleurs vivent-elles ailleurs que sur la Terre ? Le fantastique de Cormier se rapproche cependant plus des fantasmes que du surnaturel, il se nourrit plus aux sources de la psychanalyse qu’à celles de l’irrationnel.
Cormier, Jean-Marc, La Symphonie déconcertante, Rimouski, Editeq, 1984, 127 p.
Claude JANELLE