Henri La France, À l’aube du verseau (SF)
Le roman À l’aube du verseau repose sur la thèse (audacieuse) que toutes les civilisations légendaires et mythiques (L’Atlantide, le continent de Mû, l’Hyperborée, etc.) ont existé et qu’elles étaient beaucoup plus avancées au point de vue technologique que la civilisation occidentale actuelle. En comparaison de ces ancêtres qui auraient vécu il y a 25000 ans, nous ne serions que des barbares incultes et bornés. L’auteur heurte donc de plein front plusieurs théories scientifiques, dont la théorie de l’évolution de l’espèce mise en avant par Darwin. Il proclame aussi la mort du positivisme d’Auguste Comte.
Discours hérétique ou, au contraire, visionnaire ? Essai documenté pu simple vue de l’esprit qui prend la forme d’un roman de science-fiction ? Le Livre de La France ne dissipe pas cette ambiguïté et c’est ce qui fait sa faiblesse. La thèse défendue par l’auteur cadrerait mieux dans un essai même si La France court le risque d’être traité de charlatan et d’illuminé par le milieu scientifique. Or, il préfère se retrancher derrière l’écran de la fiction plutôt que d’afficher clairement ses intentions. Le résultat est très décevant car le romanesque contamine l’essai et détruit une bonne partie de la crédibilité du discours scientifique.
En effet, l’auteur enrobe ses idées philosophiques, ses réflexions savantes sur les civilisations antédiluviennes dans une intrigue romanesque bourrée de clichés et de stéréotypes, peu convaincante et simpliste.
À l’aube du verseau est une faillite sur le plan romanesque. Le sujet de ce roman n’est peut-être pas très nouveau en SF mais il a été traité rarement en littérature québécoise. Il n’y a que le roman de Michel Tremblay La Cité dans l’oeuf qui aborde ce thème, mais il le fait de façon beaucoup moins élaborée et le traitement est davantage littéraire et poétique que scientifique.
Malgré tout, le livre de La France contient des idées stimulantes sur les civilisations anciennes, sur l’esprit et la matière, sur le temps, sur la cosmogenèse. L’essai convenait très bien au traitement de cette matière. Pourquoi l’auteur est-il allé s’empêtrer dans le roman ? Henri La France est un idéateur mais sûrement pas un écrivain ou un romancier, ou alors je suis un extraterrestre. C’est ce que son éditeur aurait dû comprendre.
À l’aube du verseau
par Henri La France. Montréal, Presses Sélect, 1980, 260 p.
Claude JANELLE