Bertrand Gauthier, Panique au cimetière (Fa)
Bertrand Gauthier
Panique au cimetière
Montréal, La Courte Échelle (Roman jeunesse #33), 1992, 88 p.
Ce livre est la pire mocherie que j’aie lue depuis longtemps. En fait, le plus lugubre dans cette histoire de morts-vivants qui poursuivent une écolière comme si elle était la seule personne en ville, c’est que le texte n’a pas été écrit par un débutant, mais par l’auteur d’un grand nombre de romans réalistes et le fondateur de La courte échelle. S’il croit avoir réussi son incursion du côté de l’épouvante, ça c’est terrifiant pour l’avenir de la collection.
Tout d’abord, il n’est pas très crédible que la jeune Mélanie s’enfonce dans un « affreux cimetière » simplement parce qu’elle y a entendu un bruit bizarre. Lorsqu’elle se fait agresser par un cadavre pourrissant, il est encore plus étonnant qu’elle s’en sorte en l’assommant (une tête en voie de décomposition serait-elle si fragile ?). Et lorsque Mélanie se fait un allié dans le clan adverse, il est ahurissant que ce soit le seul bel homme du lot – ou même qu’il soit beau tout court après avoir passé vingt-cinq ans dans un cimetière.
Mais c’est le chef des morts-vivants qui remporte la palme. En effet, il faudrait expliquer à l’auteur que la méchanceté absolue est dépassée depuis longtemps. Même si, dans ce cas-ci, « l’infâme tyran » parle de la noblesse de sa mission, il ne croit visiblement pas aux bienfaits qu’il propose à l’héroïne de façon « sadique » Comment le pourrait-il, puisqu’il menace ses propres complices du même sort si on n’obéit pas à ses ordres ?
Et nous avons aussi peu de respect pour le narrateur, qui s’horrifie avant nous des moindres détails du récit (les adjectifs sinistres dégoulinent de toutes les phrases et les points d’exclamation prolifèrent comme si leur survie en dépendait). L’auteur lui-même semble pressé d’en finir. Si l’on se fie à la profusion de courts paragraphes, tous les moyens sont bons pour atteindre le nombre de pages requis :
« Brusquement, Mélanie perd pied.
Elle tombe dans le vide.
Le vertige.
Un grand trou.
Qu’est-ce qui lui arrive ?
Profitant de la noirceur totale, les griffes de la mort viennent-elles de frapper ?
Heureusement, sa chute est brève. »
Rien de tout cela ne devient acceptable lorsqu’on apprend, en bout de ligne, que cette aventure était un roman lu par une tierce personne (excusez-moi d’avoir gâché le punch final). Que les 85 premières pages soient l’œuvre de Bertrand Gauthier ou d’une nommée – hum – Blanche Dépouvante, elles méritent tout à fait l’enterrement que l’héroïne a évité de justesse.
Charles MONTPETIT