Alain Marillac, La Porte d’émeraude (SF)
Alain Marillac
La Porte d’émeraude
Lasalle, Hurtubise HMH (Jeunesse), 1991, 157 p.
De Carnac à Nazca en passant par l’Amazonie, la Terre est parcourue d’un réseau de forces qui… Mais vous savez tout cela, vous avez lu Charroux et Von Dâniken. Qu’il suffise de dire que Dan Rixes, ayant la charge de cinq adolescents marginaux, entre par mégarde avec eux dans la chambre de téléportation d’un tumulus celtique… Ah, vous ne saviez pas ça ? Mais oui, ces lieux-là ont été « édifiés pour la contraction de l’espace ».
La Porte d’émeraude est un roman plutôt bavard. On sent que Marillac a dans ses tiroirs des dizaines et des vingtaines de pages de sa sagesse rosicrucienne à prodiguer à ses lecteurs, et qu’il compte en dispenser une bonne portion à la faveur de chaque roman (quatre autres titres sont annoncés). Les jeunes lecteurs en seront-ils plus instruits dans quelques années ? Pas nécessairement, car tout ça est bien flou et bien vague : la guimauve d’un bonimenteur, beaucoup de mots mais pas tellement de sens. On songe par moments à de la philosophie du Reader’s Digest.
La mission formatrice que s’est donnée Marillac comporte aussi un volet factuel : le narrateur, Dan Rixes lui-même et certains personnages (des gamins de rue, un peu délinquants) parlent comme des encyclopédies. (« Tu parles comme un livre, Leslie, c’est super. » p. 62) Ça donne des cours durant leurs conversations et leurs repas ; les chiffres et les données qu’ils n’ont pu s’échanger en bavardant, Marillac nous les livre entre deux déplacements. Vous ignoriez, je parie, que l’alignement de Menec compte 2935 menhirs répartis en lignes de 1167 mètres. Eh bien vous voilà moins niaiseux. Sans compter l’usage du ternaire dans l’architecture romane ou le goût salé de la plante amazonienne ibira-gjukych. Non pas que la connaissance soit inintéressante en soi ; mais tout est dans la manière. Ici, la manière se nomme pédanterie.
Narration, dialogues, personnages… il y aurait tant à dire. Mais on peut tout résumer en évoquant l’absence de direction littéraire compétente chez HMH Jeunesse, et ce depuis aussi longtemps que la collection existe.
Alain LORTIE