Maurice Gagnon, série Unipax (SF)
Maurice Gagnon a écrit, à la fin des années cinquante et au début des années soixante quelques romans, dont L’Échéance, prix 1957 du Cercle du Livre de France, de même que des œuvres pour la radio et pour la télévision (« L’Inspecteur Tanguay »). Plus récemment, il a publié Les Tours de Babylone (1972), et deux romans pour jeunes aux éditions Héritage, dans la collection Katimavik : Le Fils du Grand Jim et Simon, tous deux en 1975. Du côté de la science-fiction, Gagnon a publié chez Lidec, de 1965 à 1968, la série Unipax.
Ces récits se déroulent au XXIe siècle, après la quatrième ou la cinquième Guerre Mondiale (l’auteur se contredit là-dessus à plusieurs reprises). À ces conflits où l’on a fait usage des armes nucléaires (quoique de façon limitée), se sont ajoutées plusieurs guerres d’importance secondaire, de sorte que c’est un monde en perpétuelle tension que nous présente Maurice Gagnon. C’est dans ce contexte que s’est constituée la société secrète Unipax, un rassemblement international de gens de bonne volonté voués à l’instauration d’une paix universelle. Unipax s’est bâtie et se maintient grâces à des ressources financières colossales provenant, d’une part, de la récupération des trésors de la mer, d’autre part de l’exploitation de grandes compagnies, telles des sociétés de transport maritime, par exemple ; et encore, de richissimes commanditaires philanthropes. Unipax dispose d’une immense base ultra-secrète sous l’Antarctique, de cinq stations sous-marines de puissantes flottes de sous-marines et d’imposants réseaux clandestins d’information et d’intervention dans le monde entier. À la fin du premier livre de la série, on trouve des tableaux détaillés décrivant les capacités des substations et surtout des aérosubs, ces véhicules capables de naviguer sur et sous l’eau, de même que dans les airs. Unipax est commandée par Pierre Servax, homme taciturne, très intelligent et courageux.
Il est assisté de nombreux collaborateurs, dont Red Arrow, énigmatique indienne toute dévouée à Servax qui, du reste, l’épousera à la fin de leur quatrième aventure. La série débute douze ans après la fondation d’Unipax.
Maurice Gagnon
Unipax intervient
Montréal, Lidec (Aventures, 101), 1965, 118 p.
Après douze ans consacrés à son organisation, Unipax entreprend sa première intervention majeure : faire échouer une conférence ultra-secrète réunissant Américains et Soviétiques dans un chalet des Laurentides. Cet endroit est extrêmement bien protégé, mais Servax et ses gens réussiront leur opération minutieusement préparée. Ils enlèveront les délégués Américains et Soviétiques et leur feront avouer leur complot : une attaque concertée contre la Chine. Rendu public dans le monde entier par Unipax, le sinistre projet devra être abandonné.
Maurice Gagnon
Les Savants réfractaires
Montréal, Lidec (Aventures, 102), 1965
Deux savants, un Anglais et un Français, ont découvert ensemble un virus qui peut servir à des fins militaires. Ils se proposent d’en faire don à leurs deux gouvernements pour leur rendre la puissance que ceux-ci ont perdu face aux États-Unis, à l’Union Soviétique et à la Chine. Unipax entreprend d’éliminer ce virus, de détruire toute documentation y ayant trait, et d’en effacer le souvenir dans la mémoire de ses découvreurs et de tous ceux qui en ont eu connaissance.
Maurice Gagnon
Le Trésor de la Santissima Trinidad
Montréal, Lidec (Aventures, 103), 1966, 143 p.
Ayant découvert un gallion espagnol gisant au fond de la Mer des Antilles, à une très grande profondeur, Unipax entreprend d’en repêcher le trésor avec ses aérosubs, sous-marins aux possibilités immenses. L’intervention d’Ajax Andros, un riche armateur lui aussi à la recherche du trésor, et l’arrivée d’une flotte de guerre américaine, donnent à Unipax l’occasion de démontrer sa puissance, en utilisant ses fameux missiles dont les radiations volatilisent à distance tout lubrifiant, rendant inopérante n’importe quelle machine ou véhicule.
Maurice Gagnon
Une aventure d’Ajax
Montréal, Lidec (Aventures, 104), 1966, 142 p.
Par un subterfuge, Servax et RedArrow s’introduisent dans l’entourage du richissime armateur Ajax Andros, et organisent son enlèvement. Ajax est conduit à la Base d’Unipax sous l’Antarctique, et on lui fait visiter cette ville secrète. Unipax entend ainsi s’associer le milliardaire et s’en faire un allié.
Maurice Gagnon
Opération Tanga
Montréal, Lidec (Aventures, 105), 1966, 147 p.
Dans des montagnes au cœur de l’Afrique, les Chinois ont mis 10 ans à installer des bases de missiles nucléaires destinés à anéantir l’Europe et l’Amérique. Unipax a vent de ce projet et, après de périlleuses missions de reconnaissance réussit à anéantir cette menace, en bombardant les installations clandestines avec des missiles spéciaux dont l’explosion libère des radiations qui rendent inutilisables toute mécanique et tout appareillage électronique.
Maurice Gagnon
Alerte dans le Pacifique
Montréal, Lidec (Aventures, 106), 1967, 155 p.
Les Soviétiques ont mis au point un nouveau sous-marin qui, au hasard d’une rencontre, détruit deux petits aérosubs d’Unipax et en endommage un autre gravement. Grâce à ses services de renseignements, Unipax repère la base ultra-secrète qui abrite les prototypes soviétiques. Servax lance l’opération « Scorpion » et la réussir : déplacement de la station sous-marine « Cygne », qui avait été repérée par les Soviétiques ; attaque des nouveaux sous-marins et destruction de leur base d’attache ; tout cela sans effusion de sang, grâce aux missiles neutralisants et aux gaz soporifiques qu’emploie Unipax.
Maurice Gagnon
Un complot à Washington
Montréal, Lidec (Aventures, 107), 1968, 151 p.
Trois sénateurs américains et un général sont à la tête d’un complot visant à prendre le pouvoir aux États-Unis et à déclencher une guerre, dont leur pays sortirait vainqueur, grâce à de nouvelles bombes nucléaires sans retombées radioactives. Grâce à ses courageux agents de renseignements, Unipax évente ce complot et le déjoue en livrant au Président des États-Unis toutes les preuves nécessaires à l’arrestation des conjurés.
Maurice Gagnon
Servax à la rescousse
Montréal, Lidec (Aventures, 108), 1968, 151 p.
Une très importante conférence du Mouvement International pour la Paix doit avoir lieu en Irlande. Mais trois fondateurs du Mouvement ont été assassinés, et le même danger menace les délégués à la Conférence. Les adversaires : les Américains et les Soviétiques, qui se sont ligués pour faire échouer cette tentative de pacification. Unipax intervient pour contrecarrer le complot des grandes puissances et les mettre les délégués pacifistes à l’abri de tout attentat.
La série Unipax nous présente une science-fiction axée en bonne partie sur l’espionnage. Les deux derniers récits de la série, en particulier, ne sont pratiquement que des aventures d’espionnage transposées dans le futur. C’est une SF réaliste, en ce qu’elle nous présente la société future aux prises avec des conflits internationaux qui font régner sur notre planète une tension terrible. Le contexte imaginé par Gagnon comporte cependant quelques anachronismes. Ainsi, bien que l’action se déroule au début du XXIe siècle, la société ne semble pas futuriste, sauf la mention de quelques explorations des planètes de notre système. Quant au reste, aucune mention de progrès scientifique, de sorte qu’Unipax, avec ses aérosubs, ses substations, sa Base souterraine et ses armes non-violentes, paraît être à l’avant-garde de son époque. Mais en fait, tout ce dont dispose Unipax devrait être monnaie courante au début du XXIe siècle. L’action pourrait donc se dérouler vers 1980, et c’est alors seulement qu’Unipax ferait figure d’organisation futuriste. Il n’en demeure pas moins que la plupart des inventions de Gagnon relèvent encore de la science-fiction.
Les thèmes de la série sont traditionnels, entre autres celui d’une organisation secrète avant-gardiste vouée au maintien de la paix. L’intrigue est généralement intéressante, soutenue, parfois captivante, bien construite. L’histoire est toujours simple. Dépouillée de tout excès de détails qui les encombrent, les récits se ramènent à des aventures assez courtes. C’est le cas surtout, d’Une aventure d’Ajax, où l’intrigue est très mince et, pour tout dire, plate. Le style est bon, mais le défaut principal est la surcharge de détails inutiles sur la routine quotidienne des personnages, sur les procédures techniques de leurs opérations, de leurs manœuvres. Souvent, ce sont autant de longueurs qu’on voudrait voir remplacées par des péripéties plus abondantes. Par contre, certains éléments, en particulier des informations ayant trait à la navigation, aux combats navals, etc., sont excellents et témoignent d’une solide documentation de la part de l’auteur. Les romans s’apparentent parfois à la « hard science-fiction », à cause justement de ce souci de réalisme. Cependant, dix ans après leur publication, on a peine à voir dans ces récits des trouvailles originales. En tout cas, l’auteur n’abuse pas des gadgets.
Par ailleurs, le contexte politique et diplomatique est assez vraisemblable, est décrit sobrement, sans simplisme, sans tomber ( auf dans Opération Tanga) dans un manichéisme ridicule comme celui de Thériault dans la série Volpek. Ceci dénote de la part de l’auteur une certaine objectivité et un refus de tomber dans la facilité.
Quant aux personnages, ce n’est que vers la fin de la série qu’ils gagnent quelque profondeur, du moins les principaux. Mais leur personnalité laisse quand même à désirer ; surtout j’ai trouvé que ces gens ne sont pas très attachants. Servax, par exemple, qu’on devine assez âgé, est sans chaleur, et son paternalisme envers ses subordonnés n’est qu’agaçant. L’auteur a beau nous parler de la grande camaraderie qui unit tous ces gens, je n’ai pas été très convaincu. Par ailleurs, le lecteur est dérouté par la foison de sous-ordres et de comparses. Il faut cependant apprécier le souci omniprésent de nonviolence et le respect fondamental de la vie dont témoignent les gens d’Unipax. Tout l’arsenal de l’organisation est composé d’armes non meurtrières. Dans toute la série, les gens d’Unipax n’ont pas tué un seul adversaire. Pour les 12-16 ans.
NDLR. En 1972, Maurice Gagnon a remporté le Prix de l’Actuelle avec son roman d’anticipation intitulé Les Tours de Babylone, Montréal, L’Actuelle, 1972, 191 pages (un roman pour adultes celui-là…)
Alain LORTIE