La Science-fiction philatélique
par Jean-Pierre LAIGLE
Exclusif au Volet en ligne (Adobe Acrobat, 955Ko) de Solaris 146, été 2003
La SF graphique ne consiste pas qu’en couvertures et illustrations de livres et de magazines, en albums, en portfolios, en pochettes de disques, en bandes dessinées, en calendriers, en protège-cahiers, en buvards, en affiches, en cartes postales, bancaires et téléphoniques, en images de tablettes de chocolat, en bagues de cigares, en vignettes de boîtes d’allumettes et de fromages, en étiquettes de bouteilles, etc. Il y a aussi les timbres-poste et tout ce qui relève de la philatélie: blocs-feuillets, enveloppes premier jour, cartes maximum, entiers postaux ou enveloppes pré-affranchies, oblitérations et feuillets d’art.
Le premier timbre de SF semble être une vignette horizontale sans valeur faciale et sans pouvoir d’affranchissement d’une série de quatre disposées en bloc émise à l’occasion de l’exposition philatélique internationale de Vienne en 1933. Il représente une fusée un peu sommaire fendant l’espace cosmique parmi quelques planètes et étoiles, le tout en orange et blanc signé Ludwig Hesshaimer. Le même dessin est reproduit deux fois plus grand en vert bouteille dans le coin supérieur gauche d’une carte émise le 21 juin 1933 pour la journée philatélique autrichienne.
Sous la tutelle scientifique
Ce timbre fut suivi d’environ sept cents autres jusqu’à maintenant (février 2003), un chiffre plusieurs fois multiplié si nous ajoutons les divers documents philatéliques qui en découlent. Il est déjà typique de la première orientation de la SF philatélique, qui fut d’abord plutôt scientifique et naquit comme un rameau de l’astrophilatélie, c’est-à-dire ce qui concerne l’astronomie et la conquête de l’espace. C’est ainsi qu’elle resta longtemps un parent pauvre accueilli par charité dans les célébrations des conquêtes de la science, autant dire, comme en littérature, un parasite.
Le premier exemple en fut la valeur de dix kopeks émise le 7 octobre 1957 pour le centenaire de la naissance de Constantin Tsiolkovski. Il s’agit visiblement ici du précurseur de l’astronautique plus que de l’auteur de Vné Zemli (En dehors de la Terre, 1918). Pourtant le savant est représenté flanqué d’une espèce de véhicule autopropulsé et d’un paysage naïf figurant une fusée sur une lune de Saturne, la planète emplissant le ciel. Le timbre existe aussi avec la surcharge «4-X-57. Premier satellite artificiel de la Terre au monde». Il fut intégré à un bloc-feuillet cubain célébrant le vingtième anniversaire de Spoutnik 1. Enfin le paysage cosmique fut reproduit en plus grand mais sommairement avec le portrait de C. Tsiolkovski sur une enveloppe soviétique tirée à trois cents exemplaires et commémorant la cent cinquième année après sa mort.
Cette mixité science/SF se retrouve dans une série de six valeurs émise pour les quinze ans de Spoutnik 1, dont les deux tiers de la surface dépeignent en couleurs un exploit astronautique et un tiers en noir et blanc un exploit futur. De même dans deux séries sudyéménites de 1969 : une dont chaque timbre se partage diagonalement entre un véhicule astronautique réel et sa contrepartie dans la fiction ; l’autre dont chaque timbre se compose de quatre carrés alternant des étapes passées et futures de la conquête de l’espace. Citons encore le bloc de seize émis en 1972 par l’émirat d’Ajman qui est un historique de l’astronautique où figurent les portraits de J. Verne et de H. G. Wells. Et ce timbre cubain de 1981 qui, à l’occasion du vingtième anniversaire de l’envoi du premier homme dans l’espace, réunit J. Verne, C. Tsiolkovski et Serguei Korolev. La science tenterait-elle d’annexer la SF ?
La philatélie regorge de représentations de projets astronautiques, ce qui rend la question inévitable. S’agit-il pour autant de SF? Oui, dans la mesure où ceux-ci sont mis en scène comme éléments d’un décor, c’est-à-dire participant à un état ou à une action au moins potentiellement générateurs d’un récit, que ce dernier soit explicite ou dans le regard de l’observateur. Ne s’agirait-il que de vulgarisation scientifique extrapolée ou détournée ? Peut-être, mais cela a été proposé comme définition, voire comme idéal de la SF. La notion d’hypothèse scientifique romancée ne correspond-elle pas à au moins un type de SF ? Et puis, qui annexe qui ? Versons au dossier deux étonnants blocs-feuillets où l’Enterprise de Star Trek figure en très bonne place à côté des professeurs Hermann Oberth (Paraguay, 1979) et Eugen Sänger (Comores, 1981).
Annexons donc à la SF l’énorme timbre de l’émirat de Ras-al-Khaima (1970) qui représente de façon très vivante une navette états-unienne sur le point d’accoster à une station orbitale, les deux magnifiques blocs de huit du Sud-Yémen consacrés aux projets de satellites de McDonnel-Douglas, de Boeing et de Langley-NASA (1970) et à la conquête de Mars (1971), six des neuf timbres de l’émirat d’Ajman sur l’exploration de Mars (1971), série qui fut imitée ailleurs dans la péninsule arabique, etc. à la longue, cette mixité s’est atténuée, mais sans vraiment s’effacer, ne serait-ce que par l’habitude de faire coïncider ces émissions avec des événements astronautiques. La plupart d’entre elles tentent de concilier art et rigueur scientifique. C’est dire que l’intimisme n’y prévaut pas, pas plus que dans le reste de la SF philatélique.
Vers une SF philatélique de plus en plus émancipée
Parmi les pays qui ont le plus œuvré à la conquête de l’espace, l’URSS contribua le plus à l’astrophilatélie, essentiellement dans des buts de propagande. Mais celle-ci émit très peu de timbres de SF, bien qu’étant alors un des plus gros producteurs mondiaux de littérature de ce genre. Les plus connus sont une série de quatre, plus un purement astronautique, datant de 1967 et figurant des scènes extraterrestres. Même s’ils ne sont ni crédités ni bien reproduits, il est facile d’y reconnaître des œuvres d’Andrei Sokolov, qui est, ainsi qu’Alexei Léonov, le «piéton de l’espace», un des plus grands peintres russes d’astronautique et de SF, dont les tableaux furent popularisés vers la même époque par des centaines de cartes postales. Notons enfin que les postes soviétiques émirent de nombreuses enveloppes avec des dessins à thématiques SF.
Les postes cubaines firent appel à A. Sokolov et à A. Léonov en 1974, 1975 et 1985 pour trois séries de six valeurs chacune, mieux reproduites, bien que la réduction fût dommageable, ainsi que le suggèrent les albums russes où figurent la plupart des tableaux choisis. D’inspiration voisine, une jolie série de sept émise par la Hongrie en 1976 et signée p. Varga dépeint des astronefs et des architectures dans des ambiances extraterrestres. Franchement naïve est celle de sept émise en 1973 par la Guinée équatoriale sur le thème – plus ou moins évident – de la conquête de Vénus. Il s’y rattache un bloc-feuillet associant des explorateurs noyés dans les vapeurs vénusiennes et les portraits de Werner von Braun et S. Korolev. Le même pays a aussi émis en 1997 pour la coopération spatiale trois timbres plus soignés représentant une base lunaire, deux astronefs imaginaires et quatre soucoupes volantes dont une d’après les abatjour de George Adamsky.
Le Vietnam est à l’origine d’une série de sept, sans prétentions scientifiques mais amusante, émise en 1988 et censée représenter des épisodes de l’exploration de Mars et de ses satellites. La Corée du Nord a émis en 1980 et 1982 deux séries qui pourraient honorablement illustrer des récits de SF occidentaux. La première mêle astronefs, monstres et cités futuristes et semble pasticher des couvertures de livres états-uniens. L’autre, plus soignée, est centrée sur des astronefs clairement inspirés de Christopher Foss. Il se rattache à chacune un bloc-feuillet. Ce n’est évidemment là qu’un bref tour d’horizon des démocraties populaires. Pourtant, dans leurs variations soviétique comme chinoise, l’exploitation de thèmes purement SF reste exceptionnel.
C’est aussi vrai du principal pourvoyeur de SF de la planète. Les états-Unis sont principalement responsables de trois séries. La première comprend quatre valeurs, existant aussi dans un blocfeuillet non dentelé avec notice, commémorant l’exposition philatélique de Washington en 1989. Chacune représente un véhicule postal du futur. Il en a été tiré autant de cartes qui rendent mieux justice aux dessins de Ken Hodges. La deuxième (1993) est une bande horizontale de cinq timbres vendue en carnet, pastichant brillamment les couvertures des magazines états-uniens d’avant 1950. Enfin, la plus récente (1998) propose sur une autre bande horizontale le magnifique panorama dans des tons rouge-rose d’une base terrienne au clair d’un cortège de planètes.
Terminons par quelques autres émissions qui prouvent combien la SF philatélique a su s’affranchir de la tutelle scientifique. Ainsi cette série paraguayenne de 1978 dont les sept timbres relatent des épisodes de l’exploration des planètes dans un style naïf mais amusant. Rattachons-y les deux valeurs d’une série par ailleurs purement astronautique émise la même année, qui dépeignent de gracieux extraterrestres dans leur milieu. Venus de l’émirat d’Ajman en 1972, six timbres proposent divers véhicules astronautiques particulièrement kitsch. Enfin devrait figurer dans tout bestiaire fantastique l’extraordinaire série de six émise la même année par la Guinée francophone. Elle s’intitule (sic) «Animaux préhistoriques de l’espace imaginaires» et est restée anonyme. Mémorables sont la pieuvre extraterrestre et le serpent cosmique muni d’ailerons et propulsé à réaction.
Auteurs et œuvres
La célébration spécifique d’auteurs et d’œuvres de SF marque un tournant décisif, si modeste fût-il au début. Elle se limita longtemps à Jules Verne, considéré un peu abusivement comme garant de la rigueur scientifique. Plus de cent vingt timbres lui furent consacrés, mais pas tous d’inspiration anticipatrice ; le premier fut émis par la France pour le cinquantenaire de sa mort (1905) et représente l’auteur et le Nautilus. Il figura sur des enveloppes premier jour avec trois cachets, un de Nantes, un de Paris et un d’Amiens, le plus coté. En 1982, la France en émit deux autres consacrés à Cinq Semaines en ballon 1863) et à Vingt Mille Lieues sous les mers (1869-1870), qui suscita de multiples modèles d’enveloppes et de cartes premier jour ainsi que de feuillets d’art.
à cela s’ajoutent divers cachets tels celui de l’exposition Jules Verne de 1966 qui émit une carte postale et celui des journées Jules Verne de 1978 à Rosny-sous-Bois qui sortirent une enveloppe premier jour. La manifestation annuelle Philexjeune de 1997 à Nantes fit figurer l’auteur avec une évocation de quatre de ses romans sur une enveloppe premier jour. Mais, de tous les états francophones, ce fut Monaco qui le célébra le plus avec deux émissions, en 1955 (onze valeurs) et en 1978 (huit valeurs) pour le cent cinquantenaire de sa naissance. Toutes sont plus élégantes et plus imaginatives que leurs homologues françaises et s’accompagnent d’autant d’enveloppes premier jour que de timbres.
Celles-ci sont cependant surpassées par le timbre gravé en or, existant aussi en argent, émis en 1974 par la Mauritanie conjointement avec un autre à la gloire de Skylab. Presque aussi luxueux est le bloc-feuillet, partiellement imprimé en or, émis par l’Empire centrafricain à l’occasion de l’Année internationale de l’enfant. Rares sont les républiques francophones d’Afrique qui n’ont pas eu leur émission vernienne. Retenons celles de la Guinée en 1978 (sept valeurs), du Mali en 1975 (quatre valeurs) et même du Togo en 1980 (six valeurs et un bloc-feuillet), bien qu’elle donne 1909 au lieu de 1905 pour date du décès de l’auteur.
Même les Français réalisent mal la popularité de Jules Verne à l’étranger et seraient étonnés que cela puisse faire de lui un ambassadeur postmortem de son pays. En témoignent les trois timbres et le bloc-feuillet émis pour la semaine française au Panama en 1966. Les postes d’états non francophones ne semblent pas avoir subi de pressions étant donné la fréquence relative des émissions verniennes. Signalons parmi les plus belles celles, simultanées mais différentes, de quatre timbres et d’un bloc-feuillet de la Grenade et des Grenadines en 1979, la série de six et d’un bloc-feuillet du Nicaragua en 1978 et le bloc-feuillet hongrois de la même année.
Dans la philatélie comme ailleurs, les valeurs éternelles (?) sont souvent envahissantes et étouffent les autres, qu’il faut parfois chercher bien loin. Ainsi, le premier timbre vernien en France (et au monde), suivi dès 1956 de deux consacrés à Camille Flammarion et au colonel émile Driant. Mais le premier était célébré comme l’auteur de L’Astronomie populaire (1880) et non de La Fin du Monde (1893-94) et le second comme le héros tombé au champ d’honneur en 1916 et non comme le plus grand pourvoyeur français d’anticipation militaire. Le même tour fut joué à Arthur C. Clarke par son pays d’adoption, le Sri Lanka, qui lui dédia un timbre en tant que scientifique en 1999.
Après le premier timbre émis un peu à la sauvette par l’émirat d’Ajman à la gloire de H. G. Wells, il fallut attendre 1995 pour que sa patrie en consacrât quatre à autant de ses œuvres. Ces timbres se retrouvèrent sur une enveloppe premier jour collective où s’étalait fièrement le mot «science fiction» et qui renfermait une brève notice de Brian Aldiss. H. G. Wells figure aussi dans un bloc intitulé «Un Siècle de Science Fiction» émis en 1998 par la république de Saint-Marin et dessiné par Franco Filanci. Il comprend seize valeurs et autant d’auteurs, tous anglo-saxons sauf deux, représentés par une de leurs œuvres. Le cachet de l’enveloppe premier jour reprend une scène de 2001 : A Space Odyssey (1969) de Stanley Kubrick. Une consécration.
Le cinéma et la télévision
à la fin du XXe siècle, la SF philatélique n’a pas seulement commencé à s’affranchir de ses bases astronautiques. Elle s’est référée à son héritage littéraire mais aussi cinématographique. Il y avait bien eu en 1961 un timbre français commémorant le centenaire de la naissance de Georges Méliès et celui-ci comportait la réduction d’un dessin du cinéaste pour le quatrième plan du Voyage dans la Lune (1902) qui fut repris sur une carte maximum, mais c’était une initiative exceptionnelle.
Il revint aux deux blocs-feuillets paraguayen et comorien arborant l’image de l’Enterprise de prendre le relais en 1979 et 1981. Mais il fallut attendre 1994 pour que les postes de l’île de Saint-Vincent et de la Guyana s’intéressent à Star Trek, la première avec deux séries de neuf et un bloc-feuillet d’après le feuilleton télévisé, la seconde avec deux séries de neuf, un timbre en bloc de neuf et un bloc-feuillet relatifs aux films. Et cela a continué, avec pour sommet un bloc-feuillet partiellement en or émis par la Guyana en 2000.
L’année 1994 fut aussi décisive pour le cinéma de SF en général. Ainsi, le Ghana émit-il un bloc-feuillet avec le portrait d’H. Oberth et un détail de l’affiche originale de Frau im Mond (Une femme dans la Lune, 1928) de Fritz Lang, dont il fut le conseiller scientifique. L’année suivante, le centenaire du cinéma allemand était commémoré par un bloc-feuillet dont un des trois timbres représentait le robot féminin de Metropolis (1925) de Fritz Lang. Ce timbre fut aussi imprimé sur plusieurs cartes postales et une carte téléphonique.
Les années 1994 et 1995 virent enfin la célébration des cent ans du cinéma et les émissions se multiplièrent, dont certaines relatives au cinéma de SF. Ainsi au Burkina (cinq blocs-feuillets), en République centrafricaine (deux blocs-feuillets), à Madagascar (un blocfeuillet), en Sierra Leone (une série de neuf en un bloc) et au Togo (un triptyque horizontal, aussi inclus dans un bloc-feuillet). Il s’agit souvent de productions aux couleurs criardes et sans grande valeur artistique.
Plus intéressant est le bloc de deux bandes horizontales de trois émis par Saint-Vincent-et-les-Grenadines. L’artiste, demeuré anonyme, a restitué de façon non servile des scènes de la trilogie originelle de Star Wars (1977-1983). La même année, une interprétation curieuse du Nostromo d’Alien (1979) de Ridley Scott figurait dans un bloc de quatre, par ailleurs aéro-astronautique, émis par Touva. Et en 1999 un timbre britannique rendait hommage à Doctor Who avec l’image d’un Dalek.
Enfin quelques mots sur les dessins animés. Walt Disney a prêté ses personnages les plus connus pour des séries SF des îles Maldives, Grenadines et Redonda notamment. La famille Jetson, de Hanna et Barbera, a également pris du service en Mongolie et à Saint-Vincent pour onze valeurs et deux blocs-feuillets à chacun. Enfin signalons deux blocs-feuillets émis en 1996 par la Corée du Sud relatifs à deux space operas locaux non identifiés mais qui semblent engageants.
La bande dessinée
Intégrée encore plus tardivement à la SF philatélique, la bande dessinée de SF le fut de façon aussi marginale. En témoigne l’émission, à l’occasion du festival de la bande dessinée d’Angoulême de 1988, d’un carnet de douze timbres sur le thème de la communication, dont trois relèvent de la SF. Ces derniers sont signés de sommités françaises en la matière : Moebius (Jean Giraud), Jean-Claude Mézières et Paul Gillon. Ils figurent sur une enveloppe premier jour et des feuillets d’art collectifs et sur divers modèles d’enveloppes et de cartes premier jour individuels. Plus tard, les deux derniers firent partie de deux entiers postaux et le dernier se retrouva sur un sac postal matelassé.
En 1994, les postes britanniques incluaient Dan Dare dans une série figurant les héros favoris de la jeunesse. En 1995 les états-Unis célébraient les classiques de leurs bandes dessinées avec un bloc de vingt timbres, dont un seul relève véritablement de la SF, celui de Flash Gordon, d’Alexander Raymond et Edwin Balmer. En 1988, ils récidivaient avec une série à la gloire des années trente qui réunissait pêle-mêle Franklin Roosevelt, l’Empire State Building, le mixeur et… Superman ! Pourtant, seul le scénariste original, Jerry Siegel, était états-unien, le dessinateur, Joe Shuster, étant canadien.
Heureusement, le Canada n’avait pas attendu son cinquantenaire pour commémorer le personnage, en 1995, avec quatre autres superhéros canadiens dont l’appartenance à la SF n’est pas toujours évidente. L’ensemble fit l’objet d’un carnet de deux bandes de cinq dont le premier plat, imitant la couverture d’un comic book, représentait Superman en action et dont l’intérieur comportait une notice biobibliographique. Il en fut tiré deux enveloppes premier jour la même année, une collective, puis une réservée au seul Superman à l’occasion du Salon du collectionneur de Montréal, chacune avec son cachet.
Figures envahissantes dans la bande dessinée, les super-héros le sont aussi devenus dans la bande dessinée philatélique. En 1995, la Mongolie émettait un bloc de huit représentant autant de X-Men et un magnifique et monumental bloc-feuillet dépeignant Wolverine et Magneto en pleine bagarre. Puis en 1998 la Guinée célébra la gloire du Captain America (un bloc de neuf et un bloc-feuillet) et de Spider-Man (deux blocs-feuillets), puis Madagascar celles de Hulk, du Surfer d’Argent et de Spider-Man (un bloc de neuf et un blocfeuillet pour chacun). Une offensive de la Marvel qui n’en est sans doute qu’à ses débuts.
Terminons ce rapide panorama par deux timbres belges. Le premier commémore le cinquantenaire des aventures de Blake et Mortimer d’Edgar p. Jacobs (1946) et s’accompagne d’une carte représentant les deux héros. L’autre, de 2001, célèbre Luc Orient d’Eddy Paape et Greg. L’enveloppe premier jour comporte le dessin du projet de timbre original qui comprend deux autres personnages et qui est plus intéressant. Cette émission coïncida avec l’édition conjointe par la poste belge et le Centre belge de la bande dessinée d’un minialbum qui inclut une aventure de Luc Orient inachevée par suite du décès du scénariste.
Le futur
La bande dessinée et le cinéma sont les derniers avatars d’une SF philatélique qui s’est tardivement et lentement développée. Tous deux l’ont diversifiée et renforcée au terme d’une évolution qui a connu des hauts et des bas. En 1973, les petits émirats de la péninsule arabique qui étaient très prometteurs se fédérèrent et cessèrent toute émission de ce genre. Heureusement, les nouvelles républiques d’Afrique noire reprirent le flambeau, ainsi que quelques états latino-américains, antillais et asiatiques. L’Amérique du Nord et l’Europe, pourtant les plus gros pourvoyeurs de SF de la planète, ne les ont pas encore rattrapés, ce qui est curieux.
Le passage au XXIe siècle a favorisé la SF, philatélique et autre. Certaines initiatives n’auraient jamais vu le jour autrement. Ainsi cette enveloppe pré-affranchie émise par les bureaux de poste de six petites communes provençales, qui s’orne de l’image d’un facteur de l’an 2000 tel qu’il existe dans un univers parallèle: monté sur une moto antigravitationnelle. D’autres rendez-vous s’annoncent: le centenaire de la mort de Jules Verne en 2005, le bicentenaire de sa naissance en 2028. Pourquoi pas le centenaire de la naissance de Ray Bradbury en 2020 ou celui de la mort de H. G. Wells en 2046 ? Peut-être le groupe de pression états-unien qui milite pour un timbre dédié à Edgar Rice Burroughs réussira-t-il…
En ce début du XXIe siècle, la SF en général est moins marginalisée et sa composante philatélique n’est plus guère une province de la philatélie astronautique. Il existe chez la maison Lollini de Nice un catalogue qui recense la quasi-totalité des émissions relatives à la conquête de l’espace et donc à la majorité des timbres de SF. Un catalogue concernant exclusivement la totalité de ces derniers serait le bienvenu, car il consacrerait l’autonomie de ce rameau de la SF graphique. Il existerait déjà un site Internet qui le cultiverait, mais un tel ouvrage l’officialiserait et désignerait aux amateurs et spécialistes de SF un nouveau sujet de collection et d’étude.
Jean-Pierre LAIGLE
De son coin de pays en France, Jean-Pierre Laigle a tout fait dans la SF : il l’a traduite, critiquée, étudiée, imprimée, éditée; il a fondé et publié la revue Antarès; il en a achetée, vendue et collectionnée. Il en écrit aussi, comme en font foi ses nouvelles «Mission: Destinée» et «Deuxième victoire» dans les numéros 139 et 143 de Solaris.
Mise à jour: Juillet 2003 –