Sci-Néma 144
Chapitre 12: De l’horreur au merveilleux, une impression de déjà-vu ? Quelques surprises malgré tout.
par Hugues Morin [HM] et Daniel Sernine [DS],
avec la collaboration spéciale d’Yves Meynard [YM] et Christian Sauvé [CS]
Exclusif au supplément Web (Adobe, 885Kb) de Solaris 144, hiver 2003
Le futur du cinéma
Cette fin d’année 2002 ressemble aux fins d’années qui l’ont précédée. L’horreur qui régnait en maître à la fin de l’été et à l’Halloween cède la place à la fantasy. Cette année par contre, un élément inhabituel ; les deux films les plus attendus sont des suites de films sortis l’année dernière à la même période. Je parle bien entendu de Harry Potter and the Chamber of Secrets et de Lord of The Ring: The Two Towers. Il en résulte une étrange impression de déjà-vu sur cette période des fêtes. D’un côté, il est réconfortant de savoir que la qualité y sera, mais l’aspect nouveauté n’y est plus, ce qui réduit quand même un peu le plaisir.
Cette année 2002 est aussi une date clé en SF. L’an 2000 étant maintenant bien loin derrière nous, tout comme 2001 (date significative en SF), on peut donc considérer que nous vivons désormais… en plein futur. C’est donc un moment qui semble approprié pour s’interroger sur le futur du cinéma. Car s’est-on rendu compte que 2003 marquera le 10e anniversaire du premier long-métrage à utiliser à grande échelle des créatures réalistes animées numériquement : Jurassic Park (1993) ? Depuis cette date, la numérisation des images au cinéma a fait d’autres pas de géants ; le dernier en date étant la projection dans quelque 61 salles de l’Amérique du Nord, l’été dernier, de Star Wars Episode II à l’aide de projecteurs numériques, c’est-à-dire sans pellicule. Le film de Georges Lucas, rappelons- le, a été tourné entièrement avec des caméras numériques. Ce procédé a permis d’éliminer toutes les opérations reliées à la pellicule : les négatifs, le transfert dans les ordinateurs pour fins de montage et d’effets spéciaux, et, ultimement, le transfert sur positif pour la projection. Précisons, pour les maniaques d’exactitude, que Episode II n’est pas le premier film a avoir être projeté en numérique. Planets of The Apes, Spirit et Scooby-Doo ont profité de quelques projections de ce genre, mais ces films avaient d’abord été tournés avec des caméras traditionnelles. Bien entendu, nous n’en sommes pas encore à l’élimination complète de la pellicule, puisque plus de 98 % des salles ayant présenté Episode II l’ont projeté de manière traditionnelle. Toutefois, les quelques salles équipées en numérique pour l’occasion semblent montrer la voie du futur…
Vraiment ?
L’histoire du cinéma est remplie de fantômes qui ont été supposés, en leur temps, le faire disparaître. On se souviendra de la télévision qui devait sonner le glas du cinéma ; puis du passage à la télévision en couleurs, de l’apparition de la vidéocassette, du format IMAX, de la télé payante, à la carte, numérique, puis du DVD. Le cinéma continuera-t-il à tout encaisser pour poursuivre son chemin de manière traditionnelle ? Ou bien sera-t-il finalement remplacé ?
Pour s’amuser à faire un brin de futurologie, nous allons suivre trois pistes, examiner trois tendances, chacune d’entre elle, d’une manière ou d’une autre, reposant sur l’argent.
La première piste à surveiller est celle de la répartition de l’argent. Vous l’ignorez probablement, mais l’industrie du cinéma est malade et les choses s’aggravent depuis deux ou trois ans. Certes, les chiffres du box office nord-américain des dernières années n’ont rien à envier à ceux des années précédentes. Certaines tendances sont toutefois inquiétantes, comme la concentration des recettes réalisées par un nombre de films de plus en plus réduit chaque année. Les économies sur les coûts de production promis par l’évolution technologique ont été balayées par les dépenses d’autres secteurs de la production, comme l’incroyable flambée des salaires des acteurs de premier plan. Les records au box office permettent pour l’instant de compenser cette augmentation et, en moyenne, les compagnies de production et de distribution font donc encore de l’argent, et tout semble donc bien aller.
Mais cet argent du box office, d’où provient-il, si depuis des années, la fréquentation moyenne en salle n’a pas augmenté (et même dans certains cas, diminuée) ? Elle vient en partie de l’augmentation des prix des billets, donc de la poche des cinéphiles. à titre d’exemple, au Canada, le prix moyen d’un billet de primeur dans des villes comme Montréal ou Vancouver est passé de 10 $ en 1999 à 13 $ en 2002.
L’autre partie vient de la poche des propriétaires de salles, puisque depuis quelques années, les pourcentages de recettes à remettre aux distributeurs sont de plus en plus élevés (voir «Sci-Néma: chapitre 10» dans Solaris 142 pour quelques détails et exemples du marché de la distribution). Les compagnies propriétaires de salles de cinéma ne peuvent donc pas espérer faire un sou sur leurs entrées. Elles en sont donc réduites à trouver toutes sortes d’autres moyens pour dégager un profit. Ça va du prix exorbitant du pop corn, des friandises et des boissons, auquel il faut ajouter les petits restaurants maintenant à la mode dans les grands complexes, sans oublier les arcades et autres bidules. Cette séparation entre la raison d’être d’une salle de cinéma – projeter des films – et sa source de revenus – bonbons et bébelles – déséquilibre et fragilise l’industrie. Un équilibre qui risque de se briser au moindre soubresaut du marché.
à ceux qui prétendent qu’il s’agit de grosses compagnies avec beaucoup de moyens, je réponds que Loews Cineplex qui détient Odeon est sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers depuis quelques années déjà. Famous Players en a profité, bien qu’elle doive sa survie à la grande part du marché canadien qu’elle occupe et au fait qu’elle est détenue par le puissant groupe Viacom (qui détient aussi Paramount Pictures, entre autres). On aura compris que, par ricochet, une partie des recettes des films de Paramount joués par Famous demeure dans le groupe et lui donne un avantage certain. Les initiés mentionneront que Sony/Columbia est aussi derrière Loews Cineplex. Mais justement : leur refus de réinjecter des fonds dans leur réseau de salle en dit long sur la santé financière de ce marché.
On pourrait citer les autres joueurs, que ce soit les gros joueurs locaux ou les multiplex détenus par quelques réseaux américains, mais dans tous les cas l’observation demeure la même : les salles ont de la difficulté à faire leurs frais et doivent compter sur des actionnaires qui réinjectent régulièrement des capitaux. Comme les salles tentent de faire de l’argent sur les produits accessoires et pour ce faire, ont besoin du plus de clients possibles, ils préfèrent investir dans ces gros films populaires, même si ces derniers leur coûtent plus cher. Mais les distributeurs ont le droit de regard sur toute copie du film qu’ils possèdent et ils décident où et quand le film jouera. Les exploitants doivent donc offrir le plus possible, et cette offre, c’est le pourcentage des recettes, calculé sur le prix d’entrée. Ceci crée une pression à la hausse sur les prix de billet, qui ont augmenté jusqu’à quatre fois (des hausses atteignant parfois 20 %) en moins de deux ans chez certains exploitants au pays. Cette tendance est dangereuse, car elle ne tient pas compte que la bonne volonté des spectateurs a une limite, et ces derniers risquent de déserter en masse les salles.
La deuxième piste à surveiller est l’évolution de la technologie numérique. Tourner en numérique et fournir les copies du film aux exploitants sur un support numérique plutôt que sur pellicule reviendra énormément moins cher pour les studios et distributeurs. La copie numérique coûte peu et ne pèse pratiquement rien, alors qu’une copie sur pellicule coûte de 3000 $ à 5000 $ et pèse environ 80 livres, ce qui est coûteux à expédier. Ces arguments sont suffisants pour que les distributeurs et studios fassent de plus en plus de pressions sur les propriétaires de salles pour qu’ils transforment leurs équipements. Donc qu’ils investissent. Mais pour le spectateur, le gain de qualité n’est pas suffisamment appréciable pour justifier encore une augmentation substantielle du billet. Et le système de projection actuel avec plateau fonctionne bien. Les exploitants sont méfiants face à cette nouvelle technologie. On ne parle plus ici d’ajouter ou modifier une composante à un système qui, sur le principe, n’a pas changé depuis un siècle ; on ne parle pas d’ajouter des hauts parleurs au plafond, ou d’autres perfectionnements de quelques dizaines de milliers de dollars. Passer au numérique coûte au moins un quart de millions de dollars par auditorium. Dans la situation financière actuelle du marché, aucun exploitant ne peut dire qu’il rentabilisera ce genre d’investissement. Mais le pouvoir étant entièrement aux mains des studios, la journée où ils décideront de ne sortir un film qu’en numérique, les cinémas qui n’auront pas fait le pas ne pourront carrément pas jouer le film. Ce n’est pas pour demain, mais ce n’est peut-être pour pas si loin que ça. Et le jour où ça se produira, ce sera sur un titre significatif, par exemple, StarWars Episode III, prévu pour mai 2005.
Finalement, la troisième tendance à surveiller, conséquence de la révolution numérique, est la popularité du DVD. Si les vidéocassettes du début des années 1980 n’ont pas tué le cinéma, elles lui ont porté un dur coup. En fait, elles ont complètement transformé l’industrie. Avant les clubs vidéo, les cinémas offraient principalement des programmes doubles constitués d’un film majeur et d’un film mineur (ou d’un film plus ancien en reprise). Pendant quelques semaines, sur un seul écran. Dans les grandes villes, le choix offert au public dépendait donc du nombre de cinémas en exploitation. Il n’était pas rare à cette époque qu’un film tienne l’affiche pendant plusieurs mois. Restons avec Georges Lucas pour nos exemples : son American Graffiti a tenu l’affiche pendant un an. Quand les clubs vidéos sont apparus, le cinéphile pouvait, à moindre prix, voir le film de son choix (ou presque) à volonté. Voilà le déclencheur principal de l’apparition des multiplexes tel que l’on les connaît maintenant. Les nouveaux cinémas doivent offrir plus de choix, et une plus grande qualité, d’où la popularité grandissante des innovations, au niveau de la sonorisation, notamment.
Les cassettes avaient plusieurs limites. Pas les DVD. La qualité de l’image et du son, pour peu que le cinéphile soit équipé moyennement, rivalise avec celle offerte par la plupart des cinémas – la grandeur de l’écran exceptée. Le DVD propose diverses versions, des extras, des documentaires, des commentaires, des composantes interactives et multimédias, etc. Cela fait une grosse différence pour motiver le public à acheter le film, plutôt qu’une simple location. Relativement peu d’amateurs constituaient une collection de films sur VHS; un bien plus grand nombre voudra posséder leur collection sur DVD. D’ailleurs, avez-vous remarqué à quel point les publicités des distributeurs lors de la sortie vidéo d’un film repose presque entièrement sur l’idée de posséder votre copie et non de la louer ?
Les conséquences de ce changement sont faciles à prévoir: plus les gens décideront d’acheter des DVD, plus ils se permettront d’attendre pour les films moins attendus, et moins ils iront au cinéma en salle. Aujourd’hui, il en coûte plus de 20 $ pour un couple pour voir un film en primeur dans une grande ville. Les DVD sont à peine plus cher que ça. Ne parlons même pas du coût du stationnement et de la gardienne d’enfant. Et vous possédez le film, les documentaires, et tout le tralala, à volonté, qualité impeccable. En moyenne, vous n’avez attendu que cinq mois après la sortie en salles. Mieux encore, la technologie évolue rapidement et les graveurs DVD s’en viennent, sans parler des sites Internet offrant déjà des films que vous pouvez télécharger…
Pour vous prouver l’importance de ce marché et de son évolution explosive: le film le plus populaire de ces dernières années au cinéma (Spider-Man) a empoché lors de son premier week-end d’exploitation en salle la somme record de 114 millions de dollars (US). Pour son premier week-end en vidéo, Sony/Columbia a vendu pour 190 millions de dollars (US) de Spider-Man en DVD. Et pour enfoncer ce clou, précisons que cette somme représente 90 millions de plus que les recettes des 10 films les plus populaires au cinéma ce même week-end! Pour les distributeurs, le marché, il est là. La distribution en salles doit presque être considérée comme une publicité pour faire parler du film avant de le mettre en vente, où le profit ce situe. Car un DVD, ça coûte 1000 fois moins cher à fabriquer qu’une copie de film en salle.
Pour conclure, ces trois tendances, bien qu’inquiétantes, semblent indiquer que dans le futur, le Cinéma (avec un grand C) sera encore bien en vie. Par contre, l’avenir semble plus sombre pour les cinémas (avec un petit c), qui ne seront plus là. D’ici dix ans, quelques grands centres de divertissement offriront encore des films en salles, mais les plus petits centres et les indépendants, soit auront complètement disparu du marché, soit survivront sans présenter de primeurs. [HM]
The Ring : Très efficace et rempli d’idées
C’est avec un grand plaisir que j’ai constaté que le scénario de The Ring était beaucoup moins prévisible que celui de la moyenne des films d’horreurs, et cela malgré une mise en situation typique des films de série B. Des gens reçoivent un petit film sur vidéo. Après l’avoir vu, ils reçoivent un coup de téléphone leur annonçant qu’ils vont mourir dans sept jours.
On dirait une idée de film slasher pour adolescents, mais elle est traitée ici de manière sérieuse. Après l’horrible décès d’une jeune fille, sa tante, qui est journaliste, entend parler d’une légende entourant l’existence de cette vidéo. Après avoir découvert que les autres jeunes qui l’auraient vue avec sa nièce sont tous décédés au même moment – soit sept jours après ce mystérieux visionnement – elle recherche la bande en question.
Film policier, film à suspense, The Ring joue sur les deux tableaux. La réalisation est brillante, les effets subtils, la musique dérangeante et les plans étranges. La finale réserve quelques agréables surprises par rapport aux films du genre – quelques détails demeurent d’ailleurs volontairement flous ou inexpliqués – offrant en chemin plusieurs idées originales. Une mention spéciale au courage du réalisateur, qui nous montre la vidéo dont il est question. Un risque qu’il a su relever parfaitement ici, les images de ce petit film sont dérangeantes, troublantes et demeurent longtemps (trop longtemps, brrr) dans votre tête après la projection.
Bref, en un mot comme en cent, si vous l’avez raté en salles, louez-le en compagnie de quelques amis ; frissons garantis. [HM]
Ghost Ship : à louer pour les soirées creuses
Steve Beck n’avait à son crédit, en tant que réalisateur, que le film Thirteen Ghosts. Avant cela, il avait été responsable des effets optiques sur Indiana Jones and the Last Crusade, The Abyss et The Hunt for Red October. De la part d’un réalisateur plutôt inconnu, responsable (j’allais dire «coupable») de Thirteen Ghosts, Ghost Ship s’avère une agréable surprise. Enfin… «agréable». La scène d’ouverture est l’une des plus gore qu’il m’ait été donné de voir, hormis dans les films de gore. (Vous me suivez ?)
L’équipage d’un remorqueur de renflouage est invité à aller regarder du côté d’un transatlantique à la dérive, qui s’avère être un paquebot italien disparu corps et biens en 1962 : encore à flot, mais vide d’équipage et de passagers (bien entendu). Une partie du mystère, c’est qu’il semble avoir été visité ces derniers mois, sinon ces dernières semaines car on y trouve des cadavres relativement frais.
Et des caisses d’or, pour lesquelles on semble s’être joyeusement entre-tués.
Et puis il y a la petite fille, désormais fantôme, témoin du massacre originel.
Je n’en dis pas plus ; le suspense est assez efficace. Les thèmes, sans être révolutionnaires (hantise, malédiction, vaisseau fantôme), sont bien exploités. Gabriel Byrne joue le capitaine du remorqueur ; à l’évidence il ne s’agit pas de son plus grand rôle en carrière, mais Byrne s’acquitte bien de sa tâche, au sein d’une distribution d’inconnus et de semi-inconnus (tels Desmond Harrington, qui a joué dans We Were Soldiers, et Julianna Margulies, qui est surtout connue pour son rôle dans la télésérie ER).
à louer pour les soirées creuses. [DS]
Lord of the Rings – The Two Towers : L’ombre des tours jumelles
Comme l’an dernier pour The Fellowship of the Ring, je ne sais par quel bout commencer cette critique des Two Towers. Mais l’an dernier c’était parce que je ne savais comment articuler mon enthousiasme en un texte cohérent, alors que cette année, c’est parce que le film de Jackson m’a laissé perplexe. J’aurais préféré le voir une deuxième fois avant de rédiger mon commentaire mais, échéance oblige, je me contenterai de livrer quelques impressions en vrac. Ces impressions pourraient être mitigées, voir contredites par un second visionnement, mais bon, ce n’est pas comme si les lecteurs de cette chronique attendaient notre opinion, à Hugues Morin ou à moi, avant de décider s’ils iront voir le deuxième Lord of the Rings. Tous les fans, ou même les simples amateurs, l’ont sans doute déjà vu ou l’ont inscrit à leur calendrier du congé des Fêtes. à l’inverse, ceux qui lèvent le nez sur le fantastique épique en général, et sur Tolkien en particulier, n’iront pas plus voir ce deuxième volet qu’ils ne sont allés voir le premier.
Je crois que les deux aspects qui m’ont le plus agacé dans The Two Towers sont l’américanisation du sous-texte du film, et les libertés que Jackson & cie ont prises avec le roman de Tolkien. Cette dernière critique est factuelle, la première est subjective, et donc plus difficile à étayer.
Par «américanisation», je veux évidemment dire «étatsunisation», mais on me permettra d’utiliser le terme plus courant. Par exemple, on dirait vraiment que des spécialistes hollywoodiens du dialogue sont passés par là et ont saupoudré le scénario de clichés, en particulier les pages concernant Arwen et Aragorn. Je paraphrase: «Ce qu’il y a de vrai, c’est nous.» Oh please !
Puis tous ces discours sur «le monde libre», «les peuples libres». Et puis l’attitude initiale des Ents (discours de neutralité face à la guerre, attitude que l’un des hobbits renversera par la ruse). Enfin, l’arrivée en renfort des Elfes venu mettre leurs arcs au service de Rohan, «c’est un honneur de nous joindre aux Hommes» (on pense au premier ministre Blair se faisant le chien de poche du président Bush)…
Bref, je n’ai pu m’empêcher de voir la grosse patte vulgaire des états-Unis post-Onze Septembre pesant sur Peter Jackson. On sait officiellement que certaines scènes et certains dialogues ont été tournés en 2002, alors que le tournage principal était terminé depuis plusieurs mois et qu’un premier montage avait probablement été fait (ici c’est moi qui formule la supposition).
La lecture post-11 Septembre du film est inévitable. Ce dont je ne puis être sûr, c’est si Jackson en a rajouté, ou a modifié sa vision d’origine (retouches aux dialogues, refonte du montage…) sous la pression plus ou moins subtile de ses bailleurs de fonds étatsuniens, Miramax et New Line.
Passons à la refonte de l’histoire par Peter Jackson. Dans le premier film, il s’agissait surtout de remaniements dans la chronologie du récit en faveur d’un montage alterné qui ne trahissait rien du roman de Tolkien, lui conférant le rythme qui lui manquait. Le même procédé a été employé dans The Two Towers, mais cette fois Jackson a ajouté des péripéties de son cru, certaines intéressantes (l’attaque des wargs sur les réfugiés de Rohan), d’autres parfaitement inutiles (la chute d’Aragorn dans une rivière et sa mort présumée), d’autres frisant la trahison de l’œuvre originelle (les archers elfes de Lothlorien venant se mettre au service du roi de Rohan). Pourtant Tolkien avait lui-même fourni aux assiégés de Helm’s Deep des renforts imprévus, à la dernière minute : les Huorns, que les animateurs numériques de Weta auraient su réaliser aussi habilement qu’ils ont incarné les Ents. De ces trahisons, deux au moins s’expliquent au plan dramatique : si Faramir s’empare de Frodo et de Sam pour les emmener à Minas Tirith, c’est afin qu’il soit témoin du pouvoir maléfique de l’Anneau lors du bref affrontement entre Sam et Frodo à Osgiliath. Et si le deuxième film se termine avant le deuxième tome de la trilogie, c’est sans doute parce que le troisième manque (relativement !) de matière pour qu’on en fasse un dernier film aussi substantiel que les premiers.
Autant le premier film était celui des hobbits, autant ce deuxième est celui d’Aragorn. L’histoire de Frodo et Sam, pourtant centrale, et surtout l’histoire de Merry et Pippin, en souffrent considérablement. Bon, on peut toujours espérer voir s’ajouter une demi-heure dans la version en DVD, comme ce fut le cas dans l’excellent coffret de Fellowship of the Ring ; les forêts de Fangorn et d’Ithilien y gagneront peut-être de la profondeur.
Dans le premier film, Jackson n’avait pas évoqué le pouvoir presque hypnotique de la voix de Saruman. Ce détail a été remplacé, dans ce deuxième film, par une possession (au sens diabolique), du roi Théoden par le Sorcier blanc.
Adressons un coup de griffe en passant à l’insupportable chanson finale d’Emiliana Torrini («qui ?»), et passons aux bons côtés du film. Car ils sont nombreux. Les scènes de bataille sont tout simplement étourdissantes tant elles fourmillent d’action, tant à l’échelle macroscopique qu’à l’échelle microscopique (rendant nécessaires un deuxième, voire un troisième visionnement). Les paysages néo-zélandais sont toujours aussi majestueux et surprenants, le cirque d’Isengard toujours aussi grandiose, les créations numériques toujours aussi parfaites, les scènes de chevauchée fort réussies, les décors toujours aussi impressionnants (la petite ville d’Edoras, entièrement construite en grandeur réelle)… La liste pourrait s’allonger. Osgiliath. Les oliphants! Les Ents en images de synthèse. La monture ailée du nazgûl!
Gollum/Smeagol à lui seul, soutenait un collègue qui avait vu le film avant moi, mériterait un Oscar, que se partageraient les animateurs numériques et l’acteur Andy Serkis qui jouait le personnage afin de leur fournir les points de repère requis. Le résultat est, en effet, pour le moins stupéfiant, particulièrement en ce qui a trait aux yeux et à la peau. Le jeu du personnage est un brin outré, en ce qui me concerne, mais bon, j’en vois la nécessité.
Une miette anecdotique, en terminant : deux des bambins de Rohan réfugiés dans les cavernes avec les femmes et les vieillards, incarnaient des petits hobbits écoutant le récit de Bilbo Baggins lors de la fête au début du premier film.
Puisqu’il faut arrêter, aussi bien s’interrompre ici : chacun se fera sa propre opinion devant le grand écran, et il n’est pas exclu que la mienne évolue au fil des visionnements. On a déjà hâte au DVD, prélude à la sortie du film final, et on souhaite pouvoir l’aimer sans réserve… [DS]
Harry Potter and the Chamber of Secret: Meilleur que le premier!
La moitié de ce que je reprochais à Harry Potter and The Philosopher’s Stone s’applique aussi au second volet de la série. Il faut avoir lu les livres pour pleinement apprécier ; certains personnages ne sont pas assez développés pour qu’on s’y attache vraiment ; la résolution de certains obstacles se fait un peu trop facilement, etc. Par contre, ce second opus des aventures du jeune magicien est nettement mieux réussi. Les effets spéciaux sont plus soignés, la réalisation est plus fluide, la direction photo est bien meilleure, le rythme est mieux dosé et l’histoire, plus sombre et moins enfantine, plaît plus à l’adulte que je suis (les jeunes s’en foutent ; ils adoreront les deux).
En bref, on peut dire que le premier volet était un bon petit film pour jeunes alors que Harry Potter and the Chamber of Secret s’avère un bon film tout court. Sa seule lacune, en réalité, est la disparition de l’effet de nouveauté. L’émerveillement de retrouver en chair et en os nos personnages préférés est beaucoup moins fort ; une note spéciale à Kenneth Brannagh, tout de même, qui compose un Gilderoy Lockhart parfait.
J’attends donc 2004 pour la sortie annoncée du troisième film. [HM]
Solaris : De la vraie bonne science-fiction.
Solaris, adapté du roman homonyme de Stanislas Lem, se déroule dans un futur indéterminé. L’histoire est centrée sur le psychologue Chris Kelvin, qui est envoyé sur une station spatiale orbitant autour de la planète Solaris pour découvrir pourquoi tout contact a été rompu avec les occupants. Mais à peine quelques heures après son arrivée, Kelvin se retrouve en présence de sa femme, morte quelques mois avant son départ. Et il ne s’agit pas d’un fantôme, elle est bien là en chair et en os…
On comparera facilement Solaris avec A.I. de Spielberg, ou avec le moins récent 2001, A Space Odyssey de Kubrick, car Solaris se veut un film d’idées, à la réalisation sobre et au rythme lent qui se concentre sur les personnages et leurs réactions face à l’inconnu et l’imprévisible. On reconnaît bien là un matériau littéraire et bien que le film de Soderberg s’éloigne passablement du roman, l’ensemble ne trahit pas réellement le souvenir que j’ai gardé du livre.
Quoique plus émotif et moins froidement intellectuel que 2001, Solaris garde sa part de mystère et ne répond pas à toutes les questions que l’on y pose. On ne saura jamais, par exemple, ce qu’est la planète Solaris, ni ce qu’elle veut, si jamais elle veut quoi que se soit, ou même si elle peut vouloir quelque chose. Le film n’a pas le côté parfois infantile de A.I. et s’adresse définitivement à un public adulte. On questionne la réalité, les frontières entre humains et nonhumains et toute l’éthique qui vient avec, avec une finale ambiguë ; bref, tout pour stimuler la réflexion chez le spectateur, réflexion qui perdure plusieurs heures après avoir quitté la salle. En fait, Solaris ressemble souvent plus à un poème qu’à un roman filmé, mais cette poésie cinématographique a le grand mérite de ne pas tomber dans le n’importe quoi sous prétexte de faire «songé».
Le film a reçu d’excellentes critiques mais un accueil très froid du grand public. Avouons-le, c’est un indice de qualité en SF, un genre très peu exploité sérieusement au cinéma. C’est certainement un des meilleurs films de SF de ces dernières années. [HM]
Star Trek: Nemesis : Le côté sombre de Star Trek.
Je tentais de me rappeler la date du dernier Star Trek, et celui-ci me semblait remonter à une éternité. Pour cause : l’insipide Insurrection (1998) ne m’avait pratiquement laissé aucun souvenir, ce qui me ramenait à First Contact, diffusé en 1996.
Nemesis devrait me rester en mémoire plus longtemps, même si l’opinion que j’en ai est plutôt mitigée. Bien que je ne l’aie pas vu dans l’une des nouvelles salles dotées de «sièges à sensations», le film semble avoir été tourné en fonction de ces sièges. Une fois passé le reposant intermède Solaris, revoici en SF les vaisseaux spatiaux qui grondent et les explosions tonitruantes dans l’espace. Côté action, le spectateur à droit, pour la première fois dans la série des films Star Trek, à une poursuite automobile (des tous-terrains dans le désert, pour être exact), et à des fusillades laser dans les couloirs des vaisseaux.
En fallait-il vraiment ?
En tout cas, on ne risque pas de s’endormir, malgré la noirceur. Car le film est sombre, et pas seulement parce que les Remans, frères ennemis des Romulans (Romulus et Remus, vous suivez ?) sont nyctalopes. L’Enterprise, dans son énième incarnation, n’est plus blanc mais gris métallique, évoquant davantage un char d’assaut anguleux qu’une nef de la paix. Influence guerrière de l’ère Bush, de la même façon que la série Enterprise est devenue, sans aucune vergogne, aussi étatsunienne qu’une série télévisée des années cinquante ? D’ailleurs, deux ou trois épisodes du film annoncent clairement des jeux vidéo.
Ah oui, l’histoire, j’allais oublier… Eh bien, l’Empire Romulan a maille à partir avec la planète-sœur de la planète-mère (si vous me suivez). Remus, peuplée d’une race asservie (et laide) se révolte contre Romulus, sous le leadership du préteur Shinzon, qui ne fait pas dans la dentelle (il extermine le sénat au complet avec une bioradiation dont il compte ensuite menacer la Terre elle-même). C’est que Shinzon n’est ni Romulan ni Reman, il est humain et, qui plus est, clone du capitaine Jean-Luc Picard, dont on avait jadis prélevé une cellule avec l’idée de le remplacer subrepticement à la tête de l’Enterprise. S’ensuit un long duel entre le père et le «fils» tandis que deux sous-intrigues concernant l’une Data et l’autre Deanna Troi (en voyage de noces avec son époux le commandant Will Riker) font avancer l’intrigue principale. Les vaisseaux eux-mêmes, la nef guerrière Scimitar et l’Enterprise, sont des personnages de plein droit, et l’esthétique est intéressante (Shinzon lui-même semble échappé de la série Hellraiser — je parle ici des Cénobites de Clive Barker).
Lorsqu’on se met à réfléchir au scénario, et si l’on se remémore la bande-annonce, on se rend compte que certaines scènes sont restées sur le plancher de la salle de montage. Par exemple, Picard embrassant Beverley Crusher dans ce qui semblait bien être une scène d’amour. Ou encore le fait qu’un acteur (Steven Culp) figure au générique et parmi les citations sur le site IMDb, alors qu’on ne le voit jamais dans le film (pour mémoire, c’est lui qui incarnait Robert Kennedy dans l’excellent Thirteen Days). Pour quiconque a suivi Nemesis avec un regard quelque peu analytique, ces lacunes laissent un sentiment d’insatisfaction.
Toutefois, si la série des Next Generation devait se terminer avec cet épisode, ce serait une meilleure fin que celle, pitoyable, qu’a connue la première série des films Star Trek. [DS]
S1m0ne: Classique en puissance
Apparu et disparu en salles au moins d’août dernier, le film S1m0ne a été une déception au box office. Considérant le calibre des gens impliqués (Al Pacino, tiens…) on se serait attendu à mieux. Mais les amateurs de films de SF savent depuis longtemps qu’il est difficile de combiner un succès financier à succès critique. Les rares personnes qui on vu S1m0ne au cinéma peuvent témoigner que le film est à ranger à côté de Gattaca et Dark City comme film-culte en devenir qui n’a su rejoindre le grand public. Le rapport avec Gattaca n’est pas fortuit, puisque S1m0ne a été réalisé et écrit par Andrew Niccol, le scénariste non seulement de Gattaca, mais de The Truman Show.
Classique en puissance, il est à espérer qu