Sci-Néma 146
Chapitre 15: Peu de sexe, mais beaucoup de «x»
par Daniel SERNINE et Christian SAUVé
Exclusif au Volet en ligne (Adobe Acrobat, 955Ko) de Solaris 146, été 2003
Matrix overloaded
Les frères Wachowski ont toujours soutenu avoir conçu The Matrix comme une trilogie, exactement comme George Lucas prétendait avoir conçu avec Star Wars une trilogie de trilogies. On reste néanmoins perplexe tant les perspectives ont changé. Dans le premier film, Morpheus avait quelque chose d’un prophète ; dans le deuxième, il n’est qu’un parmi plusieurs capitaines subordonnés à un commandeur, lui-même aux ordres d’un Conseil. Le vaillant Nabuchodonosor avait toutes les allures d’un unique et dernier vaisseau; il fait désormais partie d’une flotte. Son équipage appartenait à un réseau de résistance souterraine qu’on croyait marginal et qui s’avère être une population d’un quart de million, habitant une vaste cité minière.
Bref, Matrix Reloaded, c’est vraiment «more of the same», ou plus précisément «more of not quite the same». Plus de copies de l’agent Thompson, beaucoup plus de copies de l’agent Smith (le toujours suave Hugo Weaving), plus de batailles, qui durent chacune plus longtemps. Si le combat d’entraînement dans le dojo entre Morpheus et Neo, dans le premier film, avait pu paraître inutilement long, que dire des affrontements dans celui-ci ? Ils auraient tous gagné à être raccourcis ; certains sont carrément superflus, comme celui où le dénommé Seraph tient à «tester» Neo avant de le mener à l’Oracle. Ou encore cette visite chez le «Mérovingien», qui fera tant plaisir aux nombreux gallophobes états-uniens.
J’essaie de me remémorer la substance des longs dialogues, afin de résumer un peu l’histoire, mais tout ce qui m’est resté en tête c’est ce flot incessant de combats, le plus spectaculaire étant évidemment celui qui accompagne la poursuite sur l’autoroute – poursuite qui elle aussi roule quelques kilomètres de trop.
En gros, on apprend (au bout de deux heures) que l’Architecte (apparemment humain) de la Matrice avait prévu et même planifié des formes de dissidence ou de résistance, qu’il y en a eu six jusqu’ici, et que la rébellion menée par Morpheus et Neo n’est que l’un de ces sursauts attendus. L’Oracle s’avère un programme, le messianique Neo est monitoré depuis son «enfance» – de là à supposer que Keanu Reeves incarne lui-même un programme, à son propre insu, il n’y a qu’un pas que franchira aisément l’amateur assez vieux pour avoir fait de Blade Runner un de ses classiques (la version du réalisateur, s’entend, celle fidèle au roman de Dick).
Où vont Andy et Larry Wachowski avec tout ça ? Eux seuls le savent et les spectateurs s’en doutent, mais j’estime qu’ils auraient pu y arriver dès ce second volet, et s’en tenir à cela. La courte bande-annonce dissimulée tout au bout du générique final ne nous en apprend guère sur Matrix Revolutions, si ce n’est que les nombreux clones de l’agent Smith trouveront préférable de laisser leur original affronter Neo en combat singulier plutôt que d’aller se faire boxer un par un.
Bien entendu, nous serons tous au rendez-vous en novembre pour voir le troisième film… [DS]
Matrix et Animatrix
Première constatation : Matrix Reloaded n’est qu’un film. Bien qu’il soit tentant de débattre pendant des heures de la signification de chaque ligne de code… oups ! de dialogue… et de parcourir des tomes de mythologie et de philosophie pour déverrouiller les secrets de ce deuxième volet, gardons à l’esprit que The Matrix Reloaded représente deux heures et demie de divertissement, pas de religion. Il est possible de le critiquer sans être taxé d’hérétique.
Deuxième constatation : les frères Wachowski s’attaquent à ce deuxième film avec beaucoup plus de moyens qu’ils en avaient à leur disposition pour le premier. Oubliez le cadre restreint de The Matrix: on assiste finalement au déploiement de l’univers qui n’était qu’esquissé jusque-là. On visite Zion, on rencontre beaucoup d’autres «vrais humains» et l’on prend conscience de l’ampleur du mouvement de la résistance humaine. Comme dans un roman de série, le film passe son premier tiers à expliquer ce qui s’est passé depuis les événements de l’épisode précédent. Il faut être patient : le début de Matrix Reloaded ne prépare pas seulement le terrain pour un film, mais pour deux, car le troisième tome, The Matrix Revolutions, sera distribué en novembre.
Troisième constatation: si on peut admirer la qualité des images, le manque de concision dilue un peu le propos. La séquence du rave, par exemple, est bourrée d’images saisissantes, mais un montage judicieux aurait pu en renforcer l’impact. Peu importe ; pour les branchés à la Matrice, trop est bien préférable à pas assez, et il y a un malin plaisir à voir les concepteurs inclure dans ce film de plus en plus de références à d’autres œuvres. Certaines indulgences, comme les robots géants et les combats excessifs, deviennent sympathiques dans le contexte. Ou encore, l’affrontement ««gratuit» entre Neo et Seraph est un magnifique clin d’œil aux films de kung-fu dont s’inspire la trilogie.
Quatrième constat: la véritable raison d’être de Matrix Reloaded demeure les scènes d’action. Si la longueur du combat où Neo affronte une centaine d’agents Smith est difficilement excusable (lorsque Neo s’envole à la fin, les Smiths ne sont pas les seuls à se demander pourquoi il ne l’a pas fait plus tôt), la malléabilité spatiotemporelle de cette séquence sera séminale. Pour la première fois, le cinéma a les moyens de battre la bande dessinée à son propre jeu, celui des images impossibles. Cette cinématographie virtuelle est déployée à nouveau durant l’autre pièce d’anthologie du film, une poursuite automobile fantastique de plus de dix minutes. Les amateurs de réalisme peuvent toujours préférer les poursuites de Ronin, mais pour les autres, Matrix Reloaded vient de réinventer la norme à laquelle tous les films d’action devront maintenant se référer.
Cinquième constat: malgré toutes nos réserves, il faut comparer The Matrix Reloaded aux autres films de 2003. L’impact mythique du premier film original ne peut être recréé, soit, mais il n’en demeure pas moins que c’est un film réalisé avec soin et un budget qui défie l’imagination. S’il est indéniable que les frères Wachowski sont souvent plus prétentieux qu’ils n’ont droit de l’être, il est impossible de nier que la série Matrix fait preuve d’une réelle ambition intellectuelle que l’on ne retrouve rarement en SF cinématographique.
La Seule Conclusion : The Matrix Reloaded peut mener à l’adoration inconditionnelle ou à la déception amère, selon les attentes. Mais c’est surtout une superproduction qui en donne pour son argent, bien plus sophistiquée que ses compétitrices au box office, bourrée d’images à couper le souffle; bref, c’est un film qui plane loin au-dessus de la compétition.
Mais ce n’est pas tout. L’univers de la série Matrix est baigné par un fleuve d’influences diverses : en amont, des décennies de bandes dessinées, de films d’action et d’histoires de science-fiction ; et en aval, des douzaines de produits dérivés conçus pour profiter du fanatisme des amateurs de ce qui est devenu une franchise pour Warner Brothers. C’est dans ce contexte qu’arrive The Animatrix, une anthologie de neuf courts-métrages d’animation «à la japonaise» inspiré par The Matrix. S’agit-il d’une autre tentative pour soutirer de l’argent aux amateurs de la série, ou bien d’un hommage aux artistes qui ont tant contribué à l’imaginaire de la trilogie ?
Pourquoi pas les deux ? L’aspect mercantile de l’entreprise n’échappera à personne. The Animatrix fait partie d’une offensive commerciale qui comprend les sorties synchronisées d’un film, d’une bande sonore, d’un jeu vidéo et de douzaines d’autres produits associés. Oui, c’est un produit conçu pour enrichir les coffres de la Warner. Mais être trop cynique pourrait nous empêcher de voir la véritable valeur de ce qui nous est offert ici. Autant les frères Wachowskis ont su profiter de l’imaginaire du dessin animé japonais (anime), autant il est fascinant de penser qu’ils pourraient contribuer financièrement au développement de nouveaux projets.
Disons tout de suite que seulement quatre des neuf courts métrages ont été écrits par les frères Wachowskis et peuvent être considérées comme des ajouts officiels à la mythologie de l’univers Matrix. Ainsi, «Final Flight of the Osiris» présente des événements qui précèdent directement The Matrix Reloaded. Le duo «The Second Renaissance» explore l’affrontement historique entre machines et humains, ces derniers ne sortant pas particulièrement anoblis de cette rétrospective. Bourrée de symbolisme accessible, d’allusions historiques et d’images choc, cette pièce représenta sans doute le moment fort de toute la collection. Finalement, «Kid’s Story» s’intéresse à un des personnages mineurs du deuxième film, une histoire à la Waking Life qui peut être interprété comme une apologie du suicide adolescent.
Ce qui nous amène à une précision importante : The Animatrix s’adresse à un auditoire averti. Comme de nombreuses productions d’anime, ce n’est pas un film pour enfants. Au-delà de la violence et d’un brin d’érotisme, la majorité de ces courts métrages se soldent par des pertes significatives pour les protagonistes. Même la pièce la plus inoffensive de la collection («Beyond», où des enfants découvrent une maison hantée qui n’est qu’une erreur dans la matrice) se termine par la «correction» d’une aire de jeu merveilleuse.
Le style visuel des segments est plaisamment varié, de l’abstraction à gros traits de «World Record», au réalisme quasi photographique de «Final Flight of the Osiris». Certains segments sont classiquement anime («Program»), mais d’autres détonnent: «A Detective’s Story», très noir, ou «Matriculated» dont le psychédélisme délirant est une véritable merveille d’originalité. Hélas, un court métrage est… court, ce qui limite la complexité des intrigues. C’est particulièrement malheureux dans le cas de «A Detective’s Story». De plus, The Animatrix souffre des contraintes habituelles des produits dérivés : ils ne peuvent échapper à une répétition des concepts, et être limités par l’obligatoire de s’aligner à l’imaginaire des deux films.
Nénamoins, pour les amateurs d’anime, The Animatrix sera un cadeau apprécié, une véritable anthologie de créateurs reconnus apportant leurs talents au service de l’univers Matrix. Pour les autres, ce sera une découverte de cette forme d’art, avec ses forces et faiblesses. Le DVD nous en donne pour notre argent : plus de deux heures de making of, un segment expliquant ce qu’est l’anime aux spectateurs qui ne sont pas familiers avec ce genre, des commentaires audio de certains réalisateurs et des doublages en japonais, anglais et français. [CS]
Cœur de feu
On ne peut pas dire que le réalisateur d’origine anglaise Jon Amiel nous inonde de ses productions. Sa dernière œuvre diffusée fut Entrapment (1999), avec Sean Connery et Catherine Zeta-Jones. Avec The Core, Amiel s’est aventuré dans une science-fiction, ma foi, fort honnête, quoi qu’en ait dit l’équipe de l’émission scientifique radiophonique Les Années-lumière qui, de temps à autre, délaisse sa conception plutôt singulière de la science pour s’attacher à descendre un film de SF en démontrant tout ce qui «n’est pas possible», exercice aussi oiseux que de soumettre à l’examen d’un psychologue clinicien un téléroman tel Virginie afin de déterminer si tout ce qui s’y passe est vraisemblable.
Convenons donc que, non, ce n’est pas «possible» de descendre dans le cœur en fusion de la Terre, ni de remettre en marche, avec quelques explosions nucléaires bien calculées, sa rotation qui se serait arrêtée.
Le film commence lorsque divers incidents (tel le vol erratique de pigeons d’assaut et le dérèglement des systèmes de navigation aérienne) font conclure au jeune professeur de géologie Joshua Keyes que le champ magnétique de la Terre est en train de fluctuer, voire de disparaître. La cause probable : le cœur de fer de notre planète a ralenti sa rotation. Avec la disparition du champ magnétique qui nous isole des radiations du vent solaire, toute vie terrestre sera soumise aux conditions plutôt néfastes d’un four à micro-ondes à l’échelle planétaire, sans compter la multiplication de super-orages électriques et autres désagréments d’envergure.
Pendant que les premières manifestations de ces perturbations se produisent ici et là à l’échelle locale, Keyes (Aaron Eckhart, qui l’an dernier a joué un rôle plus intéressant face à Gwyneth Paltrow dans Possession) est recruté pour faire partie d’un équipage avec son rival, l’opportuniste et fat docteur Zimsky, sous l’autorité d’une pilote de navette incarnée par Hilary Swank (Insomnia, Boys Don’t Cry).
Le vaisseau, fait d’un alliage plaisamment surnommé «unobtainium», qui convertit en énergie la pression et la chaleur qu’il subit, évoque une chenille articulée capable de se délester de ses divers compartiments – un truc que les scénaristes ne se sont pas privés d’exploiter, de manière plutôt prévisible.
The Core est un film divertissant, voire même un très bon exercice de suspension d’incrédulité, une forme d’entraînement toujours salutaire pour nous, amateurs de science-fiction (avez-vous fait vos suspensions d’incrédulité cette semaine ?). Si l’insupportable Armageddon vous avait fait jurer de ne plus jamais voir un film de catastrophe planétaire, prenez le risque de louer celui-ci ; je ne promets rien, mais cela pourrait vous réconcilier avec le genre. [DS]
On voudrait être critique à l’égard de The Core, mais c’est difficile. Cette mise à jour des films catastrophe SF à la Independance Day possède un certain charme, peu importe si ce charme s’apparente plus à celui des nouvelles de hard SF légèrement ridicules des années 1950.
Voyons voir : un scientifique viril à la gueule carrée (Aaron Echkart, en géologue), une jolie fille rousse ultra compétente (Hilary Swank), un péril exotique, un scientifique excentrique (Delroy Lindro) qui détient la solution technologique (une machine capable de pénétrer la croûte terrestre), un plan désespéré (construire tout l’équipement nécessaire en quelques mois !) et maintes péripéties en cours de route… Oui, tout y est.
Mais au-delà de ces éléments, c’est l’attitude qui prime. Dans The Core, aucun recours au mysticisme ou à la violence. Tous les problèmes sont de nature technique et peuvent être résolus à condition d’y réfléchir assez. Les personnages triomphent parce qu’ils se servent de leur cerveau ; c’est grâce à la réflexion et au travail acharné qu’ils trouvent les solutions qui feront taire les débats idéologiques ou les conflits de personnalité. Même les dialogues coupés secs et les scènes un peu ridicules (à un moment, le héros carbonise une pêche avec du fixatif à cheveux pour illustrer le sort éventuel de la Terre) sont à leur place dans un récit où les concepts sont plus importants que les personnages, ce qui n’empêche pas les scientifiques d’être attachants. Le scénariste est manifestement quelqu’un de sympathique à la Cause SF ; il savait ce qu’il faisait. On ne peut pas toujours en dire autant du réalisateur et des spécialistes en effets spéciaux. S’il est possible, à la rigueur, d’accepter qu’un ouragan électrique endommage le Colisée de Rome, on ne comprend pas trop le mécanisme qui le fait exploser. Ces incohérences ne sont pas seulement de nature scientifique : au début du film, un plan montre une navette spatiale survolant de près un stade de baseball, suivi d’un autre où la navette est à des centaines de mètres dans les airs. Hum !
Il est donc possible que l’auditoire qui ne connaît pas ses lettres en SF soit moins indulgent envers The Core et qu’il soit agacé par certaines des péripéties les plus ridicules (l’épisode de la géode) ou des raccourcis narratifs les plus évident (le voyage du retour). Ceux qui considèrent la SF comme une littérature pour adolescents attardés trouveront ici amplement d’éléments pour renforcer leurs préjugés. Mais il faut profiter de ce que l’on a. The Core sera sans doute rangé sur la même tablette que Deep Impact, Armageddonou bien Volcano, mais il possède un charme propre à la SF que ces films n’ont pas.
Une note finale. Voir les villes de San Francisco et Rome à demie détruites est étrangement réconfortant, car c’est le signe que depuis la destruction du World Trade Center il est de nouveau permis d’utiliser des images de villes détruites dans un contexte fictif. Hélas, l’actualité continue de s’imposer à la fiction. Ainsi, entre la fin du tournage et la parution en salle, l’écrasement d’une navette spatiale ou le sacrifice d’un astronaute français sont des éléments qui font grincer des dents… [CS]
Le droit à la différence
Venant d’un pays où le conformisme et l’unanimisme ont atteint des niveaux jamais vu depuis McCarthy, et venant d’un New-yorkais de naissance, le message du film X2 surprend agréablement. Surtout que le président qui passe près de se faire poignarder la face au début du film évoque indéniablement le chimpanzé cravaté actuellement en poste à la Maison-Blanche.
Je ne raffole pas des super-héros en général ; c’est seulement au cinéma que certains d’entre eux trouvent grâce à mes yeux, en particulier les deux Batman de Tim Burton. Pour tout vous dire, j’avais failli m’endormir durant la projection de Spider Man. Pour terminer mes aveux, disons que je ne rappelle pas grand-chose du premier X-Men, hormis que la statue de la Liberté était mise à contribution et que Magneto se retrouvait dans une prison de verre et de plastique. C’est d’ailleurs là que le personnage incarné par sir Ian McKellen reçoit les visites du sinistre William Stryker (joué par l’excellent Brian Cox, qu’on ne remarque pas assez souvent). Stryker, lui-même père d’un mutant dont il a fait une épave muette et paraplégique, a juré l’extermination des mutants, espèce fort nombreuse et dont le seul point commun est d’avoir une différence, une singularité. Tout au long du film, des allusions sont faites à diverses formes de marginalité (race, condition physique, délinquance, orientation sexuelle – «have you tried not being a mutant» est l’une des répliques les plus savoureuses du film, qui a ses moments d’humour).
Certains de ces mutants, des surdoués, vivent sous le toit du professeur Charles Xavier, dans un collège privé où les troupes de choc du colonel Stryker débarquent une nuit pour mettre le grappin sur Cerebro, un super-ordinateur permettant la localisation de tous les mutants de la Terre et le contact télépathique avec eux. Diverses sous-intrigues s’entre-tissent, conférant un peu d’étoffe aux divers super-héros (qui ont déjà de la couleur, du moins certains d’entre eux, notamment les très bleus Nightcrawler et Mystique).
Les spectateurs doués d’une meilleure mémoire que moi, ou qui sont plus intéressés, démêleront sans peine, dès les premières minutes, les diverses identités de cette brigade bigarrée. Pour ma part j’avoue avoir mis un bon moment à me rappeler qui avait quels pouvoirs (et aussi, qui aimait qui, et à quels risques). C’est un peu comme démêler les rôles dans The Usual Suspects du même Bryan Singer, tiens.
Si mes commentaires laissent transparaître une certaine tiédeur, je devrais essayer de la dissiper. En soulignant par exemple que X2 transcende de manière satisfaisante la dichotomie bons/méchants, que le rôle de Magneto est plus substantiel que celui de Xavier (le pauvre Patrick Stewart est à peu près limité à un rôle muet, assis dans son fauteuil roulant, tandis que le directeur photo teste divers éclairages sur son crâne luisant). Ceux et celles qui aiment les fins ouvertes aimeront celle de X2: elle ne plongera personne dans un état de frustration aiguë (comme celle de The Matrix Reloaded) tout en laissant carte blanche pour un troisième film (où manifestement le jeune Pyro mettra sa fougue au service de son nouveau mentor Eric Lensherr – oups !). [DS]
Dreamcatcher
Des adaptations cinématographiques des œuvres de Stephen King, il y en a eu des bonnes et des mauvaises. Même si Dreamcatcher tombe dans la deuxième catégorie, sa plus grande réussite est de nous faire hésiter un moment avant de nous prononcer. Car Lawrence Kasdan, réalisateur de talent, parvient presque à faire oublier qu’il s’agit là d’un film basé sur un scénario délirant.
Déjà que le roman d’origine s’approche de l’autoparodie. Quatre jeunes hommes aux pouvoirs surnaturels se retrouvent pour des vacances en forêt. Mais voilà que des extraterrestres choisissent ce moment (et ce lieu) pour envahir la Terre. L’intervention de l’armée pour tenter de contenir la contagion n’étant pas complètement couronnée de succès, il reviendra aux quatre amis de stopper l’invasion à l’aide de leurs propres talents bien particuliers. On dirait un auteur débutant qui aurait (mal) imité Stephen King.
Ajoutons aux lacunes de l’œuvre originale des faiblesses propres à l’adaptation. Les résonances symboliques que King peut développer sur huit cents pages ne fonctionnent pas à l’écran. Quelquefois, comme durant une scène où un personnage utilise un revolver comme un téléphone psychique, il est difficile de retenir des ricanements étonnés. Même chose avec les antagonistes, qu’il s’agisse d’extraterrestres plutôt stupides (vingt ans d’invasions, un atterrissage accidentel et ils décident subitement de contaminer la planète ?) ou d’un militaire bien sadique (Morgan Freeman) qui ressemble plus à une caricature tirée des X-Files que d’un véritable personnage. La finale du roman a été remplacée par une conclusion bâclée qui laisse bouche bée, et ce dans le pire sens du terme. Et passons sur la fascination du scénario pour tout ce qui se passe en dessous de la ceinture, surtout lorsque ça implique des intrusions extraterrestres…
Le résultat fait penser à un accident d’automobile ; spectaculaire et horrible mais si fascinant qu’on ne peut détacher le regard. Il y a quantité de mauvais films à chaque année, mais peu sont aussi passionnants que Dreamcatcher, sans doute grâce à la qualité de la réalisation, qui semble à peine reconnaître le caractère démentiel du matériel d’origine. Voilà pourquoi on hésitera momentanément à classer Dreamcatcher au rang des déceptions ; je dirais plutôt qu’il s’agit du meilleur mauvais film basé sur une œuvre de King, si on me permet l’expression. [CS]
Mise à jour: Juillet 2003 –