Sci-Néma 172
Christian SAUVé [CS]
Exclusif au Volet en ligne (Adobe Acrobat, 2.38Mo) de Solaris 172, Automne 2009
District 9
Que ceux qui craignaient de voir le cinéma de science-fiction s’enliser dans les remakes et les suites interminables se rassurent: District 9 [vf] est une bouffée d’air frais, un film de SF qui combine profondeur et action, allusions historiques et robots géants. Contrairement aux Transformers et autres Terminators qui ont récolté les recettes de la saison estivale 2009 avant de disparaître sans laisser de souvenirs impérissables (ni même cohérents), District 9 démontre avec éloquence qu’un peu d’originalité peut accomplir beaucoup.
Sous la gouverne de Neill Blomkamp, un natif sud-africain œuvrant maintenant au Canada, District 9 se déroule dans un univers parallèle où un vaisseau extraterrestre est apparu au-dessus de Johannesburg vingt ans plus tôt. Contrairement aux attentes des férus de SF, ce «premier contact» n’a rien eu de marquant. Le vaisseau n’a livré aucun secret révolutionnaire, et les extraterrestres qui étaient à bord se sont avéré n’être que des drones sans grande intelligence. Les nombreuses armes extraterrestres sont inertes en mains terriennes. Ces indolents réfugiés sont finalement logés dans des ghettos qui ne sont pas sans rappeler ceux qui existaient au plus fort du régime de l’Apartheid.
Tout cela est de l’histoire ancienne lorsqu’une entreprise reçoit le mandat de relocaliser la population du District 9 plus loin de la grande ville. Une introduction sous forme de documentaire (une approche que Blomkamp abandonne après quelques minutes) nous présente l’improbable héros du film: un fonctionnaire naïf nommé Wikus Van De Merwe, responsable de l’expropriation des extraterrestres.
C’est lors d’une de ces expropriations qu’il est victime d’un produit mutagène qui (alerte au cliché!) commence à le transformer de l’intérieur. Pourchassé par l’entreprise qui voit en lui une façon de découvrir comment faire fonctionner les armes activées par le code génétique extraterrestre, le pauvre Wikus se voit forcé de se terrer en plein ghetto et de s’allier à un extraterrestre plus astucieux que les autres.
District 9 n’est pas sans faiblesses. Les clichés simplificateurs abondent, les idées abandonnent progressivement la place à l’action, et certains éléments sont tout à fait prévisibles. Mais même lorsque le film couvre du terrain familier, l’arrière-plan est suffisamment neuf pour retenir l’attention. Les paysages sud-africains sont inusités, le protagoniste est un fonctionnaire qui n’a rien d’un héros, et certaines scènes d’action frappent l’imaginaire. à travers la foule de robots géants qui a investi le cinéma pendant l’été 2009, c’est l’exosquelette malmené de District 9 qui laisse la meilleure impression.
Authentique œuvre de science-fiction qui réussit à combiner la réflexion sérieuse et le divertissement, District 9 signale surtout l’arrivée d’un nouveau réalisateur à surveiller. Qui sait sur quoi Blomkamp travaille maintenant? [CS]
Moon
Moon [voa] est une rareté à plus d’un égard. Film à très faible budget aux allures de science-fiction classique des années 70, c’est une œuvre aussi admirable que frustrante qui risque de plaire plus clairement aux critiques généralistes qu’aux habitués de Solaris.
Le concept est minimaliste. Presque toute l’action se déroule dans les couloirs exigus d’une station lunaire où un seul employé est chargé de superviser l’extraction d’un produit essentiel aux besoins énergétiques de la Terre. Cet employé, Sam Bell (Sam Rockwell), est à la fin de son contrat de trois ans et attend avec impatience son retour sur Terre et ses retrouvailles avec sa femme et sa fille. Les communications étant déréglées depuis un moment, seule l’intelligence artificielle de la base (GERRY, vocalisée par Kevin Spacey) lui tient compagnie. Mais quand un accident dérègle le fonctionnement des opérations, Sam découvre l’horrible vérité de sa situation…
Malgré un budget minuscule (environ cinq millions de dollars, dit-on), Moon est visuellement convaincant. La machinerie qui entoure Bell rappelle l’esthétique techno-industrielle de la SF des années 70 (Silent Rising, Outland, Alien, voir même Space 1999), et les décors sobres sont aux antipodes des spectacles pyrotechniques désormais associés à la SF chez le cinéphile moyen. Le rythme lent et posé de l’intrigue, qui dévoile son grand retournement assez tôt pour permettre d’en explorer les ramifications, renforce l’impression qu’il s’agit d’un film qui vise à être pris au sérieux.
C’est là le problème. Personne ne pensera à critiquer l’exactitude scientifique d’un pur divertissement comme Star Wars, par exemple, mais l’amateur de SF rigoureuse à qui on semble s’adresser voudra évaluer Moon selon les critères de la hard science fiction écrite et risque d’examiner de près son fonctionnement. Dès que l’on se rend compte que le protagoniste est apparemment sous gravité terrestre et qu’il communique sans délai de transmission avec la Terre, les prétentions d’exactitude scientifique du film deviennent difficiles à prendre sérieusement, et c’est sans parler du non-sens économique qui consiste à aller chercher de l’Hélium-3 sur la Lune. Une intelligence artificielle incarnée dans une machine mobile semble tout à fait rétrograde aujourd’hui, alors qu’il serait beaucoup plus efficace (surtout pour les employeurs qui surveillent Bell) d’intégrer l’intelligence artificielle à la base elle-même… En fait, Moon est le genre de film auquel il ne faut pas trop réfléchir, car chaque question soulève une nouvelle invraisemblance et toute l’histoire se révèle être du toc.
Ceci dit, on avouera tout de même que Moon opère sur un plan science-fictif nettement plus sophistiqué que la plupart de ses semblables, qui convaincra sans doute les critiques généralistes pas trop au fait de l’évolution technologique des vingt dernières années. Il serait impensable de ne pas recommander à nos lecteurs un des films de SF les plus singuliers, voire même remarquables, depuis Contact ou Primer. [CS]
The Surrogates
Ceux qui ont vu I, Robot savent à peu près à quoi s’attendre de The Surrogates [Clones]: c’est un film d’action dans un décor futuriste où un policier affronte les créations omniprésentes de James Cromwell afin de sauver l’humanité. L’action a beau mettre en vedette Bruce Willis à Boston plutôt que Will Smith à Chicago, les deux films semblent faire écho l’un à l’autre.
Ici, les robots sont en fait des «substituts», des androïdes de télé-présence utilisés par la vaste majorité de la population. Les conséquences d’une telle désincarnation sont profondes. Des métiers dangereux ne le sont plus vraiment, la beauté est maintenant à la portée de tous, et l’hédonisme n’a jamais été moins risqué. Mais alors que le film commence, quelqu’un a trouvé le moyen de tuer des téléopérateurs à travers leur substitut. Heureusement que Bruce Willis est chargé de l’affaire… jusqu’à ce qu’un incident détruise son substitut et l’amène physiquement dans les rues de Boston pour la première fois depuis des années.
Adapté d’une bande dessinée rédigée par Robert Venditti, The Surrogates a changé beaucoup de détails de l’œuvre originale (qui se déroule à Atlanta plutôt qu’à Boston, par exemple) mais respecte malheureusement le manque d’ambition intellectuelle de sa source. La réflexion sur les conséquences d’une adoption quasi universelle des substituts reste assez timide. Par exemple, dans un univers saturé de substituts, a-t-on vraiment besoin d’automobiles? Qui aurait vraiment les moyens de se payer une telle technologie? N’existerait-il pas un éventail d’utilisateurs, allant du toujours-branché à celui qui n’utilise un substitut qu’en cas d’urgence? Pire encore: The Surrogates ne s’embarrasse pas de subtilité en partageant ceux qui utilisent des substituts (les gens normaux) et ceux qui s’en abstiennent (des fondamentalistes religieux et des imbéciles violents). Quelle tristesse de voir une prémisse si riche en possibilités être réduite au manichéisme le plus primaire… et cela bien avant d’en arriver à un moment crucial ou le héros peut appuyer sur un bouton pour sauver des milliards d’humains d’un coup.
Si l’on s’abstient d’analyser le substrat SF de The Surrogates pour se concentrer sur sa valeur en tant que film d’action, la réalisation de Jonathan Mostow devient tout à fait convenable. Le rythme est bon, les acteurs font leur travail, il y a des bonnes scènes ici et là. On aurait souhaité un montage moins chaotique, mais c’est dans l’air du temps et The Surrogates n’est pas pire que les autres films d’action du moment sur ce point précis. Ce n’est pas un mauvais film, mais c’est le genre de production qui montre assez clairement les limites d’Hollywood lorsque vient le moment de livrer un film de SF à grand déploiement. [CS]
Harry Potter and the Half-Blood Prince
La série Harry Potter fut un phénomène sous forme écrite, et semble en voie de laisser une marque tout aussi profonde au cinéma. C’est sans doute la première fois qu’une adaptation de plusieurs volets d’une même série se maintient à un tel niveau de qualité. évidemment, ça signifie aussi que toute critique du sixième film de la série est un peu futile: personne n’ira voir Harry Potter and the Half-Blood Prince [Harry Potter et le prince de Sang-Mêlé] sans avoir vu les volets précédents et tous savent déjà en quelles circonstances ils verront ce plus récent épisode des aventures du jeune sorcier.
Même un résumé de l’intrigue est superflu. Après tout, toute la série tourne autour du duel entre Potter et le sombre mage Voldemort. Rendu au sixième volet d’une série de sept livres et huit films, que dire sinon que «l’affrontement continue»? Ce qui ne revient pas à dire que tout est identique aux épisodes précédents. Fidèle à la tendance relevée depuis le deuxième volet de la série, Harry et ses amis vieillissent et l’intrigue s’assombrit. Ceux qui s’entêtent toujours à considérer la série comme étant pour enfant seront un peu choqués de voir jusqu’à quel point les personnages saignent et souffrent dans ce volet. L’hostilité entre Potter et l’antipathique Malfoy mène à une scène brutale, et les enjeux de la série ne cessent de devenir plus importants.
Les jeunes étudiants de Poudlard ayant désormais seize ans, les complications sentimentales des protagonistes viennent épicer le mystère de ce nouvel épisode, à un point tel que la première moitié du film semble en danger de devenir une bête comédie romantique adolescente matinée de sortilèges. Un vif changement de cap attend toutefois les spectateurs alors que, une trentaine de minutes avant la fin du film, romance et comédie sont abruptement évacuées en faveur du drame et de la noirceur. Le tout se solde par une mort dramatique et le serment d’en finir une fois pour toutes avec Voldemort. Suite au prochain épisode.
Sur le plan de la réalisation, Harry Potter and the Half-Blood Prince se distingue légèrement des épisodes précédents. Sans atteindre le sommet atteint par Alfonso Cuarón dans Harry Potter and the Prisoner of Azkaban, la réalisation est efficace et l’interprétation prenante. On se plaindra de la disparition de quelques personnages récurrents, ou de la façon dont certains n’ont guère rien de plus à faire que quelques salutations. Mais telles sont les limites de l’adaptation d’un long roman en un film qui dure tout de même près de deux heures trente.
On en revient au constat initial: la série Potter continue au même niveau de qualité que les épisodes précédents. Ceux qui ont commencé à regarder la série en 2001 peuvent se rassurer sur le fait que la conclusion prévue pour 2011 ne décevra pas elle non plus. [CS]
Cloudy with a Chance of Meatballs
Un des thèmes les plus riches des genres de l’imaginaire est de concevoir une déviation à la réalité, puis d’en explorer les conséquences. C’est par son enthousiasme à jouer sur cette idée que Cloudy with a Chance of Meatball [Il pleut des hamburgers] se taille une place comme un des meilleurs films d’animation numérique de l’année.
Elle est pourtant finie l’époque où deux ans s’écoulaient entre chaque production de Pixar et où personne d’autre n’osait s’attaquer au genre. Après un 2008 surchargé, les plus ou moins jeunes ont également eu droit en 2009 à Ice Age 3, Monsters vs Aliens, Up et 9. Devant autant de compétition, un film d’animation numérique doit exceller pour réussir.
Cloudy with a Chance of Meatballs commence du bon pied en nous faisant rencontrer Flint Lockwood, un jeune scientifique dont les inventions ne sont pas toujours réussies. Alors que sa ville est plongée en pleine crise économique, Lockwood invente une machine qui fait littéralement pleuvoir la nourriture: une bonne partie du film consiste à explorer les ramifications de cette idée loufoque.
Heureusement, l’imaginaire débridé est au rendez-vous. Les scénaristes s’en donnent à cœur joie et le montage rapide laisse rarement le temps de souffler. Les gags se succèdent à un bon rythme et de nombreux détails aperçus de passage feront la joie d’un deuxième visionnement. Malgré l’évidence de certaines idées, l’humour n’est pas simpliste et saura rejoindre toute la famille.
Tout n’est pas parfait. Malgré le doigté des scénaristes à esquisser une romance entre deux adolescents clairement plus intelligents que la moyenne, certains moments finissent par traîner en longueur. Après un scénario aux émotions consciemment obliques, la grande finale souligne à traits gras la morale et les leçons apprises. Une scorie mineure, mais suffisante pour diminuer un peu le plaisir soutenu du film.
D’autres apprécieront la richesse de l’humour ou bien la promotion de l’intellectualisme des personnages, mais Cloudy with a Chance of Meatballs impressionne surtout par la qualité de son imaginaire. Il n’en faudra pas plus pour recommander le film à toutes les audiences. [CS]
Pandorum
L’hybridation de l’horreur et de la science-fiction s’exprime rarement aussi franchement que par le meurtre de passagers d’un vaisseau spatial et par des horreurs venues d’ailleurs. à une époque où même les jeux vidéos s’inspirent de ce thème (jouez à Dead Space si vous osez), l’absence prolongée d’un film de ce type en salles depuis Sunshine semblait curieuse. Pandorum [vf] est venu combler cette niche en 2009 et si les résultats sont généralement décevants, deux ou trois éléments du film retiennent quand même l’attention.
Dès les premières images, il est évident que les progrès des effets numériques permettent des films plus ambitieux à moindre budget. Le survol de rigueur du vaisseau spatial où se déroule le film révèle une machine immense et compliquée qu’il aurait été impossible de concevoir avec de simples modèles réduits. Ce faisant, le film fait également allusion à un contexte qui ne deviendra important qu’à la toute fin de l’intrigue.
Pour l’essentiel, Pandorum s’inscrit dans la tradition des films d’horreur. Notre pauvre protagoniste, un officier du vaisseau tiré de son sommeil cryogénique en des circonstances mystérieuses, découvre que le vaisseau est à peine fonctionnel, qu’il n’est certainement pas le seul être humain éveillé… et que tous à bord sont la proie de terribles créatures.
La majeure partie de ce qui défile à l’écran est instantanément oubliable. Lentement développée, se déroulant dans une obscurité frustrante, charcutée en plans d’une demi-seconde dès qu’il se déroule quelque chose d’intéressant à l’écran, voila une œuvre d’abord conforme à tout ce qui définit la série B. L’ennui s’implante si solidement qu’il est difficile de s’enthousiasmer lorsque le scénario tente quelques revirements plus ambitieux.
Car oui, il y a effectivement quelque chose de plus qu’un simple film de monstre à l’intérieur de Pandorum. L’origine des créatures est plus inhabituelle que prévue, et la finale propose un authentique basculement cognitif si prisé par les amateurs de SF, au point qu’on se dit qu’il y avait un bien meilleur film tapis dans Pandorum que ce qui a été réalisé. N’espérez pas un autre Event Horizon, encore moins un Alien, mais les quelques raffinements de l’intrigue suggèrent qu’il y a de pires choix sur les tablettes du vidéoclub. [CS]
9
Certains films ont le triste destin de servir d’exemple, et c’est malheureusement ainsi que 9 [Numéro 9] passera peut-être à l’histoire, comme la réponse à la question: «Comment une excellente idée peut être étirée jusqu’à ce qu’elle devienne contre-productive?»
Expliquons d’abord que 9 (le long-métrage) est une expansion de 9 (le court-métrage), un film d’animation numérique de onze minutes qui avait fait un tabac en 2005 en décochant une nomination aux Oscars. 9 racontait l’histoire de poupées de jute aux prises avec une machine impitoyable, dans un contexte post-apocalyptique cauchemardesque. Le court-métrage, sans paroles, n’expliquait rien et suggérait un univers de fantasy tout à fait original.
Avec un peu d’aide de Tim Burton, Acker a obtenu le financement nécessaire à un long-métrage basé sur son idée. Quatre ans plus tard, nous voici donc avec un film dans lequel des poupées de jute affrontent des robots impitoyables, mais cette fois-ci avec des dialogues et une description du monde représenté. Hélas, là où l’original n’avait pas le temps d’ennuyer, le remake s’éternise. Malgré une durée d’à peine plus de quatre-vingt minutes, 9 s’encombre de détails qui finissent par se contredire. Les personnages sont quelconques, les explications amincissent la profondeur du monde et le tout n’est pas aussi frappant que l’original l’avait été à l’époque. Même ceux qui n’ont pas vu le court-métrage ressentiront un profond sentiment d’ennui une fois passé l’émerveillement visuel initial.
Car c’est le point fort du film: les poupées vivent dans un environnement où l’on peut reconnaître les débris d’un monde contemporain, et la qualité de l’animation numérique est stupéfiante. Combiné à l’excellent travail de conception sonore, 9 montre jusqu’à quel point un imaginaire personnel peut maintenant être incarné par les prouesses des effets spéciaux d’aujourd’hui. Les férus d’esthétique steampunk seront comblés par le film même s’ils ne portent aucune attention à l’intrigue: certaines images sont d’une beauté telle qu’elles méritent d’être saisies, imprimées et encadrées.
Mais un contenu visuel impressionnant ne suffit pas pour faire un film réussi. En cinéma, c’est comme en fiction écrite: une nouvelle réussie peut parfaitement devenir ordinaire une fois allongée sous forme d’un roman… [CS]
Jennifer’s Body
Les attentes étaient peut-être un peu trop élevées pour ce deuxième scénario de Diablo Cody. Après avoir causé une forte sensation en remportant l’oscar du meilleur scénario avec Juno, elle s’est attaquée à un genre bien balisé: le film d’horreur pour adolescents.
Quoi de plus iconique, en effet, que des étudiants d’un high school du Midwest américain menacés par une présence surnaturelle? évidemment, il y a toujours moyen de faire quelque chose de différent, et c’est par une sensibilité féminine atypique que Jennifer’s Body [Le Corps de Jennifer] se distingue. Rares sont les films d’horreur menées par des femmes (ici à la scénarisation et à la réalisation), encore plus rares ceux où les deux rôles principaux sont tenus par des actrices, les hommes n’étant que des victimes potentielles.
L’intrigue se déclenche lorsque la fille la plus dévergondée de la petite ville de Devil’s Kettle, Jennifer Check, se rend à la taverne locale pour assister à la prestation d’un groupe rock. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que les rockeurs sont à la recherche d’une jeune vierge pour un sacrifice humain. Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’elle n’est pas vierge… et que des choses très étranges se déroulent lorsqu’on offre une femme d’expérience à un démon. Toute cette histoire nous est narrée par une adolescente nettement plus sage, dont le petit ami devient la cible de Jennifer qui cherche à assouvir ses désirs charnels sur les hommes du voisinage. Un affrontement entre les deux jeunes amies s’ensuit.
Il est vrai qu’il y a quelques bons moments dans Jennifer’s Body. Les dialogues de Cody sont souvent mordants, les deux actrices en vedette semblent s’amuser dans leurs rôles, la finale fait sourire et on y décèle des intentions subversives. Mais ces moments ne réussissent pas à sauver, ni à rendre cohérent, un film assez ordinaire par ailleurs. Certaines répliques sont tellement recherchées qu’elles tombent à plat, et même l’inversion des rôles hommes/femmes ne réussit pas à masquer le fait que le film emprunte les ornières habituelles. Il aurait fallu que le film soit plus comique que terrifiant; même ainsi, les motivations inexplicables des personnages ou le déroulement prévisible des péripéties qui ne fait rien pour rehausser l’impact d’un film curieusement oubliable.
S’il était apparu de nulle part, peut-être que Jennifer’s Body aurait été acclamé comme un film d’horreur plus intéressant que la moyenne. Mais on attendait un peu plus de la plume de Diablo Cody. Le film s’adresse aux amateurs de série B, à combiner avec Ginger Snaps. [CS]
The Time Traveler’s Wife
Attention! Même si le titre fait référence au voyage dans le temps, il est préférable pour tous d’approcher The Time Traveler’s Wife [Le Temps n’est rien] comme un film romantique plutôt que comme une œuvre de science-fiction. Ça évitera de poser des questions auxquelles le film n’a aucune intention de répondre, et permettra d’absorber la surdose de saccharine dans laquelle baignera éventuellement le tout.
Le best-seller d’Audrey Niffenegger dont est adapté ce film avait déjà des sensibilités mainstream, mais les amateurs de SF pouvaient tout de même y trouver de l’intérêt. En plus de l’histoire d’amour tordue entre le protagoniste, voyageur temporel involontaire, et la femme qu’il rencontre à divers moments de son existence, Niffenegger n’oubliait pas d’explorer les conséquences les moins amusantes de sa prémisse. Certains des moments les plus efficaces du roman dépendent des circonstances horribles dans lesquelles se trouvaient les personnages de l’histoire, et plusieurs passages étaient décidément aux antipodes de la littérature à l’eau de rose.
L’adaptation, elle, met carrément l’emphase sur l’aspect romantique de l’histoire. La structure de l’œuvre n’a pas vraiment été affectée, mais certains passages âpres sont escamotés. Eric Bana et Rachel McAdams se contentent d’être beaux, relativement jeunes et en bonne santé jusqu’à l’inévitable finale romantique. Le reste n’est que distraction.
Il n’est pas impossible que le film s’avère une porte d’entrée de plus sur le genre pour ceux qui pensent tout détester de la science-fiction. La rigueur extrapolative est bien mince (on a l’impression que les voyages temporels «involontaires» du protagoniste dépendent surtout d’une logique dramatique) mais les complications qui affligent les deux personnages condamnés à subir les contorsions cause-et-effet des voyages temporels sont généralement bien menées. Le rythme n’est pas trop lent, et la réalisation a quelques pointes d’intérêt. Les férus d’imaginaire, on l’a compris, resteront sur leur faim, mais peut-être est-ce le type de production qui permettra à un(e) fan et un(e) non-fan de s’entendre au moment de choisir un film au club vidéo. [CS]
Gamer
Avec Pathology et les deux films de la série Crank, le duo Neveldine/Taylor s’est déjà taillé une réputation assez particulière: ils combinent une audace sans limite, une prédilection pour des idées frappantes pas toujours convenablement explorées et des techniques de montage frénétique qui s’apparentent parfois plus au collage qu’au développement soutenu.
Avec Gamer [vf], le duo s’attaque à la science-fiction. Dans un futur où des joueurs bien assis dans leur salon s’affrontent par l’entremise de prisonniers télé-contrôlés, un homme injustement condamné est sur le point de gagner sa liberté après avoir survécu à vingt-sept joutes. Comme on peut s’en douter, le propriétaire du jeu ne le laissera pas triompher ainsi, et ses plans dépassent de loin le simple contrôle de prisonniers.
Avouons au moins une chose: Gamer a parfois quelques idées en arrière de la tête. Le scénario se paie quelques moments bien étranges (dont un vilain qui s’exprime à l’aide d’un numéro de music-hall) et offre des réflexions intéressantes au sujet des liens entre jeux et relations de pouvoir entre les individus: c’est mieux que rien.
Mais ces éclairs d’ingéniosité et ces bonnes intentions ne risquent jamais de faire de Gamer plus qu’un film d’action de bas étage. Dès les premiers plans chaotiques, il est évident que les cinéastes confondent mouvement avec action, et qu’aucune idée ne sera développée. Le reste de l’expérience ne fait que confirmer ce soupçon. Les scènes d’action sont ordinaires, la cinématographie blafarde est utilitaire (c’est-à-dire: peu dispendieuse) et l’intrigue qui se développe poussivement n’est guère plus qu’une variation sur un thème que Death Race avait mieux traité il y a plus de trente ans.
Bref, le film crie au série-B à petit budget, et seule la présence d’acteurs aux visages familiers (dont Gerald Butler et Michael C. Hall, entre deux saisons de Dexter) explique pourquoi ce film a connu une diffusion au cinéma plutôt que d’avoir filé directement au DVD ou aux téléchargements sur X-Box Live. Le duo Neveldine/ Taylor comprendra peut-être un jour qu’un peu de discipline ne fait pas de tort, et que des pointes d’étrangeté, aussi bizarroïdes soient-elles, ne peuvent à elles seules sauver un film moche. [CS]
Zombieland
Après deux décennies au rancart, le film de zombie fut réanimé en 2002 avec la sortie de 28 Days Later… Puis ce fut le déluge: Resident Evil, Dawn of the Dead, Shaun of the Dead, Land of the Dead, 28 Weeks Later, Grindhouse: Planet Terror… jusqu’à Fido et Zombie Strippers! Le film de zombie risquant la surexposition, il a dû faire preuve d’invention: après tout, combien de fois peut-on revoir la même histoire de contagion avant de perdre intérêt? Les cinéastes qui se lancent dans un projet de film de zombie se doivent maintenant d’aborder la question sous un angle neuf et inusité.
C’est dans ce contexte que survient un film comme Zombieland, une comédie post-apocalyptique où l’humour est décidément plus important que l’horreur de la fin du monde tel qu’on le connaît. Le ton sardonique est donné dès le départ, alors qu’un jeune homme narre quelques-unes des règles qui l’ont gardé en vie depuis le basculement, ceci apparaissant à l’écran au cours d’un montage vif. à ceux qui veulent survivre, Zombieland conseille de se garder en forme physique impeccable, de ne pas se laisser surprendre dans une toilette publique les pantalons baissés, de toujours vérifier le siège arrière et de s’assurer de tuer les zombies deux fois pour éviter les mauvaises surprises. Le tout est suivi d’un des génériques d’ouverture les plus macabrement amusants de mémoire récente: une série de scènes de zombies s’attaquant aux vivants, tournés en ultra-ralenti.
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