Sci-Néma 179
Christian Sauvé
Exclusif au Volet en ligne (Adobe Acrobat, 1.53Mo) de Solaris 179, été 2011
Limitless
Les amateurs de science-fiction, c’est bien connu, aiment se penser plus intelligents que la moyenne. De quoi les rendre susceptibles de s’intéresser à un thriller au sujet d’une pilule promettant un gain d’intelligence instantané…
Le protagoniste de Limitless [Sans limites], incarné par Bradley Cooper, est un écrivain frustré qui, à la suite d’une rencontre fortuite avec une vieille connaissance, finit par avaler un produit encore expérimental. Les effets sont spectaculaires: avant que les effets ne s’estompent 24 heures plus tard, il a le temps de séduire la copine du proprio de son appartement (après l’avoir aidée à compléter un travail de faculté de droit) et écrire des douzaines de pages de la meilleure prose de sa vie. Alors qu’il cherche à obtenir quelques pilules de plus, il retrouve son ami, assassiné. Subtiliser un sac plein de ces pilules miracles n’est que le début de ses problèmes… et de ses succès.
Car le produit fonctionne au-delà de ses espérances. La réalisation fluide de Limitless excelle à présenter les effets d’une intelligence supérieure: l’habileté à faire des liens entre des éléments disparates, à laisser la logique prendre le pas sur l’émotion, à avoir un accès mémoriel parfait, et ce à une vitesse stupéfiante. Les couleurs du film deviennent plus vives lorsque le protagoniste fonctionne à plein régime. Bien que le réalisateur Neil Burger ait déclaré avoir voulu faire de Limitless une sorte d’avertissement sur les conséquences de la drogue, tout dans le film le contredit: on est bien loin de Flowers for Algernon, car Limitless présente une drogue qui fonctionne parfaitement bien à condition d’avoir un peu de discipline. La finale est une des plus optimistes du répertoire Hollywoodien de 2011 et ne manquera pas de faire sourire le spectateur, même longtemps après la fin du film. (On notera qu’à cet égard, l’adaptation se démarque du roman d’origine, The Dark Fields, d’Alan Glynn, qui est nettement plus sombre.)
Cet optimisme débordant a pour effet un vent de fraîcheur tout à fait séduisant. Même les enfants des années quatre-vingt (nourris au «just say no») pourraient bien reconsidérer leur position vis-à-vis d’une pilule pouvant décupler leur quotient intellectuel. Bradley Cooper, dans le rôle principal, dégage ce mélange idéal de confiance, de charme, d’intelligence et de sophistication nécessaire au rôle. Alors qu’il s’empêtre dans des situations difficiles, le scénario continue à plaire et surprendre en explorant toutes les possibilités qui s’offrent à une personne en mesure d’utiliser pleinement ses capacités de réflexion. De plus, on ne dira jamais assez de bien du rythme soutenu de la réalisation, du montage dynamique et du splendide poli visuel de la cinématographie.
Il n’est par contre pas nécessaire d’avoir un quotient intellectuel démesuré pour noter au moins deux incohérences gênantes (quel type de génie néglige de rembourser son prêteur russe, ou de tenter de se trouver une nouvelle source d’approvisionnement?), ainsi qu’une manœuvre de sang-froid aux effets très improbables. Mais le rythme frénétique de Limitless, ainsi que son charme tout-sourire, ont tôt fait de minimiser ces raccourcis au demeurant nécessaires.
S’il n’est pas déplacé d’accuser Limitless d’être un peu moins intelligent que son potentiel, il faut avouer que le film se classe bien au-dessus d’une bonne partie des productions du moment. L’amateur de science-fiction y trouvera une prémisse purement SF (même si le film a été présenté comme un simple thriller sans genre précis), ainsi qu’un développement fidèle à l’attitude technophile habituelle du genre. C’est un acte de foi de la SF classique de croire qu’un peu de réflexion peut régler tous les problèmes, et il est d’autant plus rare de voir un film adopter la même attitude: pourquoi ne pas en profiter et y jeter un coup d’œil?
Source Code
Quel spectacle inusité au cinéplex en ce début d’avril : rien de moins que trois films de science-fiction de bonne qualité, côte à côte. Entre The Adjustment Bureau (4 mars), Limitless (18 mars) et Source Code (1er avril), il y avait de quoi jubiler. Deux des trois films étaient librement adaptés de romans, mais c’est Source Code [Code source] qui a conclu le bal avec un scénario véritablement original, de l’action musclée et une réflexion sur la nature de la prédétermination, des vies passagères et de l’identité sacrifiée. On n’en attendait pas moins du réalisateur Duncan Jones, qui avait créé tout un émoi en 2009 chez les amateurs de SF avec Moon, son premier long-métrage. Jones semble avoir une sympathie inusitée pour la science-fiction, aussi y avait-il de quoi être curieux concernant son deuxième projet. Celui-ci, adapté d’un scénario de Ben Ripley, montre à quel point Jones peut être ambitieux.
L’action débute alors qu’un pilote d’hélicoptère se retrouve incarné dans le corps d’un inconnu à bord d’un train de banlieue en direction du centre-ville de Chicago: il meurt huit minutes plus tard dans l’explosion soudaine du train et se réveille dans une capsule, d’où on le renvoie de nouveau à bord du train, dans le même corps d’emprunt, mais en mesure d’agir différemment.
Petit à petit, il apprend qu’il est l’homme de terrain d’un projet de recherche militaire visant à recréer un passé récent, et que l’on compte sur lui pour identifier le terroriste qui a activé la bombe. Ses premières tentatives sont des échecs retentissants, mais la pratique et la répétition devraient logiquement le mener à la solution… à moins de manquer de temps ou de se décourager devant l’ampleur de la tâche. D’autant que des trous de mémoire assez gênants l’amènent à se demander si on lui a dit toute la vérité.
De cette prémisse bien menée se dégage rapidement une réflexion sur des thèmes intéressants, de quoi démontrer de façon éclatante que la SF peut parvenir à combiner action, suspense, humour et philosophie. Source Code reste d’une ampleur modeste, mais le développement de ses prémisses va jusqu’au bout. Il est dommage que la rationalisation purement SF de l’intrigue s’effiloche au cours de l’intrigue et que le titre n’ait aucun sens… mais l’impact final du film parvient à survivre à ces carences somme toute mineures.
Du reste, on admirera Jake Gyllenhaal dans un très beau rôle, ses réparties sympathiques avec Michelle Monaghan, la qualité d’une production basée à Montréal, le rythme bien mené de l’intrigue, ainsi qu’un long plan fixe qui donne à réfléchir sur la fragilité de l’existence.
Bref, un beau cadeau pour les amateurs de SF souvent malmenés par des spectacles vides d’intérêt intellectuel et de signification émotionnelle: Source Code est un de ces rares thrillers ingénieux dont l’efficacité touche autant l’œil, les méninges et les émotions.
à recommander à ceux qui recherchent de la bonne science-fiction au grand et au petit écran.
Sucker Punch
Sucker Punch [Coup interdit] est le cinquième film du réalisateur/scénariste Zach Snyder (Dawn of the Dead, 300, Watchmen et Legends of the Guardians), mais le premier à ne pas être adapté de matériel déjà existant. Connaissant les forces de Snyder pour ce qui est de la qualité visuelle, il y avait de quoi se demander si l’intrigue serait à la hauteur des images.
Malheureusement, les cyniques et les sceptiques finiront par avoir raison. Sucker Punch a beau avoir un visuel finement poli, dans son ensemble, le film n’a aucune cohérence, contredit ses propres intentions et finit par laisser le spectateur plus frustré que satisfait. Il est toujours étonnant de voir à quel point un film bourré d’explosions peut s’avérer ennuyeux…
Les problèmes commencent dès la prémisse du film, alors qu’une jeune femme, injustement enfermée dans un asile et destinée à la lobotomie, s’évade dans son imaginaire: désespérée, elle rêve à d’autres réalités où elle et ses amies triomphent d’antagonistes tirés tout droits d’œuvres de genre. Les ambitions du film sont substantielles, surtout lorsque s’entremêlent les univers et que l’héroïne est menacée de toute part. Mais le dosage de ces éléments demande beaucoup de doigté, de finesse et d’astuce, talents qui ne sont pas toujours associés à Snyder. Dès lors que l’on comprend que le film s’est donné une structure d’événements imposés (semblable aux niveaux d’un jeu vidéo), il n’y a rien d’autre à faire que de s’asseoir et subir le déroulement de cette intrigue sur rails avant que ne survienne un retournement dramatique intéressant.
Mais ne sous-estimons tout de même pas le talent visuel de Zach Snyder. Il est possible de regarder Sucker Punch pendant un bon moment avant de s’apercevoir que le film ne fonctionne pas vraiment. à petites doses, la fantasmagorie du film est stupéfiante. Le tout commence, après tout, par une habile séquence sans paroles où l’on nous présente les événements ayant mené notre héroïne à l’asile. Plus tard, ce sont quatre nouveaux univers qui retiennent notre attention, depuis une fantaisie avec samouraïs jusqu’à un affrontement anachronique avec des robots (brillamment réalisé pour donner l’illusion d’un long plan ininterrompu), en passant par des fantaisies sombres de Première Guerre mondiale steampunk et de dragons médiévaux. L’esthétique visuelle de Snyder est telle que pas un seul plan du film ne semble avoir échappé à un travail de postproduction assez étoffé. D’un point de vue où la technique rencontre l’artistique, l’approche de Snyder montre jusqu’à quel point les images sont maintenant malléables entre les mains des cinéastes.
Mais lorsque vient le moment de tout remettre en ordre, Sucker Punch s’effrite rapidement. Bien avant la finale malhabile qui combine une conclusion glauque et des incohérences qui sabotent totalement la portée narrative du film (n’est pas Brazil qui veut), on s’aperçoit que Snyder essaie de passer un message d’autonomisation féminine avec des caricatures de ce que les jeunes hommes pensent être des femmes fortes. Hélas, il ne suffit pas de donner des armes automatiques à des jolies filles en bas de nylon pour se disculper du machisme de la culture geek qui semble être le moteur des fantasmes du film.
Depuis les critiques sévères qu’a essuyées Sucker Punch dès sa sortie, les fans du film ne cessent de pleurer que dix-huit minutes du film ont été coupées au montage, et qu’il est impossible d’apprécier le tout sans avoir vu ces segments. Mais il s’agit là d’un argument beaucoup trop souvent utilisé pour d’autres films décevants (tels Babylon A. D.) et qui réussit très rarement l’examen du matériel coupé: si le film est tellement plus sensé avec les minutes manquantes, pourquoi les avoir supprimées? Rien ne vous obligera à revoir Sucker Punch en format vidéo, si ce n’est pour en apprendre plus sur la production et revisiter les meilleures séquences du film. Car, en bribes et morceaux, on y trouve des choses très intéressantes. Ne vous attendez tout simplement pas à plus qu’une compilation d’effets spéciaux et de scènes d’action au ralenti.
Your Highness
Depuis le succès éclatant de la trilogie The Lord of the Rings au grand écran, la fantasy épique est devenue monnaie courante au cinéma. Signe des temps, du désir de capturer une audience payante, des effets spéciaux plus abordables, de la familiarité grandissante des audiences avec les poncifs du genre, la fantasy est maintenant partout. La qualité, évidemment, n’est pas toujours au rendez-vous. S’il y a un courant de cinéma de genre qui tombera dans l’oubli, c’est bien cette succession de films de fantasy de bas étage, terriblement sérieux malgré leur manque de succès. Mentionnons Eragon, Season of the Witch et In the Name of the King comme aide-mémoire, car ils sombrent déjà dans l’oubli.
Ironiquement, ce n’est que dans un tel contexte que devient possible l’existence d’une bizarrerie telle que Your Highness [Son altesse]: rien de moins qu’une fantasy épique pour stoners adeptes de drogues douces. Un résumé de l’intrigue ne révèle rien d’inhabituel: lorsque la fiancée du prince du royaume est kidnappée par un sorcier maléfique, le prince et son frère partent à sa rescousse, affrontant criminels, monstres, sorciers et trahisons en chemin.
Malgré les visées comiques de Your Highness, le film est assez solide sur le plan de sa construction: l’intrigue est bien menée, les personnages sont distinctifs, la réalisation paraît confortable et les éléments de production sont efficaces. Contrairement à d’autres tentatives de parodie à rabais telle que Epic Movie, Your Highness n’oublie pas de maîtriser les fondations du cinéma de divertissement avant de se livrer à la comédie.
Mais attention: le scénario est déterminé à abattre toutes les vaches sacrées de la fantasy. Le héros du film n’est pas le prince valeureux, mais son frère hédoniste exaspéré par l’idée même de quitter son château pour un peu d’aventure. En chemin, ils rencontrent un mage qui s’avère être un pervers, une aventurière sérieusement amochée par la vie, des antagonistes crus et niais, et finissent par affronter un sorcier qui ne se cache pas de sa lubricité pour la princesse capturée. Jurons, références sexuelles et familiarité avec la culture des drogues douces abondent, donnant au film une atmosphère… particulière.
Il n’y a décidément rien d’admirable ou de raffiné ici : toujours balancé précairement entre les blagues osées et le mauvais goût, le film a sa part de ratés, de moments déplaisants et de simple dégoût. Mais pour ceux qui ont vu leur lot de fantasy prétentieuse, les meilleurs moments de Your Highness sont un antidote tout à fait satisfaisant.
Dans une perspective plus large, il est intéressant de noter que Your Highness, doté d’un assez bon budget, d’acteurs respectables (y compris Natalie Portman, récemment récipiendaire d’un Oscar) et d’effets spéciaux réussis, n’aurait pas été possible il y a quelques années, alors que la fantasy était un genre méconnu, peu rentable et rarement apprécié au grand écran. Le succès de Tolkien, de Narnia et d’autres meilleurs exemples du genre a pavé la voie pour une quasi-parodie de la trempe de Your Highness.
C’est le prix à payer par les amateurs de genre lorsque celui-ci devient plus populaire: ses prémisses et motifs échappent alors à la communauté qui les a adoptés, pour devenir familiers à des gens qui ne les respectent pas autant, et qui veulent les utiliser à leur façon. En science-fiction, les fans ont grincé des dents en voyant des éléments SF servir à l’humour de collégiens de Hot Tub Time Machine. Maintenant, c’est au tour des mordus de fantasy de voir les stoners s’approprier leurs idées.
Thor
Un des plus grands défis à relever pour critiquer Thor [v.f.] est de trouver matière à discussion. Car à une époque où les meilleurs films de super-héros ont de forts liens avec la réalité contemporaine et une profondeur thématique indéniable, Thor choisit plutôt de se diriger dans une tout autre direction, celle de la construction de monde mythique, avec un refus presque vexant de s’intéresser à des thèmes universels.
En cela, on pourra au moins dire que le film est fidèle à la BD. Alors que dans l’écurie Marvel Spider-Man porte sur les responsabilités morales placées sur les épaules d’un adolescent, que The Hulk explore les questions de l’identité et de la violence, et que les X-Men traitent de discrimination sociale, Thor a toujours été plus porté sur des aventures fantastiques hors-de-ce-monde. Le film traite d’intrigues de palais sur une autre planète, Asgard, où vivent des demi-dieux extraterrestres d’inspiration nordique. Pour des thèmes universels, on ira voir ailleurs.
Le film fait pourtant une timide tentative dans cette direction en exilant l’arrogant Thor du confort de sa vie royale dans une ville perdue du Nouveau-Mexique, où une scientifique enquêtant sur des phénomènes étranges le découvre et tente de l’humaniser. Malheureusement, ce type d’histoire «d’homme tombé des étoiles» n’est plus très neuf, et Thor n’est jamais aussi sympathique que lorsqu’il oublie qu’il n’est plus chez lui. à voir la vitesse à laquelle cette sous-intrigue est escamotée, il est clair que Thor n’est pas particulièrement intéressé par ces interactions sociales: l’essentiel du film se déroule dans les contrées numériques d’Asgard, à écouter des dialogues tout droit tirés d’épais tomes de fantasy: père mourant, héros exilé, ennemis aux portes, frère contre frère – les amateurs de fantasy épique devraient au moins être en territoire familier, à défaut d’être en territoire intéressant.
Ça ne fait pas de Thor un mauvais film. Après tout, le spectacle est au rendez-vous (une scène de combat en contrées extraterrestre montre de quoi sont capables Thor et son équipe de guerriers) et il y a un plaisir particulier à voir de la fantasy épique au grand écran, dialogues grandiloquents et costumes recherchés à l’appui. Chris Hemsworth est particulièrement crédible en Thor, un rôle difficile dont l’autorité n’est pas à la portée de tous les acteurs. Les scènes terrestres sont suffisamment comiques, et un affrontement en pleine rue principale d’une petite ville a certes des ambitions limitées, mais est bien réalisé. En revanche, on cherchera en vain un peu de substance dans tout cela.
Mais bon… Ceux qui connaissent tout de la mythologie Marvel auront remarqué que, depuis The Incredible Hulk, le studio tente de relier ses films en une méta-œuvre plus imposante. The Hulk, Iron Man, Thor, Captain America (bientôt sur grand écran) ne sont, jusqu’à un certain point, que des introductions à des personnages qui se retrouveront tous dans The Avengers et dont la sortie est prévue pour 2012. Le même bassin d’acteurs (d’où une apparition-surprise de Jeremy Renner en plein Thor, et Samuel L. Jackson faisant un petit coucou dans les films Iron Man), la même approche visuelle, la même qualité de production : un projet ambitieux. C’est certainement la première fois qu’une telle mythologie inter-reliée est tentée au grand écran de façon aussi délibérée.
Est-ce vraiment une bonne chose, étant donné que la logistique et les facteurs économiques reliés à la production de films (versus la bande dessinée) compliquent nettement la donne? Seul l’avenir le dira. Entre-temps, on leur pardonnera si quelques-uns des chapitres d’introduction sont un peu plus faibles que les autres.
Priest
Soyons francs: malgré son pedigree intéressant (il est adapté d’une BD coréenne), Priest [Prêtre] n’est qu’un film de série B avec un squelette d’intrigue, une construction de monde trop mince et beaucoup trop de raccourcis pour un film qui ne dure même pas 90 minutes.
Ce film n’ira pas chercher son public tellement plus loin que dans le noyau dur des amateurs de vampires, de films d’action à petit budget, de SF «molle» et de Paul Bettany. Malgré un titre et une prémisse qui donnent l’impression de s’intéresser à la religion, toute profondeur thématique en est absente. Alors que le printemps 2011 a offert de bien belles œuvres de science-fiction au cinéma, Priest semble tout simplement se satisfaire d’être un autre de ces films d’action SF éminemment oubliables, le plus récent d’une longue liste dont les titres sont déjà tombés dans les limbes. Ceux qui ont suivi la production de Priest savent que sa sortie a été repoussée à plusieurs reprises: on comprend pourquoi en voyant le résultat final, qui n’est absolument pas sauvé par la post-conversion du film en 3D.
Tout a été dit ou presque, mais ajoutons quand même qu’il y a une ou deux choses intéressantes tapies dans ce film au demeurant bien moyen.
Le grand atout du film, c’est bien entendu Paul Bettany dans le rôle-titre. Dans cet univers en carton-pâte, des prêtres-guerriers ont aidé l’humanité à triompher de son combat contre les vampires. Quelques années après la victoire, les prêtres ont été mis à l’écart, tels les reliques d’une époque révolue, et ce malgré la présence de vampires proche des villes fortifiées dans lesquelles les humains vivent pour l’essentiel. Priest est la deuxième collaboration de Paul Bettany avec le réalisateur Scott Stewart (après Legion, un autre film de genre de série B aux thèmes sacro-religieux): le personnage qu’il incarne est un vrai dur-de-dur, qui est aussi bien capable de rouler à toute allure à moto sans casque que de se battre contre un vampire à mains nues. Ce genre de rôle de justicier invulnérable est difficile à refuser et il y a quelque chose d’intéressant à voir un acteur plus connu pour des rôles dramatiques de freluquets se révéler être de la trempe des héros d’action… et ce même si le scénario doit ignorer quelques lois physiques élémentaires pour faire bien paraître le protagoniste.
Mais il y a aussi un petit quelque chose du côté du visuel: en plus du style trash-noir habituel de ces films de SF sans imagination, Priest présente aussi un look western-industriel assez inusité dès lors que l’on s’éloigne un peu des villes. Cette approche esthétique, malheureusement sous-exploitée, est assez caractéristique du fouillis de l’intrigue, qui passe allègrement des vampires aux prêtres experts en arts martiaux, jusqu’à un combat final sur le toit d’un train roulant à pleine vitesse dans le désert. On aurait apprécié un peu plus de substance de la part d’un western futuriste vampirique, mais, étant donné la courte durée du film, ce potentiel est à peine esquissé: après seulement une heure de film, on voit déjà se profiler l’affrontement final – doit-on vraiment préciser que le chemin pour s’y rendre est bien linéaire?
Pour le reste, il y a quelques moments plutôt cool: des crucifix qui se transforment en shurikens; Maggie Q en jolie prêtresse; ou encore de gigantesques ruines en plein désert. Mais, hélas, rien de tout cela ne permet à l’ensemble d’avoir de la cohérence et le film reste peu mémorable. Bien que Priest ait posé les fondations pour une suite, il y a peu de chances pour que cela arrive. Sans substance et s’éparpillant dans trop de directions, Priest offrira, au mieux, un divertissement moyen et sans surprise.
Pirates of the Caribbean 4: On Stranger Tides
C’est en octobre 2009 que la nouvelle s’est répandue dans les mi-lieux associés à la fantasy écrite: la puissante maison de production cinématographique de Jerry Bruckheimer avait acheté les droits du roman On Stranger Tides de Tim Powers pour nourrir l’écriture du quatrième volet de la méga-série d’aventure Pirates of the Carribean: On Stranger Tides [Pirates des Caraïbes: La Fontaine de Jouvence]. étant donné les similitudes entre le roman de pirate à saveur surnaturelle de Powers et la série de films, le lien semblait… naturel. Maintenant que On Stranger Tides est sorti au cinéma, la question est: l’adaptation est-elle fidèle au roman?
Pas du tout. Mais ce n’est sûrement pas Powers qui s’en plaindra, étant donné le piètre résultat final du film. à part de vagues mots-clés partagés par les deux œuvres (pirates, magie, Ponce de Leon et Fontaine de Jouvence), les deux intrigues n’ont absolument rien en commun. On préférera considérer la somme payée par Bruckheimer à Powers comme une reconnaissance rétroactive pour l’atmosphère et les idées que le roman a cédé au premier film de la série.
La distinction entre le film et le livre qui a «suggéré» l’intrigue étant clairement établie, que reste-t-il à dire du résultat à l’écran? Essentiellement qu’il représente une chute de qualité significative après la trilogie initiale. Les deuxième et troisième volets avaient certes leurs carences: la prétention et les longueurs du troisième en particulier. Mais on y trouvait tout de même l’atmosphère d’aventure et d’action novatrice qui avaient assuré le succès du premier volet. Hélas, ce quatrième film s’avère nettement moins réussi que les précédents: plus éparpillé, moins énergique, plus conventionnel et moins intéressant. Son budget réduit implique moins d’effets spéciaux, aucune bataille navale (!) et des décors moins vraisemblables.
Heureusement, le Jack Sparrow de Johnny Depp est au rendez-vous. Malheureusement, le film fait de lui un protagoniste-héros, alors que ce personnage est plutôt conçu pour être un bouffon de soutien. Mis en vedette, il ne trouve pas tout à fait l’équilibre entre le sérieux nécessaire à un personnage principal et les particularités comiques qui ont assuré la popularité du personnage.
Ce faux pas montre à quel point le scénario du film est décevant. Entre des soubresauts géographiques maladroits, un ton plus comique que léger qui vient torpiller le premier acte et le manque criant d’antagoniste mémorable, ce quatrième Pirates of the Caribbean semble essoufflé et convenu, à peine conscient de ses propres forces et presque satisfait de ne livrer que le strict nécessaire. La finale, un affrontement confus entre trois groupes inintéressants, ne laisse qu’une impression floue. Le changement de réalisateur (de Gore Verbinski à Rob Marshall) confirme ce que le budget de production réduit suggère: un manque de confiance en ce nouveau volet.
On y trouvera tout de même quelques petits plaisirs: une poignée de séquences rappelle les succès de la trilogie précédente, quelques répliques sont amusantes et Johnny Depp est divertissant en tant que Sparrow, malgré son rôle déplacé au sein de l’intrigue. C’est surtout de la comparaison avec les autres volets dont ce film souffre le plus. Que les attentes soient donc au niveau de l’offrande: c’est une aventure tout à fait convenable, mais avec peu de pirates et encore moins de Pirates of the Caribbean.
X-Men: First Class
Après l’impression décidément décevante laissée par X-Men Origins: Wolverine, il y avait de quoi remettre en question la pertinence de présenter d’autres «préquelles» X-Men. Pourquoi se donner la peine de piétiner à nouveau un territoire aussi connu? évidemment, de tels doutes ne tiennent pas compte du potentiel quasi magique d’une bonne exécution. X-Men: First Class [X-Men: Première classe] n’est pas un film parfait, mais même les plus sceptiques reconnaîtront qu’il s’agit d’un divertissement cinématographique extrêmement bien réalisé.
Le tout commence au même moment que le premier X-Men: dans un camp de concentration de la Deuxième Guerre mondiale, alors qu’un jeune homme, Erik, constate sa capacité à faire bouger à distance des objets métalliques. Mais plutôt que d’avancer à la fin du siècle, First Class finit par se dérouler en 1962, à un moment où l’on découvre à peine les mutants et leurs pouvoirs. C’est à Charles, un autre jeune homme à l’accent britannique, d’explorer tous les enjeux et les possibilités reliés à leur existence. En arrière-scène, un riche homme d’affaire manipule les événements géopolitiques pour amener les états-Unis à affronter l’URSS au large de Cuba… dans l’espoir de provoquer une apocalypse nucléaire.
Le véritable super-héros de First Class est le réalisateur Matthew Vaughn qui, non seulement mène un film solide mais parvient à lui insuffler beaucoup d’énergie. L’idée de situer l’action en 1962 est très inspirée, car les possibilités stylistiques d’un tel choix sont divertissantes. Sa réalisation est rythmée, occasionnellement pleine d’humour (en plus des clins d’œil faits à Basic Instinct et Doctor Strangelove, la séquence d’entraînement est un montage de plans séparés à l’écran, comme les films de l’époque) et s’inspire de l’exemple laissé par des sources contemporaines telles la série James Bond.
Quelques apparitions-surprises feront plaisir aux fans, mais First Class profite surtout du talent d’acteur de James McAvoy et de Michael Fassbender, incarnant respectivement Charles Xavier et Erik Lehnsherr (ils ne deviennent Professor X et