Les Fantasmes de Svetambre, de Lucie Chenu
Lucie Chenu
Les Fantasmes de Svetambre
Encino (Californie), Black Coat Press/Rivière Blanche, 2014, 228 p.
Lucie Chenu est une auteure qui refuse de cloisonner les genres, et ce depuis plusieurs années, que ce soit comme anthologiste ou dans ses propres textes.
Après Les Enfants de Svetambre, recueil paru en 2010, voici Les Fantasmes de Svetambre. Des contes et des histoires, qui révèlent des rêves, des cauchemars, des tranches de vie et oui… des fantasmes plus osés, sensuels. Les genres et les atmosphères se côtoient au fil des pages. Certains textes ont été écrits pour des anthologies thématiques et la plupart ont déjà été publiés dans des revues pas toujours accessibles au Québec.
Résumer un recueil est, au mieux, une gageure. Treize nouvelles, toutes différentes et toutes portées par une même voix, un style qui s’adapte au genre du texte (sf, fantasy, polar, parfois mélangés) tout en révélant un ton très personnel. Le fil rouge ? Le rapport à l’humain en général et aux individus en particulier. La colère qui pointe parfois face à l’injustice, la guerre, l’usage de la force envers les plus faibles (« Lune de mon cœur », « Mission humanitaire », « Niche, cabane, ya ! »). Le mythe joue avec la réalité, pour parfois réveiller des peurs parentales (« Les Disparus de Saint-Bosc »), flirter avec les contes de cape et d’épée de notre enfance en leur donnant une tournure nouvelle (« Ayehannah ») ou encore se retrouver dans la jungle urbaine de New York (« La Cité des rebelles ») après un petit voyage par l’Amérique du Sud. Premier texte dans cette veine et coup de cœur (« La Sorcière de la montagne noire »), où solitude et perte voisinent avec la magie d’un lien avec une bête dont on dit qu’elle a neuf vies…
Lucie fait voyager son lecteur à l’intérieur de lui-même aussi : le rêve devenu réalité tangible et pourtant si virtuelle qu’elle peut tourner au cauchemar sous des airs de Rock (« My Generation ») donne dans la SF pure et montre l’humain égal à lui-même dans ses peurs et ses fantasmes. « Le Bol d’argent », entre fantasy et psychologie, sonde les frontières entre ce monde et celui du rêve intime dont le quotidien perd la saveur au réveil. Alors que « (R)EVE » pose la question du double : qui succomberait à la tentation d’un autre soi et qu’en ferait-il ?
Musique en filigrane de bien des nouvelles et le point de départ exclusif de la très maniérée « Deliciæ Meæ ». Et enfin, mais pas des moindres, le ton plus comique et typiquement hard boiled du polar de « La Brigade des Enquêtranges » met une pointe de légèreté bienvenue dans un recueil globalement excellent et très chargé en émotions diverses…
Recueil qui se termine sur le très beau et poignant « Partir »… Avec un soupir. C’est fini, il n’y en a plus.
Dis, Lucie, tu as encore d’autres histoires ?
Nathalie FAURE