Histoires de femmes vampires / Les 100 films cultes de vampires
Norbert Spehner vous parle de deux livres sur ces créatures de la nuit!
Jacques Finné & Jean Marigny (dir.)
Histoires de femmes vampires
Dinan, Terre de Brume (Terres fantastiques), 2019, 224 pages.
Alain Pozzuoli
Les 100 Films cultes de vampires
Dinan, Terre de brume (Essai), 2019, 318 pages.
Après un premier recueil intitulé Femmes vampires (José Corti, 2010) sur le même thème, Jacques Finné et Jean Marigny, spécialistes français des études sur le fantastique et les récits de vampires récidivent avec une nouvelle anthologie, Histoires de femmes vampires. Dans son texte d’introduction « Les Femmes vampires », Jean Marigny souligne le fait que n’ayant pas la force physique de son homologue masculin, « la femme vampire doit presque nécessairement recourir à la séduction pour parvenir à ses fins. C’est la raison pour laquelle les mortes-vivantes, que l’on rencontre dans la littérature en prose, sont en général d’une très grande beauté ». Luelle Miller, la vampire de la nouvelle de Mary E. Wilkins-Freeman « avait un genre de beauté tout à fait inhabituel en Nouvelle-Angleterre ». Mais la beauté ravageuse de ces créatures n’est souvent qu’un leurre, comme va le constater avec terreur Conrad, le protagoniste de la nouvelle « Les Derniers Seigneurs de Gardonal », de William Gilbert : « L’horreur le pétrifia. À la lueur de la lampe qui se balançait doucement au-dessus de leurs têtes, il ne découvrit plus les traits angéliques de Teresa, mais le crâne hideux d’un cadavre depuis longtemps enterré et dont le seul signe de vie se limitait à une horrible lueur phosphorescente qui émanait des orbites vides ». Dans « La Malédiction de Blackwick », nouvelle écrite par Alice et Claude Askew (une aventure du détective de l’étrange Aylmer Vance) Zaïda, une inconnue venue de contrées lointaines est décrite comme « une femme d’une incroyable beauté, avec une lourde chevelure rousse et un teint d’ivoire », avant de se transformer en « une femme blême, vêtue de blanc, voletant à proximité des cottages, la nuit ». Croiser la route d’une de ses créatures maléfiques n’engendre que déception, douleur et mort !
Pour ce recueil qui compte huit nouvelles du domaine anglo-saxon, les auteurs ont porté leur choix sur des femmes vampires plus traditionnelles. Les textes, dont certains sont antérieurs à Dracula(1897) ont été publiés entre 1888 et 1914. Ce sont des classiques du genre, peu connus, à l’exception de « La Chambre dans la tour » d’Edward Frederick Benson, ou de « Le Vieux Portrait » de Hume Nisbet repris dans plusieurs anthologies. Les autres auteurs sélectionnés sont William Gilbert, Julian Hawthorne, Dick Donovan, Frederick George Loring, Marye E. Wilkins-Freeman, Alice & Claude Askew, qui proposent des variations originales sur le thème classique. Toutes ces créatures ne sont pas nécessairement avides de sang. La belle dame du portrait (Nisbet) ou Luella Miller, véritable vampire psychique (Wilkins-Freeman) absorbent l’énergie vitale de leur victime. Mais l’intention est toujours la même : s’approprier la vie d’autrui pour une éventuelle résurrection.
La postface, dans laquelle Jacques Finné présente chacun des auteurs (vie et œuvre) complète ce recueil qui devrait séduire tous les amateurs de bonne littérature fantastique classique.
J’ai « découvert » les histoires de vampires, au début des années soixante en lisant le Dracula, de Bram Stoker, aux éditions Marabout, avec l’éclairante l’introduction de Tony Faivre. Coup de foudre immédiat pour toute la légende et la mythologie de cette créature mystérieuse et terrifiante. Le hasard faisant bien les choses, cette année-là, quelques semaines après la lecture du roman de Stoker, mon cinéma de quartier a eu la bonne idée de projeterLe Cauchemar de Dracula, de Terence Fisher,film-culte qui reste pour moi l’archétype, et la quintessence des meilleurs films de vampire. Christopher Lee (mon Dracula préféré, tout comme Sean Connery est mon James Bond préféré) m’avait impressionné. Mon intérêt pour les romans et les films de vampire a décliné quand on a voulu « l’humaniser » et en faire à peu près tout et n’importe quoi. Mais ça, c’est une autre histoire…
Les 100 Films cultes de vampires, d’Alain Pozzuoli est un passionnant répertoire, partiellement illustré, des meilleurs films du genre. L’ouvrage commence avec « Il était une fois trois vampires », une préface de l’érudit Jacques Finné, grand spécialiste du fantastique en général et du vampire en particulier qui, avec son style parfois très pince-sans-rire, rappelle quelques éléments de base de la mythologie du vampire. Vient ensuite « Les vampires au cinéma de George Méliès à Jim Jarmush », une introduction historique foisonnante signée par l’auteur.
D’Abraham Lincoln, chasseur de vampires (Timur Bekmanbetov, 2012) àZoltan, le chien de Dracula (Albert Band, 1977), les films sont présentés par ordre alphabétique plutôt que chronologique. Chaque notice (2 à 3 pages, en moyenne) commence par une brève capsule résumant le scénario, capsule suivie par une analyse du film et complétée par les crédits de production. En général, en ce qui concerne les œuvres que j’ai pu voir, je suis assez d’accord avec les appréciations et les commentaires de Pozzuoli, sauf dans le cas d’un film que j’ai royalement détesté, soit le Dracula, de Francis Ford Coppola, lourdingue fable gothique boursouflée sur le sida, et dont le scénario pseudo-romantique trahit dans les grandes largeurs l’œuvre sombre, perverse et tragique de Stoker.
Ouvrage à la fois technique, historique et anecdotique, ce panorama du film de vampires est digne de figurer en bonne place dans la bibliothèque des mordus.
Norbert SPEHNER