Lectures 178
Norbert Spehner, Élisabeth Vonarburg, Jean-Pierre Laigle
Exclusif au Volet en ligne (Adobe Acrobat, 1.17Mo) de Solaris 178, Printemps 2011
Glenn Cooper
Le Livres des âmes
Paris, Le Cherche midi (Thrillers), 2011, 396 p.
Dans le numéro 175 de Solaris, je vous recommandais vivement la lecture du Livre des morts de Glenn Cooper, un thriller fantastique bâti sur une idée ingénieuse dont j’avais soigneusement évité de révéler les tenants et les aboutissants. Je vais être obligé d’être tout aussi discret avec Le Livre des âmes qui est une suite immédiate, au bénéfice des lecteurs qui n’auraient pas encore lu le premier.
Nous retrouvons Will Piper, le profileur qui a résolu le cas du tueur de l’Apocalypse. Il a épousé Nancy et le couple a désormais un bébé prénommé Philip. ébranlé par cette affaire, Will a pris à sa retraite. Mais il est sous la haute surveillance des «gardiens» de la Zone 51, car il a prêté un serment de confidentialité absolue.
Et voici qu’en 2010, un mystérieux manuscrit fait surface à Londres, lors d’une vente aux enchères. D’anciens membres de la zone 51 font appel à Will pour percer le secret de ce livre qui a un lien direct avec toute l’affaire des mois passés. Disons qu’il s’agit d’une sorte de chaînon manquant qui intéresse bien du monde, dont les impitoyables gardiens. Du coup, notre homme est plongé dans une aventure rocambolesque qui tient autant du roman d’aventures que du thriller ésotérique à la Dan Brown, mais avec l’intelligence en plus.
Dans la reliure du manuscrit, Will découvre un poème écrit en 1581 de la main de nul autre que Shakespeare, poème qui est une véritable carte cryptée relative au mystère des manuscrits.
La découverte des différents écrits qui ont été soigneusement dissimulés à travers les âges va révéler la participation de personnalités très célèbres tels que Jean Calvin ou Michel de Nostradamus, dont les prophéties sont expliquées de manière subtile et plausible dans le contexte général de cette histoire.
Le Livre des âmes est avant tout un récit d’action très divertissant, au suspense constant. Mais il nous propose aussi des réflexions intéressantes sur la condition humaine, la religion, et la notion de destin. Que ferions-nous si nous étions en mesure de connaître la date exacte du jour de notre mort ? Que deviendrait l’humanité, la civilisation telle que nous la connaissons, si chacun apprenait à quel moment précis aura lieu son décès ? J’ignore s’il y aura une troisième partie, mais à la fin du deuxième volume, il reste un énorme point d’interrogation sous forme de date, soit l’année 2027, qui pourrait être celle de la fin des temps. Mais comme Cooper a l’habitude de nous surprendre, que cette fin des temps est annoncée tous les ans ou presque, cela pourrait aussi être tout autre chose. Plus que seize ans et on sera fixé, à moins que le tome trois ne paraisse d’ici là ou que les Mayas aient raison et que 2012 ne soit notre échéance suprême ! Au moins on ne partira pas tout seul…
Norbert Spehner
Vincent Chenille, Marie Dollé & Denis Mellier (dir.)
Richard Matheson : Il est une légende
Amiens, UPJV/Encrage (Université), 2011, 260 p.
Richard Matheson est un de mes auteurs de science-fiction/fantastique favoris. En particulier, pour trois de ses textes qui m’ont marqué d’une manière ou d’une autre : Je suis une légende, un roman de science-fiction classique qui traite du vampirisme de manière originale ; la très subtile et géniale nouvelle fantastique «Une robe de soie blanche», sur laquelle j’ai fait transpirer plusieurs générations d’étudiants que j’ai ainsi initiés aux arcanes du vampirisme littéraire, et La Maison des damnés, qui m’a donné le virus du thriller fantastique en 1971, ce bien avant l’apparition de l’ouragan Stephen King, trois ans plus tard !
Il existe très peu d’études sur Matheson. Quelques (très) rares ouvrages en anglais, strictement rien en français. Jusqu’à tout récemment, l’amateur francophone devait se contenter de préfaces, d’entrevues, et de quelques articles. Richard Matheson : Il est une légende vient donc combler un vide. Ce recueil de niveau académique rassemble les actes du colloque de l’université de Picardie Jules Verne et de la Bibliothèque Nationale de France, colloque qui s’est tenu les 9 et 10 décembre 2008. Le livre a été publié par les éditions Encrage, avec le concours du CERR/CERCLL ou Centre d’études du Roman et du Romanesque de l’université de Picardie Jules Verne.
Les dix-neuf textes (incluant la préface de Vincent Chenille et Marie Dollé) sont divisés en plusieurs parties, dont la première analyse les romans et nouvelles : il est question de Je suis une légende (Luc Ruiz), de Le Jeune Homme, la mort et le temps (Irène Langlet), de ses nouvelles fantastiques (Roger Bozzetto) et des romans noirs dont Les Seins de glace(Isabelle-Rachel Casta).
Une autre partie s’intéresse au cinéma et à la télévision : les adaptations de Je suis une légende (Vincent Chenille), de L’Homme qui rétrécit (Jean-Louis Leutrat), le génial Duel (Fabien Boully), Jaws 3-D (Loïc Artiga), la série télévisée The Twilight Zone (David Buxton) et les films de la Hammer (Guy Astic).
Une troisième partie évalue l’héritage et mesure les influences, sous la plume de Luc Ruiz, Samuel Archibald (Matheson et Stephen King), Jean-François Baillon, Marie Dollé (Claude Ollier, lecteur de Matheson), Julie de Faramond (le théâtre) et éric Vinson qui traite de l’aspect spirituel de l’œuvre. Denis Mellier quant à lui, explore le thème de la peur et de l’effroi, alors que Jean Marigny clôt l’ensemble avec une bio-bibliographie.
Seul aspect non abordé : les romans westerns de Richard Matheson, omission qui peut se justifier de deux manières. D’abord, Matheson n’a écrit que cinq ou six westerns et seul l’un d’entre eux, Journal des années de poudre a été traduit en français.
Précisons que les auteurs ne sont pas «jargonneux» (tous les textes sont limpides, agréables à lire, bien documentés), que plusieurs d’entre eux sont d’authentiques connaisseurs des littératures de genre et, quoique «universitaires» et bardés de diplômes, certains sont aussi des «fans» avoués de Matheson, ce que personne ne leur reprochera, bien sûr. Du beau travail !
Norbert Spehner
Frédéric Parrot
Les Rois conteurs
Montréal, Michel Brûlé, 2011, 450 p.
Au début des années soixante-dix, pour Solaris alors Requiem, j’ai lu une vingtaine de romans québécois qui constituaient, selon Norbert Spehner, fondateur de la revue, le corpus préexistant de la SF québécoise moderne. Tous ces auteurs écrivaient ce qui n’était assurément pas du roman réaliste, mais qui était… quoi ?
à part Gagnon, Tremblay et Thériault pour les adultes, Suzanne Martel pour les jeunes, ou encore le regretté Jacques Brossard, qui n’avait pas encore commencé son grand œuvre, L’Oiseau de feu, ils ignoraient la nature de ce qu’ils écrivaient, ne connaissaient sans doute pas la tradition francophone ou anglophone de la SF et ne se fréquentaient pas autour d’elle. Mais un trait commun à plusieurs des auteurs moins connus (maintenant) m’avait paru à l’époque très typique : c’étaient des patenteux (titre d’un de ces romans, par Marcel Moussette) : de la fantaisie, de l’absurde, souvent à gros traits, dans un langage qui se voulait – époque oblige – en prise sur le québécois moderne (lire joual).
Il m’a semblé retrouver ces caractéristiques, avec quelques twists d’écriture plus contemporains, dans Les Rois conteurs. Comme le jeu de mots quelque peu forcé du titre, l’intrigue relève en effet de la patente, et les personnages aussi. Dans un Québec futur situé dans un continent américain futur maudit, où ne pousse absolument plus rien, comestible ou non, le peuple se nourrit de pilules, ou d’aliments industriels rares, chers et peu ragoûtants ; l’ambiance générale n’est pas à la joie et Sasha, le narrateur, possède un commerce florissant de drogues en pilules. Il vit à Québec où il a un ami clochard-poète-écrivain-philosophe, Baraque. Il nous en raconte la vie entrelacée à la sienne, avec des extraits des carnets, souvent indéchiffrables, de Baraque, qui vont de l’incohérent à des nouvelles au sujet bizarre, certes, mais écrites dans un style des plus académiques – le contraste est parfois trop grand : difficile de ne pas soupçonner l’auteur d’avoir fait de la couture avec ses propres textes, pour épaissir la sauce trop mince.
Après un séjour en Europe – où la vie continue normalement, la malédiction américaine ayant épargné le reste du monde – Baraque revient, muet, traumatisé, sans avoir apparemment trouvé ce qu’il cherchait en Europe ; mais c’est seulement une période de dormance d’où il ressort plus disert que jamais. Se greffe à tout cela une intrigue secondaire, qui devient première, de conspiration terroriste où le narrateur, comme Baraque se retrouvent embringués. Et Baraque (manipulé-trahi par Sasha, en fait) devient le martyr de la Cause : pour avoir organisé une fête (pacifique) sur les Plaines d’Abraham, il est condamné à la pendaison par le pouvoir fasciste en place, ce qui va donner, suppose-t-on, un nouvel élan à la révolte. Mais le narrateur, lui, est plus occupé à la fin par une histoire d’amour qui démarre enfin après une longue frustration.
Quelles conclusions tirer de tout cela ? Que la jeune génération n’a pas des sympathies très prononcées pour l’engagement politique, pour commencer ? Que les jeunes écrivains ont toujours une haute idée du pouvoir des mots, par contre – le plus possible de mots, dans le plus de registres linguistiques possibles (comme je le disais, on se trimballe du registre parlé-familier-vulgaire au châtié, sans que ce soit toujours justifié). Et qu’un remugle de post-moderne continue à nourrir ces jeunes intellects : tout en apostrophant (classiquement) le Lecteur, on emprunte, on cite, on parodie. La science-fiction, en l’occurrence, et de la manière la plus désinvolte – il ne faudrait pas prendre ce genre populaire au sérieux, n’est-ce pas ? Aucune ébauche d’amorce d’essai d’explication de la raison pour laquelle le continent américain est devenu stérile, mais pas le reste du monde (ben voyons, c’est une métaphore, un symbole !). Aucune tentative non plus pour rendre vraisemblable la société qui en découle (il faut dire que ce serait tout un défi, aussi bien au plan collectif qu’individuel…) sinon par le cliché éculé du Vilain Pouvoir Fasciste. Et tout cela, c’est en supposant une intention délibérée de l’auteur, qui resterait à prouver.
La lecture de ce livre n’est pas insupportable. Ça a une certaine verve, et ça se lit malgré les incohérences – et malgré la forte tentation de sauter certaines des nouvelles enchâssées, sans aucun rapport avec le reste. J’ignore quel âge a l’auteur, au palmarès décoratif de Véritable écrivain (lecteur omnivore… La Bible… Baudelaire… Bukowski… Dick – Dick ? Très mal digéré, alors… voyages exotiques… prof de chimie au cégep – oh ?), mais il est en tout cas touchant de voir que la tradition littéraire québécoise de la patente se retrouve à chaque génération, sans vraiment se renouveler.
Élisabeth Vonarburg
Collectif dirigé par Pierre Bordage
2084 : Le meilleur ou le pire des mondes ?
Paris, Les Presses de l’ENSTA, 2011, 152 p.
Cette anthologie est le fruit d’un concours organisé en 2009 par l’école Nationale Supérieure de Techniques Avancées, le magazine Sciences et Avenir et quelques autres partenaires. Elle renferme onze des trois cent vingt-huit nouvelles envoyées de toute la francophonie et d’ailleurs, et bien souvent retravaillées à la demande du jury, la majorité des auteurs étant débutants. La longueur maximale imposée de 15 000 signes explique la minceur du volume.
Pour l’étoffer, cette sélection est précédée d’une table ronde des membres du jury : deux écrivains, dont un de SF, Pierre Bordage, et trois scientifiques, dont un amateur de SF, Roland Lehoucq. Ils y évoquent les rapports entre la science et la SF, l’importance du langage scientifique dans celle-ci, le rôle et la responsabilité de l’auteur de science-fiction comme avertisseur et l’influence inquiétante de l’ultra-libéralisme en tant que moteur d’une nouvelle évolution.
Le thème du concours était la vie en 2084 en fonction des problèmes qui se posent aujourd’hui à la planète. Le titre choisi se référait expressément aux romans de George Orwell et d’Aldous Huxley, qui ne sont pas particulièrement encourageants quant à l’avenir de l’humanité. Une telle présentation n’était-elle pas tendancieuse, voire abusive ? Faut-il s’étonner que, sinon tous les participants, du moins les lauréats, aient adopté cette orientation ?
Le concours se divisait en deux sections : grand public et élèves de ParisTech. De la première section sont ressortis cinq textes et de la seconde six. Celle des aînés est la plus percutante, comme en témoigne «Tengen» de Pierre-Aimé Agnel, sans doute la nouvelle la plus intellectuelle de l’anthologie : un maître de go est vaincu par l’émissaire d’un ordinateur quantique qui lui souffle les coups, d’où l’ouverture d’une ère nouvelle, où l’humain devient quantité négligeable.
«Il ne pleut plus à Jamalpur» de Romuald Herbreteau est une tranche de vie d’un vieillard dans une société européenne hyper-civilisée qualifiée de démocratie participative totalitaire globale qui préserve ses citoyens tout en les aliénant en douceur. Dans celle du «Rituel des Adieux» de Colette Jacques Veaux, les enfants naissent de mères porteuses du tiers-monde et une cérémonie marque l’euthanasie obligatoire des centenaires.
Deux des récits ont pour cadre l’Afrique : «Sissoko, Monsieur Poulet» de Gulzar Joby a pour héros un éleveur de poulets ultra industriels dont l’entreprise est détruite par une guerre et qui s’apprête à redémarrer son affaire avec quelques bestioles rescapées ; celui du «Théorème de M. Koffi» de Romain Pichon-Sintes est un jeune Africain misérable qui rêve aux femmes des pays développés et meurt dans une tentative de franchir les barbelés entourant son pays.
Parmi les sociétés que décrivent les élèves de ParisTech : une vivant l’ultime manipulation orwellienne de l’information («Nanomètre 551» de Rébecca Kleinberger), une autre où les assureurs rackettent leurs clients («La Clause 228» de Raphaël Moutard), une dans laquelle la généralisation d’un traitement de longévité provoque une aliénation totale («Restart» de Romain Kukla), une où un couple sur trois a droit à un seul enfant («Le Jouet» de Catherine Boubekeur).
«Abri» de Jonathan Viquerat a pour décor les souterrains étanches où tout est recyclé et où vivotent les descendants de l’humanité après un cataclysme. Dans «Mnémocide» de François-Xavier Davanne, elle en a vu de dures, mais se porte plutôt bien grâce à l’éradication médicale des souvenirs les plus traumatisants. Comme cette nouvelle finale, la majorité de cette anthologie n’a-t-elle pas un air de déjà lu ? Mais les auteurs pouvaient-ils faire beaucoup mieux ?
Un sondage a révélé fin 2010 que plus de 50 % des Français craignent pour leur avenir. Or tous les lauréats vivent en France. Mais pas l’ensemble des autres participants. Partageaient-ils vraiment le pessimisme qui présidait au lancement du concours ? N’y en avait-il pas quelques-uns pour imaginer un futur ayant heureusement résolu ses problèmes, un récit où l’humour n’était pas que noir ? Ou le jury les a-t-il systématiquement exclus ?
Les promoteurs demandaient des récits prenants. Ce sont la dominante et l’intérêt principal de cette anthologie. Mais limiter autant leur longueur n’a-t-il pas bridé le développement et le renouvellement du thème ? En plus, l’orientation obligée n’encourageait-elle pas les deux grandes plaies de la SF française : le pessimisme et le nombrilisme ? Le prochain concours est déjà lancé. Est-ce vraiment un bien pour les jeunes auteurs ?
Jean-Pierre LAIGLE
Luc Henzig, Paul Lesch et Ralph Letsch
Hugo Gernsback – An Amazing Story
Luxembourg, Centre National de Littérature, 2010, 228 p.
Patrie d’Hugo Gernsback, le Luxembourg n’avait jusqu’à présent guère œuvré pour la SF. Signalons pourtant l’organisation en l’an 2000 d’un concours national de nouvelles qui aboutit l’année suivante à l’édition d’une petite anthologie regroupant les six meilleures, Contes Fantastiques, publiée grâce au Ministère de la Culture. Et encore ne relève de la SF qu’une petite partie du contenu, écrit en allemand, en anglais, en français et en luxembourgeois.
Le Grand-Duché tarda à célébrer la science-fiction en la personne d’Hugo Gernsback. C’est aux USA, il est vrai, qu’il en fit la promotion. En 1953, il était nommé Officier de l’Ordre Grand-Ducal de la Couronne de Chêne à titre de «savant et homme de lettre». En 2002, la ville de Luxembourg donnait son nom à une rue. En 2004, un timbre-poste lui était consacré. Enfin le Centre National de Littérature organisait une exposition du 27 octobre 2010 au 18 mars 2011.
Cette manifestation doit énormément à Ralph Letsch, admirateur de Gernsback, qui a mis sa vaste collection à contribution pour la meubler, sans oublier les prêts de la Syracuse University Library. Pour ceux qui n’ont pu la visiter, il reste un lot de consolation, ce magnifique catalogue en quadrichromie, en anglais et en français, où sont reproduits nombre de documents concernant celui qui demeure le premier titre de gloire du pays quant à la SF.
Pour le chercheur ou le curieux, ce copieux volume est déjà une mine d’informations sur Hugo Gernsback (1884-1967), de son vrai nom Gernsbacher, et dont la nationalité première est incertaine, ses parents étant Badois, mais qui naquit et vécut au Luxembourg, en dehors de quelques années d’études en Allemagne (dont il se méfiait). Bien qu’émigré aux USA en 1903, Hugo Gernsback fut toujours fier de sa patrie natale, ce qui justifie assez que celle-ci le revendique.
Hugo Gernsback fut un personnage cosmopolite, ce qui se traduisit dans le choix de ses auteurs, anglo-saxons, certes, mais aussi allemands, français et même un russe. Ce catalogue s’attarde pourtant longuement sur sa parenté, les décors luxembourgeois de sa jeunesse et ses premières tentatives d’y faire carrière. Savez-vous qu’il installa également des sonneries électriques au couvent des Carmélites de Luxembourg, écrivit et publia une marche luxembourgeoise ?
Cet ouvrage aborde toutes les activités d’H. Gernsback : électricien, inventeur, pionnier de la radio et de la télévision, vulgarisateur, homme d’affaires, éditeur de magazines scientifiques, de SF et de sexologie, promoteur du fandom de SF, (piètre) écrivain même. Ainsi sont reproduites des lettres autographes et des couvertures de ses diverses publications, mais aussi les photographies des émetteurs-récepteurs qu’il lança sur le marché. Tout ceci s’accompagne d’un appareil critique et historique, et de la bibliographie de la fiction de H. Gernsback (à vrai dire assez réduite).
L’amateur et le chercheur s’intéresseront sans doute davantage aux quatre éditoriaux d’Amazing Stories et de Wonder Stories où il définit sa politique éditoriale, ainsi qu’à la circulaire annonçant la création de Science Wonder Stories, documents difficilement accessibles.
Ce volume étant à sa gloire, les superlatifs y abondent. Ainsi, Hugo Gernsback n’est pas le père de la SF moderne mais son premier grand promoteur, dur de dur. Ayant dû vendre Amazing Stories en 1929, il lança aussitôt Science Wonder Stories, qu’il ne céda qu’en 1936, bien après qu’il eut cessé d’être rentable. Il n’abandonna jamais la SF, même après l’échec de Science-Fiction Plus en 1953. Ce catalogue se fait pourtant l’écho de certaines critiques.
Ainsi, l’orientation fatale qu’il aurait donnée à la SF et sa légèreté pour ses contributeurs. Autres pièces que nous rajoutons : Jack Williamson doutait de son honnêteté ; Lovecraft l’appelait «Hugo le rat» ; Fletcher Pratt ne livrait la suite des traductions des feuilletons étrangers qu’après paiement de l’épisode précédent. Enfin, il ne réserva pas les droits de ses illustrateurs. (Selon l’ancienne loi états-unienne du copyright, leurs œuvres tombèrent ipso facto dans le domaine public. C’est ce que me dit il y a plus de vingt ans le célèbre collectionneur Forrest J. Ackerman. étant un agent littéraire important, il arrivait à obtenir cinquante ou cent dollars par-ci par-là des éditeurs qui reprenaient les dessins de Frank R. Paul, le plus célèbre illustrateur de Gernsback, pour les remettre à sa veuve vivant dans la misère.)
Néanmoins, son importance historique est indéniable et ce luxueux hommage est mérité.
Pour commander cet ouvrage, malheureusement non disponible au Québec, on clique le site web.
Jean-Pierre LAIGLE
Mise à jour: Avril 2011 –