Sci-néma 134
par Hugues Morin
Exclusif au supplément Web de Solaris 134, été 2000
Chapitre 2.3
X-Men réussi, Space Cowboys surprenant et le reste déçoit un peu
ou
Mais quand Hollywood comprendra-t-elle que les effets spéciaux sans scénario ne servent à rien ?
Sur la dizaine de films de fantastique et de science-fiction présentés en salles depuis le début de l’été 2000, bien peu se sont montrés à la hauteur des attentes crées autour de leur sortie. Je pense d’abord à Hollow Man, de Paul Verhoeven. Que voilà une idée intéressante pour un réalisateur comme Verhoeven, qui a toujours aimé les trucs tordus et les seconds degrés. Imaginez tout ce que vous pouvez faire lorsque personne ne peut vous voir. Imaginez, si vous n’avez même plus à vous regarder dans un miroir. Juste ça, c’était suffisant pour attendre un grand film sur la question. Malheureusement pour moi (amateur de Verhoeven en plus), Hollow Man déçoit. Premièrement parce qu’il n’exploite justement pas ce filon si prometteur, notre homme invisible se contentant de gags ici et là, puis de délinquances sexuelles, avant d’en arriver au meurtre pour se défendre contre ceux qui veulent le ramener dans le droit chemin. Aux trois-quarts du film, il enferme tout le monde et les tue un par un. La finale, Alien version #184, est très, très décevante, Notons que les effets visuels sont absolument magnifiques, exceptionnels, mais qu’encore une fois, ça ne sert à rien de faire de telles prouesses avec un scénario si faible. Mon jugement est assez dur, mais mes attentes étaient très élevées.
Autre déception, mais de moindre ampleur, puisque les attentes s’étaient amenuisées avec le temps. Battlefield Earth, de Roger Christian, adapté du roman de Ron L. Hubbard, pourtant pas si mauvais. Moins grande déception que pour Hollow Man (le film de Verhoeven est de loin supérieur), c’est malgré tout un navet, nous en conviendrons tous. Les plus importantes lacunes sont le scénario et les dialogues. Pathétiques. Pourtant, le roman était suffisamment simpliste dans l’approche — un bon très bon, un méchant très méchant, l’humanité à sauver –, il aurait normalement dû être facile de l’adapter sans que ça devienne platte. Mais les choix du (des ?) scénariste ont constamment désamorcé l’intérêt de chaque scène, ce qui est presque un exploit en soi, car on a saboté même les bonnes scènes du roman ! On ne comprend tout simplement pas ces choix narratifs qui enlèvent tout intérêt à l’histoire. Un film à oublier.
La surprise de ce début d’été est venue d’un tout petit film sans prétention, avec Dennis Quaid ; Frequency. Un jeune homme communique mystérieusement avec son père à travers le temps, grâce à une vieille radio. Une idée pas nécessairement nouvelle, n’est-ce pas ? Malgré la minceur du propos, le film tient très bien la route, les personnages sont bien campés, le suspense est bien mené, bref, toute l’affaire est cent fois plus intéressante que prévue et voilà donc un petit film qui prouve encore qu’on n’a pas besoin de milliards d’effets numériques pour faire un bon film de SF, que même si l’idée de base n’est pas de la plus grande originalité, c’est son traitement (scénario et réalisation) qui donne ses points forts à Frequency.
Autre agréable surprise que cette histoire de vieillards dans l’espace réalisé par Clint Eastwood : Space Cowboys. J’avoue que la bande annonce semblait amusante, mais l’idée ridicule (malgré le récent voyage en navette du sénateur Glenn). Mais force m’est de reconnaître que le résultat est plutôt bon, pas du tout ridicule. Le voyage en navette de nos quatre complices âgés de 60-70 ans ne semble pas idiot, les nombreux éléments du scénario donnant beaucoup de crédibilité à toute l’affaire. D’abord comme façade pour former les jeunes, puis avec l’image média et la pression politique. Cet aspect du scénario est très bien amené. La réalisation de Eastwood est assez typique, la bonne humeur semble communicative, et l’interprétation est vraiment à la hauteur. Notons que puisque toute l’histoire est crédible et située dans le monde d’ici et maintenant, il ne s’agit pas vraiment de science-fiction, mais comme il s’agissait d’une des rares agréables surprise de cet été, je ne pouvais pas m’empêcher de vous en parler !
Autre cas limite, celui de Disney: Le Kid, avec Bruce Willis, dans le rôle d’un homme de quarante ans qui est visité par lui-même à l’âge de huit ans. Plus fantaisiste que fantastique (et pas du tout SF), c’est plus une fable qu’une histoire surnaturelle. Un très beau film, cependant, en dépit d’une distribution débile de Disney qui l’a assassiné au box office. Déjà que le film est un peu trop adulte pour les jeunes, l’ajout de «Disney» dans le titre lui-même fait croire au public qu’il s’agit d’un film pour enfant. (sans aucune raison autre que commerciale, visiblement, ou alors j’ai pas pigé le film du tout). Le film est donc tombé entre deux chaises et peu de gens l’ont vu. Dommage, car c’est une assez jolie histoire, bien menée et interprétée subtilement par Bruce Willis dans un registre qui lui devient plus habituel au fil des ans.
Film ayant partagé la critique et le public, What Lies Beneath de Robert Zemeckis a très bien fonctionné pour ce cinéphile-ci. J’ai beaucoup aimé la réalisation «à la Hitchcock», les effets de caméras subtils et fascinants par endroits. Ah! ces plans impossibles au travers des portes ou du plancher, j’adore ça ! C’est encore une fois au niveau de l’intrigue que l’on trouve le bémol. Non pas que je l’aie trouvée décevante, mais elle est très très classique. J’aurais certainement trouvé le film décevant (ou moins bon) si ce n’avait été de l’interprétation et de la réalisation. Un peu comme pour Jurassic Park, où Spielberg avait eu le talent nécessaire pour camoufler l’absence totale de scénario. D’accord, Zemeckis n’est pas Spielberg, mais il demeure un des meilleurs réalisateurs de cette école. Et son film est efficace. En tous cas, des cris dans le public se font entendre à pratiquement toutes les représentations ! N’était-ce pas le but du film ?
Dernier film en date dans nos genres de prédilection, Bless The Child, avec Kim Basinger, s’est révélé encore une fois un peu décevant. C’est un beau film : belles images, plusieurs scènes très bien tournées, histoire correcte et tout, mais la pâte n’a pas réellement levé pour moi. Pourquoi ? Par effet de lassitude devant l’intrigue. Pas qu’elle soit mal écrite, ni inintéressante. Alors quoi ? Il faut bien dire que la lutte du bien contre le mal via Dieu et Satan a été exploitée à maintes reprises en fantastique au cinéma et force est de constater que le thème est difficile à renouveler. Bless The Child souffre donc de trop nombreux points communs avec d’autres films fantastiques d’inspiration judéo-chrétienne, tels les récents Stigmatas ou End of Days, par exemple. Meilleur que ce dernier, mais moins bon que le premier.
été morne, non ? Heureusement, il y a eu une jolie surprise. Du moins, c’était une surprise pour moi, car j’appréhendais beaucoup la sortie de X-Men de Bryan Singer. J’aime bien ce réalisateur intelligent, mais compte tenu du nombre de films adaptés de bande dessinée ou de dessins animés qui m’ont déçu au fil du temps, je ne savais trop quoi penser. Et puis, distribuer des rôles importants à des top models ou des spécialistes d’arts martiaux m’emplissait de doutes. Doutes rejetés du revers de la main au visionnement du film. J’ai trouvé l’adaptation excellente, en dépit du fait que ne suis pas un fan ni un grand connaisseur des X-Men, et les réactions des spectateurs m’ont confirmé qu’il n’était pas nécessaire de connaître la BD d’origine pour apprécier le film. Ce qui n’a pas empêché des fans de X-Men d’approuver eux aussi le résultat. Singer aura donc réussi sur plusieurs tableaux, le plus important étant d’avoir réalisé un excellent film. Si vous n’avez qu’un seul film de fantastique ou de science-fiction à voir dans la liste que je viens de couvrir, alors choisissez X-Men. Très bien mené, bien adapté, et assez ouvert pour une suite qui semble inévitable avec la manière dont Hollywood fonctionne. Et pourquoi pas, si on peut obtenir un «X-Men 2» d’aussi bon niveau que celui-ci.
Bref, bien peu de films mémorables, en cet été 2000, du moins pour les genres. Mes coups de coeur me sont venus d’ailleurs. Je pense à Gladiator de Ridley Scott : un grand film, superbe, sans faute. Je pense aussi à des trucs plus légers comme The Replacements, avec Keanu Reeves, bel exemple de bon film qui n’invente pourtant rien du tout ! Keanu que j’ai revu dans The Watcher, avec James Spader, un film de tueur en série qui évite les clichés du genre et que j’ai trouvé très bon en visionnement privé. Il doit sortir quelque part en septembre. The Patriot a été une belle surprise, du fait que mes attentes étaient excessivement basses en regard du lourd passé de son réalisateur Roland Emmerich (Independance Day, Godzilla).
Dans les films à venir, notons Highlander Endgame avec Christophe Lambert à qui quelqu’un devrait dire d’arrêter de faire ça ! Légendes urbaines 2, avec tout un groupe d’acteurs différents, évidemment, et qui devrait être aussi incohérent que le premier (difficile de faire plus incohérent). Lost Souls, avec Winona Ryder, surnaturel d’inspiration judéo-chrétienne dont les copies finales sont dans les entrepôts du distributeur depuis plus d’un an. Puis, en octobre, The Blair Witch Project 2, comme quoi même les meilleurs se font bouffer par la machine. Et enfin, Red Planet, un navet attendu malgré tous les ingrédients pour faire un bon film. L’affiche, avec ses humains sans casque sur Mars, donne le ton. Le seul projet qui semble se démarquer au moment d’écrire ceci, est Unbreakable, de Night Shyamalan, l’intelligent scénariste et réalisateur de Sixth Sense. Un homme (Bruce Willis) est le seul survivant d’un accident de train ayant fait 131 victimes et cet homme n’a même pas une égratignure. Il se questionne et sa quête lui fera rencontrer un type mystérieux (Samuel L. Jackson). On n’en sait pas plus, mais c’est suffisant pour attirer l’attention. Sortie prévue le 22 novembre 2000.
Bon cinéma à tous,
Hugues MORIN
Âme dirigeante d’Ashem Fictions, une dynamique maison de micro-édition, Hugues Morin assure de manière tout aussi passionnée la bonne marche des cinémas Chaplin de Roberval et de Dolbeau.
Mise à jour: Septembre 2000 –