Sci-Néma 176
Christian SAUVé [CS]
Exclusif au Volet en ligne (Adobe Acrobat, 1.53Mo) de Solaris 176, Automne 2010
La science-fiction au cinéma français (2003-2009)
Une des lacunes les plus gênantes de notre chronique «Sci-néma» est sans doute le silence qui accueille le cinéma de science-fiction français depuis 2003. Ce n’est pas délibéré, et peut-être même excusable. Car si les films de SF français font parler d’eux à leur sortie en salle européenne, ils ne parviennent en Amérique du Nord qu’après des mois d’attente, le plus souvent sous forme de DVD lancés sans le moindre effort de mise en marché. Ils glissent sous le radar de cette chronique malgré les meilleures intentions des auteurs. C’est d’autant plus dommage que, depuis 2003, il y a chaque année au moins un authentique film de science-fiction français et qu’ils ont souvent des qualités visuelles remarquables qui justifient à elles seules leur visionnement.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire, cette rétrospective commencera donc en 2003, date de sortie de Kaena: La Prophétie, un film d’animation numérique qui se déroule dans un gigantesque arbre suspendu entre deux mondes. On y fait la rencontre d’une jeune aventurière qui finit par découvrir la nature de son monde et qui mènera à bon terme un long affrontement entre deux races extraterrestres cherchant à prendre contrôle des lieux. Cette coproduction franco-canadienne s’adresse plus ou moins à un jeune public, mais il ne faudrait pas que les dialogues simplistes, certains personnages agaçants ou une animation parfois hésitante vous découragent d’y jeter un coup d’œil, car la conception visuelle est somptueuse, la construction de monde intéressante et le rythme généralement bien mené. La «touche française» est évidente quand on voit à quel point l’héroïne est court-vêtue, ce qui est même mentionné dans «l’entrevue virtuelle» qui se trouve dans les suppléments du DVD nord-américain.
L’année d’après, les cinéphiles ont eu droit au premier film de la série Banlieue 13. Plus proche du film d’action de série B que de l’authentique SF, Banlieue 13 se déroule tout de même dans un futur proche où les banlieues parisiennes ont été emmurées et abandonnées aux gangs de rue qui y font la loi. Les amateurs du genre apprécieront les combats d’art martiaux et les démonstrations de parkour qui forment l’essentiel du film; on remarque les prestations de Cyril Raffaelli et David Belle en sympathiques héros d’un film d’action qui se compare honorablement à ce qui se fait n’importe où ailleurs dans le monde. Ceux qui préfèrent leur science-fiction plus novatrice n’auront pas beaucoup plus à se mettre sous la dent; on saluera toutefois la perspicacité du scénariste Luc Besson qui y anticipait les facteurs ayant mené aux émeutes parisiennes de 2005 et 2007. Une suite parue en 2009, Banlieue 13: Ultimatum, offre les mêmes qualités et carences que l’original, à peu près dans les mêmes proportions.
C’est aussi en 2004 que paraît Immortel (Ad Vitam), un somptueux film de SF écrit et réalisé par Enki Bilal à partir de sa propre bande dessinée. Ce mélange de dieux égyptiens extraterrestres, de manipulation génétique, de possession corporelle et d’animation numérique est d’une ambition visuelle ahurissante, et mérite d’être classée parmi les réussites du cinéma SF français de la dernière décennie. Certes, on en aura long à dire sur le scénario, l’intégration bizarre des personnages numériques avec ceux incarnés par les acteurs, ou bien le manque de cohérence de ce New York de 2095. Mais Bilal n’est pas le premier venu et Immortel (Ad Vitam) n’est pas sans rappeler Le Cinquième élément pour la manière avec laquelle on entremêle la comédie parfois maladroite, l’érotisme inconfortable et une vision du futur véritablement originale. à ne pas manquer, même s’il est préférable de garder des attentes modestes au niveau du scénario.
Même constat concernant Renaissance (2006), un film d’animation numérique situé dans le Paris de 2054. Réalisé en infographie noir et blanc ultra-saturée, le film de Christian Volckman est une expérience visuelle de quatre-vingt-dix minutes et s’avère autant une épreuve qu’une découverte. L’image noir et blanc saturée n’a aucune profondeur de champ et très peu de flou cinétique, si bien que l’œil a de la difficulté à s’y faire même lorsqu’on est époustouflé par la technique. Les gens qui attrapent un mal de tête ne sont pas rares. Le scénario – leitmotiv dans ce survol de la production française – est beaucoup moins intéressant que l’aspect visuel. L’histoire qui mélange manipulations génétiques, traque policière et méchante corporation qui semble contrôler toute la métropole se termine en queue de poisson. Néanmoins, on recommandera Renaissance comme un incontournable de la SF française des années 2000-2010, ne serait-ce que pour la vision d’un Paris où il est possible de s’offrir une sensationnelle poursuite automobile sous autoroutes vitrées se terminant en face de la cathédrale Notre-Dame!
Il y a également beaucoup de bonnes choses à dire au sujet de Chrysalis (2007), un thriller ayant lieu à Paris dans un futur un peu plus rapproché: 2025. Deux histoires indépendantes finiront par s’entrecouper: un policier agressif traquant un kidnappeur et une jeune fille se remettant d’un grave accident dans une froide clinique médicale. Développé autour d’une solide prémisse SF, Chrysalis a l’avantage d’être un peu plus ambitieux sur le plan de la structure. Non seulement le film propose deux histoires convergentes, mais chacune a un style visuel différent: caméra à l’épaule naturaliste pour le thriller policier, plans fluides et sobres pour le drame médical. Les amateurs d’action seront comblés par certaines trouvailles, comme l’excellente séquence d’ouverture, ou bien une poursuite à pied en long plan continu. Le récit a le malheur de défaillir vers la toute fin, bouclant une intrigue avec un cliché mainte et mainte fois vu, mais le poli visuel du film est remarquable et mérite à lui seul un visionnement. Le DVD nord-américain du film nous apprend une filiation entre Renaissance et Chrysalis, puisque Christian Volckman a contribué au design visuel du film.
Cette belle lancée s’est malheureusement interrompue en 2007 avec la sortie du décevant Eden Log. Visuellement inusité mais vide de contenu, Eden Log s’intéresse à un homme amnésique perdu dans un vaste complexe dont il comprendra finalement le sens. Film à très petit budget réalisé selon une esthétique d’inspiration trash, Eden Log est plus pénible que satisfaisant. Il faut démontrer une maîtrise de soi considérable pour ne pas appuyer sur le bouton d’avance rapide lors des interminables séquences de voyage solitaire qui composent l’essentiel du film, et la conclusion est loin de récompenser la patience du spectateur. La présence de l’écrivain Pierre Bordage à la scénarisation est une preuve éloquente que la qualité d’un film de SF n’est pas nécessairement rehaussée par la contribution d’un professionnel de l’écriture de science-fiction.
Coïncidence malheureuse, Bordage est aussi associé à la scénarisation de Dante 01 (2008), et le résultat n’est pas plus probant. Chronique d’un homme amnésique (encore?) envoyé paître dans une station prison spatiale où des scientifiques mènent des expériences sur leurs prisonniers, Dante 01 semble situé dans les décors d’Alien: Resurrection, mais carbure sur un mélange d’énigmes paresseuses, de divagations philosophiques et d’une tonne de prétention. Le réalisateur Marc Caro est bien connu pour la richesse de son imaginaire visuel, mais ça ne sauve pas un film irritant et ennuyeux. Le tout se termine par deux minutes interminables où quatre plans sont répétés en boucle ad nauseam, accélérant jusqu’à ce que roule le générique que l’on n’espérait plus.
Prions que ces deux dernières productions ne soient pas le signe d’une régression pour le cinéma de SF français, dont le corpus récent démontre tout de même quelques tendances. Une esthétique raffinée souvent bien différente des productions américaines; des touches d’humour ou d’érotisme «typiquement françaises»; ainsi que des scénarios parfois naïfs qui mélangent paranoïa institutionnelle, prétentions philosophiques et un manque de rigueur et de cohérence dans la création science-fictionnelle.
Cela n’empêchera pas de répéter ici quelques recommandations: Banlieue 13 et sa suite auront de quoi combler les amateurs de films d’action à léger soupçon de SF, alors qu’Immortel (Ad Vitam), Renaissance et Chrysalis compensent plusieurs carences de leurs scénarios par d’indéniables qualités visuelles. Kaena: La Prophétie conviendra surtout aux attentes d’un public adolescent mais se laissera regarder par toute la famille.
Ce sont des films tout à fait convenables pour l’amateur de SF ayant fait le tour des productions hollywoodiennes récentes, d’autant plus que le nombre de films de SF intéressants par année est limité. Reste à voir si cet éveil 2003-2009 de l’industrie cinématographique française se poursuivra dans la prochaine décennie… et nous essaierons d’être plus vigilant pour en parler au moment de leur sortie, que celle-ci se fasse en salle ou en DVD.
Inception
Quelle période faste que les années 2009-2010 pour l’amateur de science-fiction cinématographique. En à peine un an, il a été possible de voir des œuvres aux qualités indéniables telles Moon, District 9 ou encore Avatar, chacune de ces productions offrant un imaginaire SF sophistiqué et personnel. Un autre film de grande qualité peut être joint à cette liste: Inception, le plus récent opus de l’excellent réalisateur britannique Christopher Nolan, qui a déjà fait ses preuves dans nos genres avec des films tels The Prestige et The Dark Knight.
Avec Inception [Origine], Nolan explore le thème suivant: et s’il était possible d’entrer dans les rêves d’une autre personne et de les manipuler? Nous faisons rapidement connaissance avec Cobb (Leonardo DiCaprio) et son équipe, des truands qui se spécialisent en vols d’information à partir de l’inconscient de leurs victimes. Mais leur coup tourne mal, et bientôt Cobb est chargé d’une mission bien plus complexe: aller insérer des idées dans la tête d’un concurrent de leur client.
Un tel résumé ne rend guère justice à la complexité d’un film qui opère sur cinq ou six niveaux de réalités, explorant au passage des questions d’intégrité, de mémoire, de fatalisme, voire même de l’art cinématographique lui-même. Nolan avait prouvé avec The Prestige jusqu’à quel point il était capable de concevoir un scénario bien huilé. Avec Inception, il parvient non seulement à construire une machine à explorer les idées, mais l’enchâsse au sein d’un superbe film à suspense truffé de scènes d’action spectaculaires. Le résultat est un rare hybride entre le blockbuster grand public et le film de réflexion.
Car dès les premières minutes, qui nous plongent en pleine action sans beaucoup d’explications, Inception sollicite la totale attention du spectateur afin qu’il saisisse la logique qui sous-tend l’intrigue. Et, une fois établie, celle-ci ne cesse de se développer le long de plusieurs voies parallèles qui finissent par se télescoper. Réalisé avec précision, écrit avec distinction, Inception a de quoi époustoufler par l’audace de ses ambitions et l’élégance de son exécution. Ainsi, la finale délicieusement ambiguë donnera satisfaction à ceux qui veulent une explication définitive, à ceux qui n’en veulent pas, et à ceux qui préfèrent en discuter éternellement.
Il serait dommage de pinailler au sujet de quelques faiblesses logiques, de quelques longueurs, de la présence de certains personnages moins bien définis, alors qu’Inception est un des rares films qui se hisse au niveau de la science-fiction écrite. Et même plus, car Nolan exploite les possibilités uniques au cinéma pour livrer une histoire SF qui aurait été moins efficace sous forme de prose. Il n’est pas impossible que le film figure au premier plan des bilans de fin d’année, autant chez les critiques de genre que chez les critiques mainstream.
Incontournable.
Splice
Le réalisateur canadien Vincenzo Natali n’est pas resté inactif depuis la sortie remarquée de Cube en 1997. Il est vrai que ses réalisations subséquentes n’ont pas autant marqué l’imaginaire des amateurs de genre, mais la sortie de Splice [Nouvelle Espèce] rappellera à tous que Natali est un réalisateur à surveiller.
Film d’horreur nettement plus ambitieux que d’autres «films de monstres», Splice semble à prime abord opérer selon les règles convenues du sous-genre. Deux scientifiques pas entièrement stables émotionnellement finissent par assembler une nouvelle forme de vie sans trop se préoccuper des questions éthiques d’une telle innovation. Forcés de prendre soin de leur créature à l’extérieur de leur laboratoire, ils finiront par constater que cette dernière est infiniment dangereuse…
Jusqu’ici, tout est familier. Le thème plonge ses racines jusque chez Frankenstein. Mais attention: Natali connaît nos genres favoris, et n’est jamais satisfait avec les réponses faciles. Dès le départ, on se doute que si des acteurs aussi intelligents que Sarah Polley et Adrian Brody ont accepté les rôles principaux, le film résultant ne sera pas totalement routinier. Et c’est un fait que cette coproduction franco-canadienne, réalisée avec un budget relativement modeste, est très bien menée. La réalisation est fluide, le maquillage et les effets spéciaux sont superbes, le jeu des acteurs irréprochable, et ce n’est pas tous les jours qu’un film montre deux scientifiques à l’aise dans leur travail. Ce n’est qu’un peu plus tard que le spectateur astucieux percevra le sous-texte. La création d’une forme de vie est ici motivée par un désir conjoint de fonder une famille, ce qui change du désir de procréation du scientifique célibataire plus courant dans ce type de film. Le thème résonnera de façon assourdissante à mesure que la créature se développera au même rythme que les complexes de ses parents.
Splice n’est pas un film plaisant et certains des enjeux explorés auront de quoi provoquer et déranger plus d’un spectateur. Les deux scientifiques sont tout aussi détestables l’un que l’autre, oscillant chacun leur tour entre héros/protecteur et tueur/séducteur. Que personne ne soit surpris, après le générique de la fin, d’apprécier le résultat… tout en souhaitant ne plus jamais revoir le film. Tout de même, vu la qualité de cette production, on espère que l’on confiera bientôt à Natali des budgets plus conséquents et la liberté créatrice nécessaire pour mener ses projets à bien. En attendant, reste Splice: un film avec un monstre qui n’est pas nécessairement un film de monstre.
Twilight 3: Eclipse
Alors que se termine l’été 2010, il peut sembler inutile de réexpliquer le phénomène Twilight tellement le zeitgeist est dominé par cette franchise média. Mais Solaris n’est pas une revue ordinaire et reconnaît la possibilité qu’elle soit lue par des extraterrestres, d’ex-cryogénisés ou bien tout simplement par nos descendants de l’an 2110. Pour ceux-là, résumons donc la situation. Phénomène d’édition des années 2005-2010, la série Twilight de Stephenie Meyer s’intéresse aux chastes déboires amoureux de Bella Swan, une adolescente tiraillée entre deux prétendants surnaturels: un vampire et un loup-garou. Les deux jeunes hommes se détestent à la fois parce qu’ils se disputent l’affection de Bella, mais aussi parce que leurs deux races sont à crocs-exposés depuis des lunes. Succès monstre en librairie, la série Twilight déferle maintenant sur les écrans au rythme d’un film par an, battant le fer de l’adulation adolescente pendant qu’il est chaud-chaud-chaud.
Ce troisième volet de la série, pompeusement titré The Twilight Saga: Eclipse [La Saga Twilight: Hésitation] ne présente pas d’intrigue particulièrement compliquée. Un vampire renégat créé par la dangereuse Victoria forme une armée pour attaquer Bella, forçant les clans locaux de vampires et de loups-garous à former une alliance pour la protéger et éliminer le problème. En parallèle, Bella continue, à l’exaspération générale, d’hésiter entre son vampire et son loup-garou préféré. Ces deux intrigues sont établies dès les quinze premières minutes du film, et n’évoluent pas beaucoup jusqu’aux quinze dernières. C’est donc dire que nous avons droit à une heure d’hésitation romantique et de menaces répétées au sujet de l’arrivée imminente de l’armée des vampires.
La bonne nouvelle, c’est qu’Eclipse est un film généralement moins ridicule que les deux premiers volets de la série. Le scénario comporte beaucoup moins de moments accidentellement hilarants et le tout est réalisé de manière relativement compétente par David Slade, rendant le visionnement plus tolérable à ceux qui ne sont pas convaincus par le phénomène Twilight. Le revers de cette médaille, c’est qu’Eclipse est moins intéressant à critiquer. Conventionnel, voire ordinaire, il ne laisse aucun souvenir impérissable, bien qu’avec un peu de recul il est possible d’apprécier l’action de la bataille finale entre loups-garous et vampires renégats, ou bien de sourire en pensant à une scène où Bella se laisse réchauffer en pleine tempête de neige par un loup-garou bien bouillant alors que son rival vampire attend glacialement à l’extérieur de la tente.
à l’instar des films précédents, Eclipse est un film surnaturel qui n’est pourtant pas destiné à un public friand de films d’horreur. Allons plus loin: ce n’est pas un film pour les lecteurs de Solaris. Film de romance adolescente, il continue d’exploiter le filon universel d’une adolescente qui doit choisir entre deux prétendants qui se détestent, chacun étant un noble et un puissant dans sa société respective. Cela suffira-t-il pour faire passer le film à l’histoire? Si les phénomènes pop-culturels nous ont enseigné quelque chose, c’est qu’ils sont éphémères. Et c’est ici que nos éventuels lecteurs de l’an 2110 savent quelque chose que nous ignorons toujours: comment percevra-t-on Twilight dans un siècle? Sur combien de volume s’étendra la «saga» Twilight?
The Last Airbender
Quel fouillis!
The Last Airbender [Le Dernier Maître de l’air] est sans doute la pire adaptation de fantasy depuis le pitoyable Eragon. Car il s’agit de l’adaptation au grand écran de la série d’animation Avatar présentée par la chaîne américaine Nickelodeon (avatar qui n’a rien à voir avec le film de James Cameron, on l’a compris).
Les raisons de cet échec sont nombreuses et instructives. On notera tout d’abord le faux pas qui consiste à confier les rôles principaux du film à des acteurs caucasiens, alors que toutes les références culturelles de la série originale sont clairement asiatiques. Cette profusion d’acteurs blancs (à l’exception de l’antagoniste, incarné par l’Indien Raj Patel), crée un sentiment d’incongruité qui sera d’autant plus fort chez les spectateurs friands de films de fantasy asiatiques. Sur Internet, le tollé entourant cette décision aura mené à www.racebending.com, un site informatif qui profite de l’occasion pour souligner la tendance systématique d’Hollywood à confier des rôles asiatiques à des acteurs blancs, ou en contrepartie à reléguer les acteurs d’origine asiatique dans des rôles stéréotypés.
Mais il y a des problèmes plus criants à ce film qu’un casting inapproprié. Le scénario écrit par M. Night Shyamalan est confus, les dialogues sans grâce et le développement des personnages bâclé. Par exemple, le spectateur apprendra par une narration hors champ une romance impliquant un des personnages principaux: clairement, le concept de «démontrer plutôt que de dire» est bien loin des préoccupations du film.
La mise en scène de Shyamalan n’aide en rien. Réalisé avec beaucoup de moyens mais peu de discipline, The Last Airbender n’échappe que de peu à l’incohérence absolue. Souvent sombres et sans relief, les scènes donnent l’impression de se succéder sans ordre logique. Un tissu conjonctif manque cruellement à l’ensemble. Seuls quelques plans plus mémorables nous rappellent que Shyamalan a réalisé des bons films par le passé. Une insulte supplémentaire est servie aux spectateurs suffisamment malchanceux pour voir le film en trois dimensions. Rapidement transformé en 3D en post-production plutôt qu’au moment du tournage, The Last Airbender est bâclé aussi sur cet aspect et finit même par empirer l’impression laissée par le film étant donné la perte de luminosité inévitable à la projection 3D.
Bref, non seulement n’y a-t-il rien à voir, mais il faut s’empresser d’oublier ce qu’on a vu si on ne connaît pas encore la richesse de l’imaginaire offert par la série télévisée inspiratrice. à l’instar d’Eragon, dont le projet de trilogie ne s’est pas concrétisé vu les maigres résultats obtenus par le premier volet, on espère que tout projet de donner suite à The Last Airbender restera sur les tablettes.
The Sorcerer’s Apprentice
Comme beaucoup de produits de l’usine cinématographique Disney, ce film est à la fois convenu et sympathique. Soi-disant adapté de la séquence éponyme du dessin animé Fantasia, The Sorcerer’s Apprentice [L’Apprenti sorcier] a plus de filiation avec les films de la série National Treasure, également réalisés par Jon Turteltaub. Autrement dit, ce sont des divertissements bien assemblés, astucieux même, sans trop de profondeur mais généralement agréables.
Les sourires commencent dès les premières scènes alors qu’un étudiant en physique traumatisé par des événements inexplicables une dizaine d’années plus tôt finit par être nommé «apprenti-sorcier» par un magicien excentrique. Ce qui signifie, inévitablement, qu’il sera entraîné dans un conflit immémorial entre bons et mauvais sorciers, avec les complications romantiques qui ne tardent pas à surgir dans ce genre de situation. Tout cela accompagnés de nombreux effets spéciaux pour illustrer les effets de la magie.
Avec le producteur Jerry Bruckheimer qui supervise, on ne sera pas surpris si un peu d’excentricité épice un film qui aurait pu être ordinaire. Le rôle du jeune apprenti est ainsi confié à Jay Baruchel, acteur montréalais sympathique tout à fait qualifié pour jouer un intellectuel malhabile. Son partenaire étant Nicholas Cage en mode cabotin, il en résulte des dialogues délicieux qui seraient complètement tombés à plat avec deux autres acteurs. En effet, les six scénaristes ayant compris que l’audience du film en a vu d’autres, personne ne tente de réinventer la roue. Les dialogues atteignent donc un degré autoréférentiel parfois amusant. Ainsi, lors d’une poursuite automobile truffée de trucs magique, le sorcier répond aux questions évidentes de son apprenti avant même que ce dernier n’aie le temps de les poser.
Au final, malgré une impression de déjà-vu, et quelques scories – on notera une séquence de nettoyage magique, rendant hommage à Fantasia mais si burlesque qu’elle ne cadre pas avec le reste du film –, c’est un film bien supérieur dans le genre que d’autres tentatives cinématographiques récentes, comme Percy Jackson and the Olympians.
Christian SAUVé
Mise à jour: Octobre 2010 –