Sci-Néma 180
Christian Sauvé
Exclusif au Volet en ligne (Adobe Acrobat, 1.2Mo) de Solaris 180, Automne 2011
Green Lantern et Captain America: The First Avenger
Les films de super-héros se suivent et ne se ressemblent pas. Alors que Marvel semble voguer de succès en succès avec les adaptations cinématographiques de leurs super-héros, de Spider-Man à X-Men en passant par la série Avengers que préfigure Iron Man, Hulk, Thor et le reste, le studio DC semble avoir plus de difficulté à faire le saut au grand écran. Le succès récent de Batman semble reposer entièrement sur les épaules de Christopher Nolan, alors que le dernier Superman a été désavoué. Sinon, à part pour Watchmen, c’est le silence. Qui osera avouer que Jonah Hex était basé sur une bande dessinée DC?
Après le relatif succès commercial et critique de X-Men: First Class, les espoirs étaient ravivés à la sortie de Green Lantern et Captain America: The First Avenger. Le premier devait donner un grand coup pour démontrer la viabilité cinématographique de l’écurie des héros DC de deuxième plan (personne n’ayant plus besoin d’introduction pour Superman, Batman et Wonder Woman), alors que Captain America était supposé réintroduire le personnage au grand écran à temps pour le méga-film de 2012 The Avengers.
à en juger par les recettes et les critiques, un des films a bien fonctionné. L’autre, moins bien.
Rappelons une considération de base: malgré ce que nous répètent certains férus de la bande dessinée, BD et cinéma sont des formes artistiques très différentes. Un des médiums est exclusivement pictural et doit être décodé selon des protocoles de lecture dont on ne perçoit plus la sophistication; l’autre est audiovisuel et s’inscrit dans la durée, c’est un art de représentation. Dans le cas des super-héros, imaginez qu’il faut en plus construire une œuvre indépendante de plus ou moins deux heures à partir d’un matériau d’origine qui s’étend parfois sur une soixantaine d’années et des centaines de fascicules.
Soyons charitables en rappelant que les éléments de la mythologie cosmique de Green Lantern datent tout de même des années quarante, et qu’ils s’adressaient à un jeune public. Lorsque vient le moment de présenter ce charabia fantaisiste au grand écran à une audience qui n’est pas déjà vendue d’avance, le résultat est parfois ridicule, parfois incompréhensible et parfois niais. Pourquoi tous les personnages se connaissent-ils déjà? Qu’est ce qui pourrait être plus stupide qu’une lanterne magique? Est-ce que l’on a vraiment besoin d’affronter un monstre extraterrestre lorsque l’on peut à peine sympathiser avec les personnages humains?
Même en mettant de côté ces considérations, le film lui-même a des problèmes. Les scénaristes font tout un plat pour essayer de faire croire à la couardise du protagoniste, mais personne n’a de doute sur le fait qu’il sera à la hauteur lorsque ce sera nécessaire – c’est une des conventions narratives les plus élémentaires des films d’action, après tout. Pour le reste, le scénario compte peu de moments marquants et semble, en fait, s’être donné pour but de présenter des personnages agaçants. Les pouvoirs de la lanterne sont mal expliqués, et lorsque le monstre arrive en fin de film, il est d’un brun scatologique assez douteux, menaçant une population pour laquelle aucune sympathie n’a été développée.
Voilà un triste retour de choses pour l’acteur canadien Ryan Reynolds, pourtant bien sympathique dans le rôle du protagoniste. Il fait ce qu’il peut, mais son énergie ne peut compenser la vacuité du reste. Pour un film gambadant sur des distances cosmiques, Green Lantern paraît bien pédestre.
Si le studio DC persévère dans son désir de faire renaître au grand écran d’autres super-héros, peut-être devra-t-il examiner avec plus d’attention les efforts de son rival Marvel. Adapter Captain America au grand écran était a priori un projet aussi délicat que Green Lantern. Les deux personnages ont, après tout, le même âge et un corpus aussi imposant. Ajoutons la difficulté supplémentaire de respecter le patriotisme avoué du personnage. Comment créer un Capitaine America pour le monde entier? Comment condenser soixante ans de publication continue dans une œuvre destinée à un nouveau public et ceci à l’échelle du globe?
La réponse passe par les nazis. La décision était audacieuse: replacer le personnage à l’époque de la création de la BD pendant la Deuxième Guerre mondiale. Captain America: The First Avenger [Capitaine America: Le Premier Vengeur] devient alors pièce historique et peut ainsi se permettre d’adopter le patriotisme sans ambiguïté de l’époque. Lorsque le héros cherche à tout prix à s’engager dans l’armée pour combattre les nazis, le spectateur y croit. Sous la réalisation de Joe Johnston (à qui on doit The Rocketeer), Captain America devient une autre aventure sans dilemme moral où les nazis (mieux encore: les pire-que-nazis) doivent être anéantis. La Deuxième Guerre mondiale ainsi transposée propose un mélange de machinerie dieselpunk et d’héroïsme plus grand que nature. Quant à Chris Evans, il s’en tire fort bien derrière la mâchoire carrée du protagoniste.
Ceci étant un des prologues au méga-film The Avengers, il y a de nombreux liens avec le reste de l’univers que Marvel construit film après film depuis The Incredible Hulk de 2008. Ainsi, le père de Tony Stark s’avère un personnage secondaire important, mais aussi sympathique pour ceux qui n’ont pas vu Iron Man. Un épilogue assez surprenant vient lier Captain America à une réalité contemporaine d’une manière qui promet un suivi.
Mais le plus important de tout, c’est que Captain America s’avère un film d’aventure rondement mené et pas si bête au final. Un peu comme dans X-Men: First Class, l’atmosphère d’époque est bien rendue, le scénario comporte quelques surprises (en nous montrant, par exemple, le début de la carrière de Capitaine America, une pure marionnette de propagande). Les enjeux sont relativement familiers, en faisant de son vilain un super-nazi plutôt que le monstre de fumée brune venue de l’espace de Green Lantern. Mais qu’on se console: si les recettes de Green Lantern demeurent inférieures à celle de Captain America, le film ne s’est pas si mal classé que ça au box-office. Parions que la vague de films de super-héros en a encore pour un bon moment.
Transformers 3: Dark of the Moon
Après l’échec critique du deuxième volet, les attentes au sujet de Transformers 3: Dark of the Moon [Transformers 3: La Face cachée de la lune] étaient tellement basses que n’importe quelle amélioration avait le potentiel de plaire au spectateur. Malgré des recettes de huit cents millions de dollars au box-office mondial, les critiques au sujet de Transformers 2: Revenge of the Fallen avaient été tellement mauvaises que même les cinéastes et acteurs impliqués dans le projet s’étaient sentis obligés de reconnaître leurs erreurs durant la campagne de publicité du troisième film. De plus, il y avait l’aspect 3D: les séquences d’action déjà presque incompréhensibles des deux premiers films allaient-elles faire exploser des têtes une fois présentées en 3D?
Bref, Michael Bay s’était peint une cible en pleine poitrine en acceptant de réaliser ce troisième volet. Malgré le potentiel commercial du projet, on avait l’impression que l’auditoire se présenterait à reculons cette fois-ci. D’où une certaine surprise ravie de constater que, peu importent ses nombreuses lacunes, Transformers 3 est meilleur que son prédécesseur, voire même que le premier film de la série!
Mais ne nous embarrassons pas d’éloges pour autant. Dark of the Moon demeure prisonnier de plusieurs décisions contestables prises dès le début de la trilogie. Les robots sont trop visuellement complexes pour être sympathiques, les scénaristes continuent de recourir à de l’humour douteux, des raccourcis impardonnables et des improvisations. Le personnage de Shia LaBoeuf est toujours aussi déplaisant, le personnage de John Malkovich est inutile (n’importe quel scénariste compétent l’aurait combiné avec celui de Patrick Dempsey), les pitreries de Ken Jeong et des parents du protagoniste continuent d’exaspérer. La réalisation de Bay est trop frénétique pour laisser au spectateur le temps de pleinement apprécier ce qui se passe, et l’absurdité fondamentale de voir à l’écran des robots qui se transforment en autre chose continue de forcer la crédulité si on a plus de huit ans.
Mais ces défauts sont ici moins stridents que dans les volets précédents, et sont compensés par des qualités nouvelles. Conséquence heureuse du tournage en 3D, Bay a compris qu’il fallait ralentir le rythme du montage pour laisser à l’œil le temps de comprendre les scènes. Sans devenir un modèle à suivre (la dernière heure n’est qu’une longue séquence d’action continue) Bay évite l’incohérence cinématographique et se permet quelques longs plans qui calmeront ses détracteurs, même en 2D. On remarquera, par exemple, un plan ininterrompu pendant une séquence de poursuite endiablée dans lequel un robot se transforme en véhicule autour d’un Shia LaBoeuf hurlant. Du pur plaisir de cinéphile pour une fois non interrompu par une tornade d’angles différents.
On remarquera également un scénario nettement plus ambitieux, qui contextualise les conséquences d’un affrontement entre robots gigantesques d’une manière qui trouve des résonances chez le public américain. Le centre-ville de Chicago est mis à feu et à sang au début du troisième acte, et l’imagerie qu’utilise Bay pour montrer l’ampleur de la destruction emprunte à l’iconographie du 11 septembre 2001. En voix off, les milliers de morts s’accumulent, donnant au film un poids dramatique plus sérieux que la finale pyramidale égyptienne du deuxième volet.
Il y a aussi du matériel à apprécier dans la mise en situation. Avant même le générique du début, on se fait servir une somptueuse histoire secrète du programme spatial américain où la course à la lune n’était qu’écran de fumée pour récupérer une technologie extraterrestre. Un peu plus tard, on apprend l’existence d’un groupe connaissant ces informations depuis longtemps, et œuvrant en coulisse pour assurer leur survie. Dommage que ces révélations n’aient pas été préparées par les épisodes précédents: mais pour ce faire, les scénaristes auraient dû faire preuve de planification, de retenue, voire même de cohérence – ce qui n’est pas leur fort.
D’une durée d’environ deux heures trente, Transformers 3 est trop long de trente/quarante minutes… tout comme ses prédécesseurs. Mais les amateurs de SF trouveront un peu de substance dans les détails de la mise en scène, et les amateurs d’action seront comblés (littéralement – il est possible qu’ils ressortent du film incapables d’en regarder une minute de plus) par le dernier acte apocalyptique. Plus appréciable comme spectacle visuel que comme œuvre narrative, Dark of the Moon a l’avantage de livrer ce qu’il promet… et de le faire mieux que ce que l’on aurait pu craindre.
Harry Potter and the Deathly Hallows
Et voilà: après dix ans, huit films et des milliards de dollars de recettes, la série Harry Potter est maintenant complète. Ceux qui avaient hésité à commenter la première moitié de Harry Potter and the Deathly Hallows [Harry Potter et les reliques de la mort] peuvent maintenant livrer un jugement d’ensemble sur toute l’œuvre.
Sci-néma restera bref. Après tout, que faire d’autre sinon reconnaître le succès de l’entreprise? En 2001, lors de la sortie du tout premier film, personne n’aurait pu prédire l’engouement populaire qui s’ensuivrait, personne n’aurait pu espérer le maintien d’un tel niveau de qualité d’un film à l’autre, qui reposait après tout sur les épaules de très jeunes acteurs qui ont affermi leur talent devant nos yeux. Nombreuses ont été, depuis lors, les tentatives de recréer le succès Potter. On se souviendra (peut-être) de l’échec des projets tels His Dark Materials, Spiderwick, Eragon et Percy Jackson. Rien n’est arrivé à la cheville d’Harry Potter.
Warner Brothers ayant décidé de traiter la série comme un joyau de la couronne, chaque film a été appuyé par des moyens suffisants pour réaliser la vision de Rowling. Cinématographie et effets spéciaux ont toujours été à la fine pointe de la technologie. Les scénarios ont finement adapté les moments essentiels des très longs livres. La liste de ceux qui ont habité les personnages de la série se lit comme un annuaire des grands acteurs anglais. L’évolution de la série vers des thèmes sans cesse plus adultes a été fidèlement respectée à l’écran, et comparer les premiers moments de la série avec les derniers (comme le fait une séquence plus surréaliste du dernier film) suscite un vertige rarement rencontré au cinéma.
Devant l’ampleur de la réussite de la série, le critique reste un peu bouche bée lorsque vient le moment de contempler le dernier volet. Deathly Hallows Part 2 est ce que les studios appellent un film à l’épreuve des critiques, avec audiences identifiées des années d’avance. Tout au plus faut-il se contenter de dire qu’après un Deathly Hallows Part 1 un peu longuet, ce dernier volet n’est qu’un long troisième acte. Révélations et conclusions se succèdent rapidement, l’assaut apocalyptique de Hogwarts accordant une pleine latitude aux cinéastes pour multiplier les moments forts et boucler chaque sous-intrigue de la série. Si la caméra passe parfois un peu rapidement sur le sort des nombreux personnages secondaires (un défaut partagé avec le livre), le film se termine de manière définitive, satisfaisant pleinement les fidèles de la série ayant passé au moins dix-neuf heures de leurs vies à tout regarder.
Peut-être qu’un jour, dans un futur éloigné où les descendants d’Hollywood seront pris d’une fièvre de remakes, osera-t-on toucher à nouveau à la série Harry Potter. Entre-temps, elle se dresse comme un monolithe de la fantasy cinématographique: imposante, épique, réussie et presque impossible à critiquer. Il serait tentant d’en recommander le visionnement à tous les sceptiques, mais ne nous leurrons pas: pratiquement tous les lecteurs de Sci-néma l’auront déjà vu.
Cowboys & Aliens
On accordera à Cowboys & Aliens [Cowboys et aliens] un bon point pour l’honnêteté de son titre. Rarement depuis Snakes on a Plane a-t-on vu un titre refléter aussi fidèlement le propos d’un film. Il y a des cowboys. Il y a des extraterrestres. Il y a des cowboys et des extraterrestres. Si, à partir de cette information, le spectateur n’est pas en mesure de décider s’il s’agit d’un film qui risque de lui faire plaisir, la faute n’est pas du côté du département du marketing. (à strictement parler, il s’agit du titre de la bande dessinée qui a inspiré le film. Maintenant que vous savez ceci, rayez de votre mémoire l’existence de la BD: mal racontée, terriblement dessinée et presque totalement différente du film, elle ne mérite ni votre argent, ni votre attention.)
Ceci dit, pour les lecteurs de Solaris, il y a lieu de s’interroger sur ce mélange des genres. S’agit-il d’un western aux relents de science-fiction, ou bien un authentique film de SF prenant place au far-west? Le cinéphile à la mémoire longue se rappellera l’échec retentissant de l’hybride SF/western Wild Wild West et risque de se demander si Cowboys & Aliens fait mieux.
La réponse dépendra sans-doute de l’intérêt du spectateur pour le western. Car au poids, les éléments SF du film, eux, sont nettement moins réussis. Lorsqu’est révélé le pourquoi de la présence extraterrestre, l’amateur de SF futé aura raison de souligner qu’il n’est pas logique d’aller chercher sous la surface terrestre des éléments disponibles plus facilement dans la ceinture d’astéroïdes. Les extraterrestres eux-mêmes ont des vulnérabilités physiologiques peu crédibles qui font glisser le genre de cette entreprise du côté de la fantasy plus que de celui de la science-fiction.
Mais bon, tous les cinéphiles ne sont pas des empêcheurs de tourner en rond, et certains ont même appris à tolérer des incohérences énormes quand le reste du film le justifie. Comme divertissement, Cowboys & Aliens s’en tire tout de même assez bien. Avec Daniel Craig et Harrison Ford en tête d’affiche, le film aura de quoi plaire à ceux qui cherchent une double dose de masculinité. Olivia Wilde parvient à nimber d’une aura de mystère un personnage qui aurait pu être moins mémorable. L’atmosphère de l’ouest américain est présentée avec des moyens convenables, et ceux qui espéraient voir des chevaux, des Amérindiens et des diligences ne seront pas déçus. Entre les mains du réalisateur Jon Favreau, le film se développe de façon assez habile, du moins jusqu’à la conclusion qui tombe un peu trop dans la facilité. Plus le western cède la place à la science-fiction, plus les poncifs de ce genre agacent. Disons que le coup de l’explosif qui détruit le centre de commande, et ainsi élimine complètement la menace… c’est du déjà-vu.
Bref, Cowboys & Aliens livre la marchandise sans en rajouter, et s’inscrit dans la catégorie des films pour lesquels les attentes des spectateurs détermineront le verdict final. Ceux qui sont sympathiques aux objectifs du film ignoreront les faiblesses pour aimer le reste. Ceux qui n’ont aucune affection particulière pour les cowboys ou les extraterrestres ne trouveront ici aucun élément pour les faire changer d’avis. La vérité dans le titre, plus que jamais…
Rise of the Planet of the Apes
La bande-annonce n’annonçait rien de très prometteur. Ressusciter la série de la planète des singes dix ans après le semi-échec critique et populaire du remake de Tim Burton pouvait apparaître comme une décision étrange, voire imprudente. Manipulations génétiques, questionnement sur la différence entre l’humain et l’animal, révolution simienne… tout ceci semblait bien familier et faisait craindre un autre «prequel » inutile.
Mais ce serait aborder Rise of the Planet of the Apes [La Montée de la planète des singes] sous un mauvais angle. Il est plus approprié, et plus intéressant, de considérer le film comme une œuvre autonome, en essayant d’oublier le roman de Pierre Boulle, la série de film des années soixante, la série télévisée des années soixante-dix, les bandes dessinées ou bien le film de Burton.
Tout découle de la décision d’un scientifique (joué par James Franco, l’air moins hébété que d’habitude) d’amener chez lui un jeune chimpanzé exposé à une drogue décuplant l’intelligence. Alors que vieillit l’animal, celui-ci se développe intellectuellement et en vient à questionner l’autorité humaine. Résumé ainsi, cela paraît bien convenu. Mais tout l’intérêt de Rise of the Planet of the Apes est dans les détails et la façon dont l’intrigue se développe, créant un attachement aux personnages et laissant le temps aux développements dramatiques d’avoir des conséquences. Le jeu des acteurs est extrêmement important… et jamais plus que pour un personnage entièrement généré par imagerie informatique.
Car une des forces de ce film est l’incroyable collaboration entre l’acteur Andy Serkis (mieux connu pour son interprétation du tout aussi numérique Gollum) et les artisans de la compagnie d’effets spéciaux Weta. En effet, les primates du film sont presque entièrement numériques, et peu de spectateurs s’en apercevront étant donné la qualité de la reproduction. L’évolution des effets spéciaux au cinéma n’est plus aussi spectaculaire qu’elle l’a été durant les années quatre-vingt-dix, mais les progrès n’ont pas ralenti pour autant. Ils sont tout simplement moins évidents. Dans Rise of the Planet of the Apes, plusieurs scènes émotionnellement chargées ont lieu entre des personnages virtuels sans que l’on n’y remarque rien d’anormal, ce qui s’approche très près de l’idéal des effets spéciaux impossibles à déceler.
Pour le reste, Rise of the Planet of the Apes est un film exécuté de manière classique, préférant une succession de développements dramatiques plutôt qu’une série de séquences spectaculaires déconnectées de la réalité. Le résultat est un peu plus lent, un peu plus subtil que ce dont on pourrait s’attendre d’un blockbuster estival, mais certainement pas déplaisant à voir. Même les sceptiques seront convaincus.
Apollo 18
Le concept qui sous-tend Apollo 18 [vf] est d’une audace quelque peu casse-cou qui en fait un film intéressant à discuter, peu importe l’impression décevante qu’il finit par laisser. Qui aurait osé imaginer un pseudo-documentaire SF/horreur racontant la «véritable histoire» de la mission secrète Apollo 18? Une sorte de «Blair Witch Project sur la Lune». Il fallait non seulement y penser, mais trouver des gens pour le financer.
à moins que ça ne soit quelque chose dans l’air du temps? Après tout, le méga-succès estival Transformers 3: Dark of the Moon propose une sous-intrigue dans laquelle l’effort lunaire camouflait une course vers des reliques extraterrestres. Qui plus est, un peu de recherche Internet dévoile l’existence d’un projet étrangement similaire, «Dark Moon», proposant un autre pseudo-documentaire SF/horreur au sujet de missions lunaires secrètes.
Mais bon; pour l’instant, Transformers 3 est d’une tout autre classe, alors que «Dark Moon» n’est même pas en cours de tournage et ne le sera peut-être jamais. Apollo 18, en revanche, existe et sera très bientôt disponible à la maison. L’intrigue se résume en quelques mots : envoyés sur la lune en 1974 par le département de la défense américaine, des astronautes découvrent que leur site d’alunissage est populaire. Un autre vaisseau russe se trouve tout près, assorti d’un cadavre mutilé. C’est à ce moment que les menaces hors-de-ce-monde commencent à surgir de partout…
Les puristes de l’exploration spatiale seront en droit de rouler des yeux devant cette nouvelle version des théories du complot au sujet des missions Apollo – qui rappelle les suppositions absurdes de ceux qui clament que l’alunissage a été créé de toutes pièces à Hollywood. à cet égard, les premiers et derniers instants du film brouillent intentionnellement la barrière entre réalité et fiction en évoquant des secrets d’état et inquiétudes diverses. Du matériel d’archive familier est combiné à des recréations en studio à la manière de caméras subjectives. Le montage comporte de nombreuses touches de postproduction supposées simuler (plutôt maladroitement) la pellicule altérée par le temps.
Disons qu’il faut un bon effort d’indulgence pour croire en ce film, ce qui est dommage car il y a quelque chose de séduisant dans ce mariage entre le très rationnel programme spatial et la surnaturelle terreur de contempler des astronautes vraiment loin de tout secours, tout cela sous la forme d’un «film trouvé». Un défi qui tient de la corde raide. Hélas, le funambule tombe, et il tombe souvent. Après une première demi-heure interminable (qui contribue à allonger l’expérience subjective d’un film qui ne fait même pas 90 minutes), Apollo 18 hésite trop longtemps à dévoiler ses quelques surprises, et ne sait pas trop quoi faire avec les cartes présentées. Les amateurs de films d’horreur savent déjà comment le tout se terminera, et le film avance péniblement vers cette conclusion inévitable. La grande menace est plus ridicule que saisissante, et les quelques derniers moments, bien qu’enjoués, créent plus de questions que de réponses sur la provenance des images de ce pseudo-documentaire.
Au final, c’est la forme d’Apollo 18 qui mine son fond. L’idée d’en faire un pseudo-documentaire s’avère ici un obstacle à l’appréciation du film. Plutôt que de se laisser convaincre par le réalisme direct des images et le désespoir des personnages (comme dans Cloverfield, dont la comparaison se révèle riche en instructions), la forme attire tellement l’attention sur elle-même qu’elle finit par obliger les spectateurs à questionner les choix du réalisateur. Les ajouts de postproduction deviennent des irritants. On se demande si le même film réalisé traditionnellement «à la Hollywood» n’aurait pas été plus convaincant, le spectateur acceptant la réalité partagée de la caméra objective. En fait, peut-être aurait-il été plus intéressant de sertir les images «documentaires» au sein d’un film de complot plus traditionnel.
Car dans sa forme actuelle, Apollo 18 se révèle plus proche du film expérimental que du divertissement conventionnel. Les critiques n’ont pas été très tendres, il faut le dire, et les spectateurs semblent avoir ignoré son bref séjour en salles. Film ennuyant, ridicule, fade et laid, peut-on lire à gauche et à droite… Notez bien l’occasion, car elle ne se reproduira pas souvent: sur un sujet analogue, Michael Bay a fait mieux avec Transformers 3.
Mise à jour: Octobre 2011 –